Demain Le Grand Soir
NI DIEU, NI MAITRE, NI CHARLIE !

Le Site de Demain le Grand Soir est issu de l’émission hebdomadaire sur "Radio Béton", qui fut par le passé d’informations et de débats libertaires. L’émission s’étant désormais autonomisée (inféodé à un attelage populiste UCL37 (tendance beaufs-misogynes-virilistes-alcooliques)/gilets jaunes/sociaux-démocrates ) et, malgré la demande des anciens adhérent-es de l’association, a conservé et usurpé le nom DLGS. Heureusement, le site continue son chemin libertaire...

Le site a été attaqué et détruit par des pirates les 29 et 30 septembre 2014 au lendemain de la publication de l’avis de dissolution du groupe fasciste "Vox Populi".

Il renaît ce mardi 27 octobre 2014 de ses cendres.

" En devenant anarchistes, nous déclarons la guerre à tout ce flot de tromperie, de ruse, d’exploitation, de dépravation, de vice, d’inégalité en un mot - qu’elles ont déversé dans les coeurs de nous tous. Nous déclarons la guerre à leur manière d’agir, à leur manière de penser. Le gouverné, le trompé, l’exploité, et ainsi de suite, blessent avant tout nos sentiments d’égalité.
(....)Une fois que tu auras vu une iniquité et que tu l’auras comprise - une iniquité dans la vie, un mensonge dans la science, ou une souffrance imposée par un autre -, révolte-toi contre l’iniquité, contre le mensonge et l’injustice. Lutte ! La lutte c’est la vie d’autant plus intense que la lutte sera plus vive. Et alors tu auras vécu, et pour quelques heures de cette vie tu ne donneras pas des années de végétation dans la pourriture du marais. "

Piotr Kropotkine -

Valse à trois temps

Nouvelle

Article mis en ligne le 25 février 2007
dernière modification le 28 septembre 2007

par siksatnam

J’avais passé la soirée à réveillonner avec du Théralène. Je m’étais enfilé quelques gouttes de ce liquide magique et puis plus rien, je m’étais dissout. Chaque année, à la même période, le cérémonial se reproduisait. Il fallait, coûte que coûte, échapper à l’orgie des fêtes de fin d’année, à leurs rituels hypocrites, aux bons vœux foireux que tout le monde se mettait à débiter, en un torrent où se confondait allégresse, convention sociale, devoir et mièvrerie. Un moment pénible pour tout homme se méfiant de la fausseté du monde, de ses petitesses et de ses indélicatesses. Il y avait dans le fêtes de Noël tout un condensé de la pitoyable attitude des hommes en société ; chacun est prêt à s’intéresser à l’autre mais surtout si cet intérêt se résume à une formule, assez courte, la plus courte possible même, une formule lapidaire de vœux.. Une corvée à les écouter tous.. Un spasme qu’il faut maîtriser avec un sourire de rigueur et avec une petite larme discrète au coin de l’œil… Un véritable numéro de contorsionniste pour certains.. 13 heures, je me lève.. J’ai pris le Théralène à 20 heures la veille et je suis resté assommé depuis. J’ai bien essayé de me lever vers 9 heures du matin, mais je n’ai pas pu.. J’étais comme dans un nuage.. Assez doux.. Assez mœlleux.. Un véritable plaisir d’esthète en somme.. J’essaye donc de m’extirper du lit.. Une fois, deux fois.. Non décidemment, je ne peux pas.. J’empoigne l’oreiller, je m’y vautre, m’y frotte passionnément, essaye de m’immiscer dedans… Puis de nouvelles tentatives de se lever suivent. Ponctuées par de nouveaux échecs.. Et enfin, la réussite ! Je suis sur mes deux pattes d’animal intelligent… Je me précipite dans la salle de bain et je m’inonde le visage d’une eau bien froide, bien vivifiante.. C’est froid, dehors c’est l’hiver.. Heureux d’avoir un toit et du chauffage.. Heureux de ne pas être un traîne misère.. C’est toujours ça de pris.. On a les joies que l’on peut…

Je descends et j’allume la radio, histoire de savoir si ce monde existe toujours.. J’ai la tête en compote, la démarche peu assurée, les idées en charpie.. Le Théralène, c’est bon, mais qu’est ce que ça brouille tout après… Ha ! La chimie, c’est fantastique ! A peine tourné le bouton de la radio, j’entends le curé en chef du Vatican baragouiner ses fadaises… La secte catholique nous inonde de ses rêves médiocres et sa morale pesante, du début à la fin de l’année..
Ça me donne un haut le coeur.. J’éteins le poste immédiatement.. Le coassement du curé en chef m’a quelque peu réveillé... Je me suis redressé pour quelques secondes et remis sur mes gardes.. Mais ce n’est que provisoire.. Mister Théralène est encore là.. Il distille ses dernières effluves dans les recoins de mon cerveau.. Il m’enveloppe encore de son brouillard.. C’est bien comme cela finalement… Un moment d’oubli et de décontraction totale.. Les fêtes de Noël sont un calvaire.. Elles s’immiscent partout.. Tu sors et tu en prends plein les neurones.. Chants liturgiques, chants à la con, néons ravageurs, brûleurs de planète, dealers de fêtes, escrocs aux bons sentiments.. Les marchands du temple, stipendiés par les religieux, sont partout.. On te sollicite pour cela, et pour cela encore.. On te vend les dernières nouveautés technologiques, les dernières avancées cosmétiques, les dernières machines-jouets évolutives.. On t’encrème le cerveau.. On fait du fric.. Comme d’hab.. Plus que d’hab.. On se vautre dans le pognon, avec un sourire à se faire péter les zygomatiques.. A t’empourprer les étoiles… On prend la guitare et on chante n’importe quoi, pour n’importe qui.. Pour tout le monde en somme puisque tout le monde est heureux.. C’est écrit ! On va même voir les pauvres et les vieux.. Manière.. Histoire de montrer que l’on a son humanité.. Que l’on connaît la compassion.. Que l’on peut être fraternel un instant, un court instant.. On fait des photos de cela.. On se montre.. On se vidéose.. On ose.. On pourra dire fièrement : « j’y étais moi aussi ! » ; moi aussi je sais être généreux.. Je sais, derrière mon énorme appétit, mon égoïsme congénital, ma médiocrité sagement apprise et entretenue, je sais me montrer humble, attentionné, courtois, quelqu’un un instant dans l’année.. Je sais donner… Du moment que cela me coûte peu…
Et puis, pour certains, on va plus loin encore dans l’ignominie.. On va à la messe, se « retrouver » entre deux rots liés au repas copieux que l’on vient de s’envoyer en famille… Certains y vont d’une démarche chancelante.. On a bien bu…Et pas du vin de messe ! On va communier un peu.. Pour voir comment cela fait.. On se dédouane de sa culpabilité en se déclarant membre de la grande famille des chrétiens, en distillant sa compassion, en bouffant l’hostie.. Moi, gamin, j’aimais bien les hosties.. Je me rappelle.. Cela n’avait pas vraiment de goût, mais cela s’accrochait au palais et se dissolvait petit à petit…

J’aimais bien cette dissolution de l’hostie... C’était tout un mystère pour moi.. Ma foi ne tenait qu’à ce petit bout de rien que ma salive dissolvait… J’avais même envisagé de commettre un fric frac pour piquer une cargaison d’hosties au curé.. Mais tout mino que j’étais, je n’avais pas réussi à réaliser mon criminel forfait… Depuis, j’ai eu le temps de goûter bien d’autres hosties.. Et des bien plus sévères.. Et radicales aussi. Des qui t’envoyaient en l’air sans besoin d’un curé pour t’indiquer le chemin… Mais, c’est une autre histoire…

Revenons à minuit, à sa messe, à ses agapes… On y va en famille… On emmènerait les animaux domestiques si l’on pouvait…Et le poulailler pour celles et ceux qui en ont encore.. Et le poisson rouge pour le petit… Tout cela ferait un peu grunge mais après tout, d’après ce qu’ils nous racontent, c’est bien ainsi que tout cela à commencé… Dans une grange, miteuse, avec animaux, et gens du petit peuple autour.. Aujourd’hui tout est beaucoup plus civilisé... On est dans des endroits propres, chauffés.. On va à la messe bien habillé. On se montre... On sort ses parures... On est fier de faire partie de la communauté…. De cette communion d’esprit qui a forgé l’occident… Enfin, on pourrait revenir là-dessus... Parce que l’occident, il s’est construit aussi autour de sacrés brassages... Et de sacrés massacres... Des noces de sang et de haines.. De la grosse entreprise de boucherie, où toute la violence des hommes a pu se déverser en des marées entières de haine.. Tout cela instrumentalisé et valsé par des évêques et des papes sanguinaires qui se sont succédés prêts à tout pour avilir les peuples et le voir s’entredéchirer…Prêt à inventer des hérésies, des schismes, des réformes.. Prêts à tout pour entretenir les foyers de violences et de mort… Le moteur des religions, c’est la mort et l’argent… Tout le reste n’est que fariboles, reniements, esquives et paraboles.. Ils se débinent tout le temps à l’heure des comptes… Ils préfèrent enrubanner tout de guirlandes de Noël… Elles mettent des couleurs dans la nuit… Elles font croire qu’il y a du bonheur…

Bernique que tout cela ! Et autres fariboles ! La curetaille veut nous rafler du bon temps, nous empêtrer dans la morale, nous brider nos instincts.. Et nos instincts, c’est tout ce qui nous reste de poésie en somme. Ils nous flattent et nous dévoilent, nous obliquent sur des pentes visqueuses, nous mettent en peine et à l’épreuve.. Ils nous font nous découvrir et nous dérider… Ils nous montrent le chemin de l’aventure, de la découverte... Bien sûr, on fait les découvertes que l’on peut ; c’est selon. Certains se contentent modestement d’une petite glissade… Un peu effrayés par tant d’audace, ils se raccrochent vite à n’importe quel fadaise vendue par un-prie-dieu… Quitte à rechuter peu de temps après… Et à se répandre en contritions dès qu’ils le peuvent.. Avec coups de fouet s’il le faut… Et marques de sang sur le dos et le torse… C’est beau le spectacle de la croyance et de l’hallucination… c’est plein de couleur et de prophétie de sang… Ça coagule les envies et ça créer du pathos… Ça calme l’animal pour sûr ! Ça a crée son homme en quelque sorte… Un animal domestiqué aux instincts appris, à la parole courbe, au sentiment réfléchi… On se répand peu dès lors… On se contente d’observer et d’ergoter rapidement par moments, lorsqu’il convient.. Mais la plupart du temps, on se tient sage… On tient son rôle, sa place.. On se contente de sa pitance et on en remercie l’éternel… Il est bien, l’éternel ! Il a tout prévu ! C’est sans surprise ! Une route toute tracée, bien éclairée, sans brouillard, sans chauffard, sans nid de poule… Une autoroute en somme… On paye et on se tait ! Et on se laisse guider… Et on

rampe… Ça, pour sûr, on rampe…

La poésie ? Ce sera pour après… C’est écrit dans la bible… Tout est écrit dans la bible… Qu’ils disent… Comme dans le code de la route… Certains essayent tout le temps de trouver du sens alors qu’il n’y a rien à chercher… Tout est expliqué, mâché, prouvé, institué, diagnostiqué dans les saintes écritures… Point besoin de poésie.. Il suffit de savoir lire… On peut même s’y reprendre à plusieurs fois pour ingurgiter les codes… Les curés ont tout le temps… Ils savent patienter… Ils sont fait pour cela… Pour la patience et pour nous apprendre, tas de mécréants ce qu’il convient de savoir, sans aucune digression ! Ils nous ramènent à notre petite condition de microbe humain face à la béatitude divine… Ils nous font comprendre que nous sommes si peu… Si moindres.. Que notre seule täche est de nous taire… Question de décence ! La décence, voilà ce qui les tient… Même si, au travers de moult massacres, ils en manquèrent de décence, à travers les ages… Mais de toute manière, il ne s’agissait que de massacrer de la piétaille, du vil grain, de la racaille comme diraient certains…
En somme, nous leur sommes redevables de tout… Et grandement encore ! Comment en douter un seul instant ? Avant, il est vrai, les choses étaient plus opaques… Ils nous causaient en latin… Fallait suivre… Ce n’était pas bésef… On avait l’air encore définitivement plus cons que ce nous sommes réellement… Mais depuis, z’ont appris la modernité… Z’ont été très peuple... Soupe populaire… Et aussi dans les usines… Et aux champs de bataille…. Décidemment, z’aiment bien les champs de bataille…. C’est toute cette couleur sang… Ça les réchauffe… Ça les conforte dans leur idée de nous voir juste tas de viande, petitement civilisée, prêt à tout pour se sentir exister… Quitte à en crever… Pour la cause… Enfin, pour leur cause, celle qui est écrite, celle que nous devrions connaître par cœur… Celle qui fait vibrer et claironner les gueux ! Ce n’est pas du guignol tout cela… C’est beaucoup moins classe… C’est la voie des Nations… Auréolées d’allégories mystiques, de fièvres nationales, d’idoles canonisées… Un petit miracle, et tout repart ! Comme en 14 ! On y croit… On va descendre l’ennemi parce que l’ennemi ne croit pas dans le même dieu que nous... Enfin, comprenons que le dieu de l’ennemi n’a pas les mêmes pliures que le nôtre… Et puis, il ne sent pas bon… Et il n’est pas beau du tout non plus… On se demande si on est homme pour vénérer un ours pareil ! C’est faire œuvre de charité que d’éliminer de tels adorateurs… D’ailleurs pour s’accrocher à une telle fadaise, on ne mérite pas d’exister… Alors, on tue… On les tue avec énergie et allégresse.. On atteint la grâce dans le bain de sang… On se jouit dessus…. On n’en peut plus… On est homme, un peu plus divin en somme… La messe est ainsi dite… Amen…

Nous, nous étions malheureux en l’absence de toute parole apprise… On se cherchait.. On se cherche encore… Prêt à on ne sait quelle déchirure… En tangente perpétuelle… Sur le fil du doute… Nous, nous étions seuls face à nos doutes et à notre destin. Parfois, les désillusions nous assaillaient soudainement et nous prenaient à la gorge. Cette attaque, brusque et rapide, nous laissait immobile, détruit, vaincu. Nous nous sentions alors encore plus seuls, abandonnés… Avec un sentiment tinté de trahison… Nous étions si beaux, libres de toute entrave et puis, soudainement, nous n’étions plus que cailloux, joujoux, inutiles, escrocs du réel. D’un seul coup, une pesanteur usante s’abattait sur nous et nous laissait pantois. Nous en venions à maudire la vie et à envier ceux de là bas, ceux de la certitude, ceux qui dansent avec les dieux ou, tout du moins, ceux qui essayent suivre le quadrille avec le maître absolu. Nous étions jaloux d’un pas de danse en somme, un petit pas, bien simplet et nous en étions à vouloir nous immiscer dans la ronde…. Mais ces orages passaient aussi vite qu’ils n’étaient venus… Leurs assauts féroces nous rappelaient à nos faiblesses… C’était un rappel à l’ordre en quelque sorte… Nous ne sommes ni grands, ni petits… A peine chose humaine, de chair et de sang… Chose aimante et maudissante… Chose seule malgré tout… Petite graine pouvant cependant déplacer des mondes, construire des rêves, naviguer à l’infini et suprême beauté, se révolter toujours… Et truc bien plus libre que ceux décrits dans leurs livres, leurs combinaisons, leurs codes… Un truc qui dépasse les opinions, les coutumes, les édits…. Un truc qui ne se décrète pas… Voilà, ce que nous avions, ce qui revenait en nous, c’était ce culte de l’audace, de la dérision et la critique… Un carburant qui nous aidait à passer les caps, à vaincre les désillusions, à réformer les mondes… Un truc qui ne s’écrivait pas mais qui se vivait, tout simplement…

Et vivre, non d’un démon, j’y passais du temps…. Allant d’histoire en histoire, m’éveillant et me cognant comme un furieux, toujours prêt à m’attacher aux illusions. Penser seulement que le but du citoyen lambda est de produire suffisamment pour faire tourner la machine et pour consommer m’était intolérable. L’Etat veut nous réduire à un rôle de fourmi, figurant quelconque dans la grande course à l’édification d’une société de plus en plus policée, informelle et sécurisée. Un monde sans courbe, aseptisé, où tout est prévu d’avance, analysé, soupesé, accepté ; où toute défiance est imaginée et canalisée aux travers de filtres pensés par une élite orgueilleuse, imbue de ses prérogatives et de sa puissance financière. Un monde où le moindre brin d’herbe va être étudié, planté et surveillé. Un monde de l’absolu, fiché, sans marge et sans tendresse. Un monde sûr, entier, tassé… Un gros pack écrasant tout particularisme. Une utopie accomplie… Un beau cauchemar, total, hideux, moderne… Un étron jeté aux timides élans de l’intelligence. Une modernité branchée offerte à tous, gratuitement, par les marchands, les eunuques du cerveau, les cruels décideurs, les soucieux penseurs et les vraies ordures.. Un monde qui leur ressemble… Un monde bien foireux…

Et la fraternité, parlons en ! Un beau mot, la fraternité… Tout un programme.. C’est même inscrit sur les frontons des mairies… Un symbole républicain, une icône, un socle… Ça fait frémir pas mal de monde, la fraternité… Ça tient certains debout, fort d’une mission, d’un acte fondateur.. .. C’est un truc qui nous remonte de l’enfance, la fraternité.. Avec un zeste de sentiment religieux… Comme une promesse non tenue… Une rancune… Parce que, disons le tout de go, elle est proche du zéro la fraternité… Va voir en banlieue… La fraternité de la misère.. Mon cul ! Elle a bon dos la misère ! La fraternité, tout le monde s’en tamponne… C’est la Byzance des faux derches ! C’est clair, net, précis… Dosé… Comme l’héroïne… Ou le crack… Une dope de pauvres… sans espoir…
On te la sort à toutes les sauces… A grands coups de discours… Officiellement, c’est un socle… Je le redis… Faut être précis lorsque l’on en parle… Faut être sérieux… Faut pas galvauder… Ce n’est pas le moment… On est fraternel avec tout le monde dans cette société… C’est super chou… Ca fait frémir… Ding, dong, les cloches sonnent… Ça carillonne sec… C’est le tremblement général…. Le cœur des pleureuses… Gaaarde à vous ! C’est la fraternelle… Partout… C’est écrit… C’est l’union sacrée… l’orgie héroïque… Le bal républicain ! Dans tous les partis politiques, on vend des doses de fraternité… En couleur, en rondeur, en belles frayeurs… Ce sont comme des féeries en somme…. Et dans les syndicats… Ils en dégueulent tous de fraternité… Encore plus dans les alternatifs… Sont fraternels à donf dans les syndicats alternatifs ! Entre quelques couches bien sédimentées de catégoriel intensif, entre moult corporatismes assumés, ils font une bonne com sur la Fraternité… Et les grenouilles de bénitiers, les crapauds enrubannés, les frères machins choses… Sont terriblement fraternels aussi… Et ne parlons pas de la fraternité de la troupe…. C’est tout fraternel une compagnie de CRS… Les seuls qui ne le seraient pas trop, et encore cela reste à vérifier, ce serait ces jeunes loups traiders, apaches du capitalisme, sauvages entiers, bien dressés à bouffer les autres… Bien qu’il existe aussi entre eux une réelle fraternité… Celle qui naît autour des rails de coco… Celle que l’on ressent lorsque l’on dépanne d’un gramme et que l’on sniffe ensemble, avec un bon dollar enroulé, une magnifique ligne sur le socle d’une carte bleue… La poudre a des reflets changeants suivant l’atmosphère dans laquelle on se trouve plongé… Elle épouse les couleurs.. Parfois elle est devient bleue, fluo, puis se tourne en rouge vif et s’apaise enfin en un blanc laiteux… On prend de la poudre comme on prend du café dans certains milieux… Sa symphonie se situe des sommets du business aux sombres appartements de nos villes… Elle se répand pour distiller un ennui profond d’une vie superficielle… Ou bien, elle liquide la révolte, lifte le désespoir, égorge l’espérance… C’est un ersatz.. On en prend parce que l’on se rend bien compte qu’il y a quelque chose qui cloche dans ce monde… Que la fraternité c’est comme le père Noël… Au mieux, un truc pour faire rêve ; au pire, un truc pour faire vendre… Et on crève du commerce… Ils ont beau dire, tous, avec leur commerce ! Leur libre échange ! Tu parles d’une liberté ! Idem, arnaque que plus de liberté ! C’est un autre pilier mensonge de l’Etat… C’est du flan industriel… Un truc bourré de produits chimiques… Pas franc du collier… Bien putassier encore… Et là, c’est encore plus fariboles… Parce que tout le monde s’en revendique de la liberté… Une sacrée pute, la liberté ! Les pires dictatures s’y accrochent… Et y accrochent ce qu’elles veulent… Liberté du commerce, de religion, de bêtise, de détruire, de broyer, d’anéantir, de nier… « Liberté, liberté chérie… » ; Tu parles… Loufiat va ! Va en parler à ceux qui souffrent de la liberté… Et tous ceux qui ont crevé, comme ils ont pu, pour la liberté.. Le moteur des guerres aussi… Et à de sacrés conflits de plus… Deux guerres mondiales… Des tonnes de cadavres…. ET pas tous héroïques… Des tonnes de trucidés et de génocidés… Alcoolisés à mort dans les tranchées qu’ils étaient en 1914…

C’était la seule façon de tenir l’horreur…. Ils n’en parlent pas dans les livres d’histoire... Mais c’est la vérité… C’est cruel… Et les gendarmes, ces planqués historiques, qui attendaient derrière les lignes pour attraper les déserteurs, pour assassiner dans le dos les mutins, pour ne laisser aucune chance à personne.. Sauf à eux mêmes, évidemment… Au bout de la chaîne de l’horreur, lorsque tu tiens le dernier fusil, tu ne prends aucun risque… Tu te tires de tous les mauvais coups et tu ne laisses pas de témoins… Bien sûr, on en a retrouvé quelques uns efficacement trucidés… C’est humain… Il faut bien se défendre… Mais trop peu cependant… Z’ont assassiné beaucoup trop de monde encore, nos pandores… Et la deuxième guerre mondiale… La liberté a été traînée dans les chiottes pendant des années entières… Une véritable dérouillée qu’ils lui ont mis tous ces civilisés… Même pas un concerto… Non, une vraie œuvre magistrale, avec tout l’orchestre de la bêtise humaine Et tous ses ténors… Barytons et consorts… Les meilleurs chefs d’orchestre… De tous bords et en tout genre… Après une telle régalade, t’as même plus envie de déféquer… Ça ne t’émeut plus… Le cöté fanfreluche ne passe plus… Ce n’était pas une petite expédition guerrière.. Petite menée coloniale… Quoique la colonisation a fait de sacrés beaux dégâts aussi… Pratiquement des génocides dans bien des endroits…. Afrique australe, Congo, Algérie… Ah mon colon ! C’est le moins que l’on puisse dire… Mais la seconde guerre mondiale a battu de beaux records… Millions de morts, de blessés, d’estropiés… De bien plus de désespérés qu’il ne faut… Et puis, moderne pour l’époque la mort… Fusillades et canonnades traditionnelles… Mais bien plus encore.. Bombardements, gazages, chimies, atomisations… Et quelques autres bien belles saloperies… Sans compter ceux des camps… Millions aussi… Carrément rayés d’humanité… De façon industrielle… Tout à fait pensée, enregistrée, planifiée… Le principal souci des dirigeants des camps de la mort était de savoir comment détruire le plus grand nombre possible de cadavres dans un laps de temps le plus réduit possible… Afin de pouvoir remplir leur quota d’ignominie… Et de devenir encore plus dignitaire de l’indigne… Ils avaient une vie de famille… Les dirigeants des camps de la mort… De bons pères de famille en général… On n’en a pas pendu assez de ces ordures là…

Mais c’est ça l’humanité aussi… De belles ordures aux visages changeants…. Capables d’assumer l’horreur…. Faut de l’estomac pour ça ! Une sacrée dose de cynisme aussi… Et puis, sans doute, une solide éducation matée de protestantisme.. La religion, on y revient toujours… Feraient tout pour rappeler à leurs bons dieux le petit peuple… Un devoir d’abnégation en somme… A la Noël, ils étaient tout chose aussi… Faisaient le réveillon… En famille… A deux pas des fours… C’est poésie l’humanité… Je le redis !

Alors, des feux d’artifice, le monde sait en faire… Et il ne s’est pas calmé depuis…Depuis, Il a essaimé des dizaines de conflits de basse intensité à travers la planète…. Basse intensité disent-ils… Enfin, en dessous du million faut comprendre.. Sauf parfois quelques dérapages… Cambodge, Rwanda…. Manière de rappeler que le monde peut encore s’énerver… Egorger méthodiquement de faire crever de faim ses populations… Manière de rappeler aussi la primauté des idéologies sur le vivant…. Manière de se dire que nous aussi, on peut être tous aussi sanguinaires que nos aînés… Que l’on jouait à la game boy et que l’on peut aussi, après dégommer son prochain à coup de kalachnikov… Ou bien, bien le taillader sanguinolent au beau milieu d’une rue, d’une place publique ou d’une école… Ou mieux encore ! Bien éventrer vivant, ou lui fracasser la tête, c’est selon, au milieu d’un église, près de l’autel… Cela prend alors une toute belle dimension… Cela rajoute à l’acte… A l’éclaboussement ! A la vacherie…. C’est belle hardiesse… Sacré fort culot… Après cela, quelques années passées, on fait comme tout le monde… On se repent… On a été fou… Un peu fripon…. On avait plus toute sa tête… Et puis, jeunesse que tout cela… On était dépourvu en quelque sorte… On ne savait pas qu’il fallait se tenir fraternel… On en était resté à la fraternité de la hachette… Cela forge son homme, pourrait-on dire… C’est de l’accomplissement en fait…. Mais c’est aussi un sacré tango… Une drôle de danse… Et une musique à vous abrutir qui se meut derrière… En somme, c’est une véritable vague, immense et violente, qui traverse la planète et qui la ravage en toute part… Elle va et vient sans arrêt et se nourrit d’un océan de tristesse, sans fin… Tout comme dans le cœur des hommes…

Et puis parfois, tout cela circule encore…. Cela revient à la surface impromptu, amer. Ras de marée soudain… Comme des souvenirs qui resurgissent au moment où ne s’y attend plus…. Tout comme lorsque l’on se met à ranger des bricoles… Des bouquins sur une bibliothèque…

On redécouvre des volumes, des écrits, des notes… On s’époumone d’émotions, de coins marqués, de reliures défaites… On déterre un petit album photo… on y revoit des personnes que l’on a croisé, des personnes que l’on a aimé.. Des endroits visités… On cherche des noms… On s’illumine sur certains regards… On s’assoit posément dans un fauteuil et on feuillette… Et l’on prend son temps parce que l’on se sent comme happé par la découverte…. C’est bouffée de souvenirs et d’émotions qui t’étranglent… C’est comme l’enfance, la magie perdue… Ça procède du refoulement… C’est grande nostalgie… Et la nostalgie, lorsqu’elle te prend… C’est humanité encore… Forte et grande humanité… Retour d’âge et regrets… On ne sait d’ailleurs trop pourquoi… Regretter le passé, à quoi bon... On peut se cogner aux murs d’avoir perdu certains amours… D’avoir trop perdu en quelque sorte.. D’avoir trop cru à la féerie des sentiments… De s’y être livré sans filet... De s’être bien vautré, plusieurs fois comme un insecte qui se cogne à une vitre, comme un animal craintif, perdu, cherchant la sortie… On se fait tellement avoir… Toujours… Eperdument… Et le pire, c’est que l’on a tendance à reproduire les mauvaises expériences… On est bien balourd, pour sûr… Assurément balourd… On aime, on se vautre, on se redresse… On aime encore… Et l’on rechute… On se fracasse os, mémoire, sourires… On en pleure beaucoup…. Et l’on maudit le monde…
Il faudrait pouvoir brûler toutes ses photos… Se rayer la mémoire… S’affranchir vraiment… Etre léger, sans attache, à contempler le monde, à rire du néant, à s’en mettre jusque là… Capable de chevaucher l’horreur et de terrasser toute désillusion. Etre au dessus de notre animalité… Etre seul… Etre bien et tout seul… Sans truc qui te colle à la patte… Sans souvenir idiot… Sans rien, surtout ! Ce n’est pas facile à faire… Cela fait peur… On hésite… On y tient à ses souvenirs…. A ces photos dont les couleurs passent à moitié… On y tient à la photo où l’on est tout bébé, à peine né, berceau d’innocence… On s’aime petiot, on s’aime marmot, on s’aime ado, on s’aime jeune marié, on s’aime jeune papa… On y tient à ces traits du passé… A ces traces nostalgiques… On y tient fort comme on tient à nos regrets… Cela donne contenance et histoire à raconter… Détruire ce genre de trace n’est pas facile… Ça veut dire que l’on renonce et que l’on accepte la cruauté du temps… Ca veut dire que l’on comprend que nous sommes bien carpeaux… Bien quelconques, bien fourmis… Bien peu de chose en somme… Que notre histoire n’a que peu d’importance… Que le papier photo ne reste que papier… Et que le papier n’est bon qu’à brûler… Enfin, c’est ce que certains pensent…

Petit à petit, on y perd des choses aussi….Avant que d’être sournois, on se découvre méfiant… On ne joue plus dans le spontanéisme… On en vient à vouloir faire souffrir l’autre… Pour voir comment il résiste lui aussi… Parce que cela use… On en devient cruel avant de se

vendre... On est rongé en quelque sorte… On y perd à chaque fois quelque chose.. On recommence encore mais pour combien de temps… Les gens, ivres de sentiments, les amants maudits, les cogneurs de baisers…. Les agités de la tendresse… Les désespérés des rencontres.. Tout ce peuple qui se cogne et qui cherche… Tout ce troupeau sauvage qui va d’une rive à l’autre… Toute cette immigration fiévreuse des rives adultères… Des amours clandos, des sentiments cachés… Des tremblements écrits, aux détours des nappes, entre deux soupirs et aux fonds des regards… Toutes ces choses que tout le monde feint de ne pas voir pour ne pas se faire peur, pour ne pas risquer de se remettre en cause, pour ne pas dérailler… Pour ne pas admettre que le bonheur est chose bien aléatoire, discrète, fugace.. Chose bien putassière aussi qui te fait te traîner au sol, te vomir, te nier… Toute cette chose qui t’emprisonne et te colle à la peau… Tu cries, tu pleures, tu te rebelles… Rien n’y fait…Tu es pris au piège des sentiments… On est peu de chose face aux sentiments…. Ils prennent un homme équilibré et le retournent dans tous les sens, le secouent, le violent aux tréfonds… Ils le formatent et le manipulent… Ils font de lui un pauvre hère criant aux étoiles toute la souffrance qui lui remonte de loin…. Toute la souffrance des hommes, des guerriers, des jouisseurs… Toutes les agonies apprises… Que l’on retrouve aux abords du bonheur… A la recherche désespérée d’une sérénité qui ne vient pas…. Qui fuit même, lorsque l’on se rapproche d’elle… Une course sans fin, qui fait de toi un pantin…. Un être qui s’essouffle à courir derrière il ne sait plus quoi…. Comme un aveugle…. Moins qu’un aveugle même…. Puisqu’il n’a pas les codes… Ne les connaît pas… Est plongé en ignorance, en décrépitude… A la fois lentement et soudainement… Bien piègé en somme… Et seul à s’en dépatouiller… Parce que là, arrivé à ce stade, quoi faire…. Se révolvériser ? Cela n’apporte pas grand-chose à l’affaire…. Non, tu es là prisonnier, enchristé dans un carcan… Ce n’est plus poésie que tout cela… C’est fardeau et boulet enchaîné… Ce n’est plus légèreté et insouciance…. C’est abominable souffrance… C’est la fin du rêve… On s’y frotte, on s’y brûle, on s’y perd…. Comme si l’on n’avait rien appris… Comme s’y l’on avait pas conscience…. Mais on veut se brûler toujours et encore ! Cela s’appelle exister ! C’est ainsi… Rien de grandiose… Beaucoup de misère même… Un goût amer dans le fond de la bouche… On y goûte son sang… On y comprend sa fin… On la réclame… On la crie… Et puis, l’on vit encore, bon chienchien… Pas téméraire du tout… On se raccroche à sa viande… On ne se dit pas si mal, après tout… On regarde les malheurs des autres et l’on s’en rassure… On trouve toujours plus minable et plus pitre que soi…. Cela nous fait avancer… On propose même aux autres de leur vendre du bonheur, histoire de les voir se vautrer à leur tour… Après tout, il n’y a pas de raison que l’on soit le seul à s’enquiller la poisse… La mistoufle pour tout le monde ! C’est démocratique... Pratiquement révolutionnaire ! Ça fera de la peine et ça fera marcher les usines à sentiments…. Ça fera grouiller le monde… Et bons conflits… Sait-on jamais, bonne guerre en somme… Les hommes et leurs conflits se nourrissent de leurs propres larmes séchées… Au départ, les conflits ne sont ni épiques, ni héroïques… Ce ne sont que des ritournelles, que des chansonnettes qui viandent lamentablement... On est autant haineux que l’on a cru à ces amourettes… C’est le ciment, le moteur des choses…. On se sent lion un jour et l’on se découvre hyène, seulement, le lendemain… C’est cauchemar la vie des hommes, l’histoire de nations et tout le tremblement… Ça donne frisson au dos… Ça déménage… On aurait tant envie de se blottir là, au bord de la route, au matin de la rosée… De se sentir reposé et apaisé… Mais non ! Faut se remuer ! Faut se la cogner la route ! Dans tous les états et par tous les temps… Ça ne pardonne pas tout cela… C’est guirlandes de misère… Pas réjouissances ! On aimerait bien être petite crevette, aux belles couleurs franches… Mais nous ne sommes que cafards, insecte miteux…Hommes en quelque sorte… Homme, surtout !

Et quand vient l’heure du châtiment, on cherche encore à se défiler.. Pour s’éviter une gueule de cadavre… Parce qu’ils ont de sacrées gueules nos cadavres… Figés qu’ils sont… Comme dans la vie… Pour la plupart d’entre nous… Mais avec la différence que là, c’est du définitif, du mastoc, du « qui n’y revient plus »… Avec aucune pirouette au bout… Ne faut pas croire les machines à bondieuserie… Quand le moteur est arrêté, il ne redémarre plus… Bernique ! Il se tait à jamais et commence rapidement à s’oxyder et à avoir peur.. Parfois, il se met même à gonfler… Cela dépend ce que tu as ingurgité avant… Nos cadavres sont rarement jolis... On fait de ces gueules de cadavres ! De vrais tartinouilles.. Et pas frais, je le redis ! Avec nos yeux écarquillés, comme surpris.. Grands couillons que nous sommes… Et parfois même, notre langue qui pend, qui sort de la bouche, comme s’il elle voulait encore se pâmer, s’insinuer, lécher quelques trous célestes…

Et puis cette impression générale de surprise que l’on fait lorsque l’on se retrouve cadavre ! Comme si l’on ne s’y attendait pas ! On ose encore se la jouer… Faire son étourdi… Et pour sûr, se la donner timide même, si au cours de sa vie, on a été foutue peste, emmerdeur du voisin, sans aucune considération pour l’autre, bien égoïste et surtout grand égocentrique ! On fait son cinéma en somme… Un vrai théâtre avec ses moments d’émotion, ses silences, ses interrogations… Notre mort est spectacle ! Un peu plus intéressant pour beaucoup que fut la vie qui passe… Là, on tient son rôle ultime… On a plus peur de se montrer en spectacle.. On fait sa grimace... Inimitable ! C’est la nôtre… A soi.. Bien profonde.. Très spontanée et si vraie… Quelque chose de vraiment spontané et d’osé.. Avant, lorsque étron vivant nous étions, nous n’osions pas nous montrer vraiment… mais là, on se lâche ! On perd les fluides et les manières… On se vide de tout… Et on pose pour la postérité… Certains d’entre nous, lorsqu’ils sont bien cadavres, semblent être figés dans une sacrée souffrance... Cela semble les faire souffrir que de mourir... Petits cachottiers qu’ils sont…. Veulent nous faire peur ! Veulent que nous nous cognions la tête contre un mur pour essayer d’oublier cette souffrance… Sacré cinéma que tout cela ! Z’ont pas trop dérapé lors de leur vie passée alors là, ils se rattrapent les canailles… Et puis, ils se mettent à puer rapidement… c’est plus parfum et frou-frou… Non, c’est odeur forte et renvois de nature… On y perd ses cheveux… C’est le jeu… Les tissus se fanent… On est fleur soudain… Sauf que l’on en pas l’odeur… Mais, bon, on fait ce que l’on peut… On est bien éloigné des odeurs de l’amour.. Du souffle chaud et des cris… Des rondeurs des seins… De ces ballons si doux que nous tétions avec emphase, avec gourmandise, avec voracité… Q’elles étaient belles toutes avec leurs nénés qui se ballottaient alors qu’elles s’enfouissaient en nous, sans pudeur, sans retenue… Avec beauté.. Avec fraîcheur.. Avec envie… Ah, l’envie ! C’était tout bonheur que cela, l’envie et les envies… Se perdre dans l’odeur qui ruisselait d’entre les cuisses et commenter les culs… les explorer.. Les décrire… Les connaître.. Les travailler… Les tenir ! Rester en extase au cul des culs ! Envie de les dévorer.. D’y tenir main forte.. Et puis remonter aux aisselles… Et bifurquer aux seins.. Encore les seins ! Et puis se perdre entre les deux… Et puis remonter à la gorge.. Aux oreilles… A la bouche… Et encore ! Titiller les lèvres.. Entendre les rires.. Tâter la bouche.. Lécher la langue… La chercher, la coincer, la malaxer… La lécher encore.. Jouer au bras de fer avec…. A qui léchera le plus fort… Un vrai sport que tout cela… Et puis s’y frotter encore.. L’obliger à sortir, à rentrer, à se promener dans le palais… Et puis la boire, l’avaler, la déglutir… S’y perdre encore, avec folie… En suivant ses ardeurs, ses témérités, ses initiatives… En être un adorateur… Et redescendre encore au pays de l’entre cuisse, histoire de bien tout goûter… D’être bien rassasié. Repus… Comme pour profiter au mieux des bienfaits de la vie.. De ce que la vie a de meilleur… De ce qui nous est dû… De ce que nous seuls pouvons apprécier à sa juste valeur… C’est nous qui donnons le la à ces affaires et il ne faut pas les louper… Il faut faire chair joyeuse… Ce n’est pas la peine de s’amuser à faire tabou de ces choses là… Non ! Il n’est question alors que de chair.. Et bien vivante la chair ! Chaude, pleine de plis et de reliefs.. Pleine de chaleur.. On y sue beaucoup.. Hourra.. C’est la fête ! On y sent les odeurs charnelles… On s’y perd… On reconnaît.. Ça y est ! Là, on devient ivre… On est devant le fait accompli… La copulation est le signal de l’homme… C’est son extase… Sa grandeur.. On en devient tout rouge par moment… C’est tout bonheur… On se fout de leurs idées à la con… On brade tout… On considère que l’on se réalise à ces moments là… On n’est plus fieffée salope.. Non, on est explorateur… On a la fièvre… On renonce ! Les convenances, ce sera pour plus tard ! Ou pour jamais.. Du moment que l’on puisse tirer sa crampe… Que l’on puisse répandre son jus.. On est bien égoïste alors…On est prêt à tous les reniements pour répondre à l’appel du foutre… A pour sûr, on n’échangera pas sa place…. Ils peuvent répandre les piastres ! Repasseront ! C’est notre moment d’éternité… Chacun y a droit ! C’est justice… C’est la seule qui nous est accordée en somme... Faut en profiter parce personne n’en fera usage à notre place… Bien sûr, il y a tous ces pisses copies qui nous disent du mal de la chose ; qui nous incitent à nous en éloigner.. Qui nous dévoilent péchés mortels… Qui veulent nous faire trouille encore ! Des qui déraperaient bien aussi mais qui n’osent pas et qui se cachent derrière les écrits… C’est facile d’analyser le monde derrière les écrits.. On ne prend pas de risque… On ne risquent ni d’attraper un rhume… Ni vérole, ni maladie terrible… A part la berlue, et en somme… Les écrits rassurent de tout.. Tout est écrit et son contraire… On peut se rassurer facile ! On nous fournit toute explication et en toute chose… C’est la véritable assurance tout risque ! La parfaite… L’inégalée… Un truc formidable qui prévient à tout… Avec les écrits, plus besoin de vivre en quelque sorte… Tout a été prévu, relié, classé…. On a même plus besoin de sentiments et de souffrances… On cherche le bon ouvrage… On ouvre les pages… On les lit… on les digère.. On repose le livre.. On le reprend après quelques instants pour poursuivre.. On n’a pas à s’essouffler…. On prend son temps… Questions… Réponses… C’est un peu comme les profs… Ils sont censés nous apprendre la vie alors qu’ils ne la connaissent que par le biais de l’école et des livres.. Ça frise l’arnaque non ? Et bien, moi je dis que c’est pure arnaque que ce savoir livresque… Et toute la pédanterie qui s’y rattache… Tout juste grossier que de nous prendre ainsi pour des cons ! Par bélzébuth alors !!! Non d’un lapin, ce n’est pas vrai ! Nous prendre pour une bille à ce point ? Eux aussi croient tout connaître… Fils de bouquins, ils sentent avoir tout appris… Tu parles ! Tout lu ? Mensonges ! Et même si cela était possible, ils ne sauraient jamais rien… On apprend les océans en se perdant dans les lits à explorer la géographie des femmes… Au creux de leurs reliefs, on découvre les choses et on se rend compte de leurs complexités.. On devient humble devant ce savoir des corps et des mélanges.. On y prête attention naturellement et on s’y accorde à son apprentissage… Ce n’est point littérature et agrégations que tout cela… C’est poisse et réalité, c’est odeur et chuchotement, c’est passion et d’égoût… C’est bombance en somme ! Ils ne peuvent pas comprendre les lettrés… On ne fait pas partie de la même planète… On ne vit pas les mêmes misères… On ne pleure pas de la même façon… On n’a pas la même vision de la chasteté… Avant tout, on n’accorde pas la poésie au même violon ! Faut résumer ainsi, je pense… On ne situe pas l’ivresse au même niveau…. On ne s’en gausse pas… On en vit !

La journée avait été douce. Une journée d’hiver inédite. Le ciel avait été d’un bleu limpide et le soleil avait été d’un rayonnement constant. De plus, le froid n’avait pas voulu mordre… Et comble de bonheur, je n’avais pas été au chagrin… La boîte avait téléphoné plusieurs fois à mon domicile, sur mon téléphone fixe. N’obtenant aucune réponse, elle s’était rabattue alors sur mon portable que je n’avais pas daigné allumer. Après deux ou trois tentatives infructueuses dans la matinée, le tôlier avait abandonné. J’avais donc une journée de glande à moi tout seul, sans aucune tâche particulière à faire, sans aucun sermon à recevoir et sans aucun stress à développer… J’avais donc profité de ces instants pour me faire couler un bain, aromatisé d’essences, et je m’y étais plongé longtemps, m’y lovant dans sa chaleur et ses voluptés J’avais fini de lire un roman de Jean Amila, histoire de rajouter encore une touche de plaisir à l’instant. Ensuite, j’avais pris le temps de me faire quelque repas cuisiné, illustré par un Saint Nicolas de Bourgueil… Je m’étais ensuite replongé dans un bouquin, bien calé sur trois oreillers, dominant ma couette et replié ainsi dans ma tanière... Le patron, je le vomissais… Et le taf ne me polluait plus le cerveau… Pour un temps seulement… Il faut savoir s’aménager ainsi des reculs face à la machine qui te lie au travail et qui t’attire vers ce moloch des temps modernes… La production de masse… Quelle fumisterie que ce cirque… Parfois, je m’échappais ainsi du quotidien assez banal du salarié lambda… Je rompais avec cette tristesse commune… Je traînais au lit, avec ou sans compagne… Avec, c’était nettement mieux il est vrai… Je pouvais alors vivre sa chaleur et me perdre dans ses formes... Cela faisait belle et longue exploration… Car il en faut du temps pour parcourir vraiment une femme… On s’y perd souvent… Et puis, c’était aussi belle fatigue que tout cela… Rien à voir avec la lassitude qui te prend après une journée de travail… Cette même lassitude qui semble engluer tout ton être et te coller au cerveau… Celle qui pompe toute ton énergie et te laisse éteint, prêt à sombrer dans toutes les démissions… Prêt à ingurgiter les informations télévisées ou radiophoniques, les pensées courbes et étroites des éditorialistes, la myopie des journalistes... Les poncifs des gens de pouvoir et le poison des dominants… Tout ce qui fait que nous sommes dans un moule et qu’il nous faut y demeurer.. Avec, en plus, dans nos sociétés démocratiques la certitude apprise que nous sommes des privilégiés puisque vivant précisément dans une démocratie et dans une opulence certaine… Avec cette idée que nous devons tous nous y tenir et que nous sommes tous complices du pire comme du meilleur… Si des centaines d’immigrés crèvent en se noyant au sud de Gibraltar, nous devons l’accepter. C’est en quelque sorte, la rançon du « succès » de nos sociétés. Et force est de constater que une impressionnante majorité de « citoyens » y adhère sans broncher… C’est bien vendu par l’Etat, bien accepté par les « masses », bien entré dans les mœurs… On préfère consommer, jouer au loto, aller au foot… C’est moins compliqué… On se sent en communion... Tout le monde a sa carte bleue… Tout le monde a un peu de fric pour consommer… Tout le monde est autiste… Ne veut pas voir les cadavres gonflés qui s’accumulent sur le sable des plages d’Espagne… Ça fait trop désordre… Et puis, cela pose trop de questions… Moult… Alors on évite… On préfère s’acheter une clé USB… C’est tendance… Cela renforce le statut social assurément ! Cela pose l’individu… A contrario, parler de la misère, la vraie, bien terrible, celle qui vient se cogner à nos portes blindées, c’est pas dans l’époque… C’est plus… Les maoïstes des années soixante dix sont devenus des suppôts du capitalisme… Somme toute, ils n’ont guère changé… Ils sont restés toujours les mêmes enfoirés, prêts à toutes les monstruosités… Leur révolution culturelle n’a toujours été qu’une triste fanfaronnade destinée à amuser les gogos occidentaux pourris de fric… Et à faire souffrir des centaines de milliers de personnes… Tout cela, au nom du pouvoir, cette saleté qui donne moteur aux choses…

Et puis, le sud de l’Espagne, c’est loin… On ne sent pas les odeurs de la chair putréfiée… On n’a pas les visions… Les plus cyniques espèrent seulement que les plages seront bien nettoyées afin qu’ils puissent y aller barboter lors de leurs congés payés… Conquêtes ouvrières que tout cela ! En profit pour tout le monde ! Du plus con au plus hideux ! Beaucoup de combats et de souffrances là encore.. Et menés par peu… Bien peu… Mais qui profite aussi aux plus vachards d’entre nous, aux plus tartiniolles, aux plus reptiliens… C’est ça la solidarité… On fait ce que l’on peut avec elle… Et on s’y démène beaucoup pourtant…. Comme on le dit souvent, « on est pas arrivés »… Ça c’est pesé, c’est vrai…. Nos compatriotes ont les frénésies qu’ils peuvent…. Faut le reconnaître… Tout n’est pas feu d’artifice… Ils se contentent en général du petit rôle que l’on leur donne… Ils réclament peu… Ils ne sont pas timides pour autant… Non, mais ils sont très terriens… Très attachés à leurs pâturages…. Très peu enclins à s’intéresser à autre chose que leur petit monde à eux, patrie des échoppes et des petits jardins, des plans d’épargne et des petits héritages familiaux, collectionneurs de petites douleurs et de cancers divers, accumulateurs de névroses et d’ulcères… Pépiniéristes de cancrelats et vendeurs de deuils… Une drôle de féerie pour sûr…

Nous avions la face voilée… Et les regards empourprés par la longue horreur des fatalités historiques, des contingences sociales, des grandes comètes idéologiques. Longtemps nous nous étions débattus dans les scories du stalinisme, toute cette poisse rancunière qui s’est accrochée au monde ouvrier, qui lui avait volé ses révoltes, détruit ses idéaux… Les communistes, ou plutôt les fanfarons marxistes, ont ruiné la révolution... Ils l’ont traînée dans le caniveau… Ecartelé ses poètes, piétiné sa lucidité… Ils ont construit la chaîne à laquelle est toujours rivé le salariat. Une pléthore de gangsters s’y est massée prête à tout pour imposer ses dictats au monde du travail… Ils nous ont volé nos étoiles, les ont fait exploser ses salauds ! Nous n’avions plus rien, dès lors… Plus d’histoire, plus de sentiments, plus de confiance, plus de fraternité… Ils faisaient carrière sur notre dos, en reprenant nos mots, nos révoltes, nos sentiments… Ils défaisaient le monde, en apparence, pendant que nous le subissions…. Ils prenaient nos soleils et les réduisaient en cendres… Et ils voulaient nous faire croire qu’ils brillaient encore… Ils nous cognaient dessus, dans les ruelles, nous poussaient dans les ateliers, nous emmenaient à la dérive... Ils déchiraient nos tracts… Ils déchiraient nos rêves… Ils assassinaient nos amis… Et salissaient encore leurs cadavres… Ils n’en avaient jamais assez de leur haine… Ils auraient tant aimé faire disparaître la moindre trace de nos existences… Ils nous faisaient disparaître des livres d’histoire, re-trafiquaient les photos,…Insultaient les survivants… Ils dénonçaient, s’il le fallait, aux geôliers celles et ceux qu’ils avaient décidé de honnir… Ils ne pensaient qu’à cela… Faire table rase de ceux qui n’étaient pas de leur maffia, dans leurs cercles fermés… Celles et ceux qui refusaient les casernes, les pensées apprises, rabattues, mâchées et remâchées… Ils ont construits des monstres à la pelle… Ils continuent à le faire… Avec moins de prestance, certes, mais avec cette constance inquiétante qui donne à la machine totalitaire toute sa ténébreuse horreur… C’est bien plus crime que tout autre que nous voler ainsi tout rêve d’émancipation… C’est forfaiture absolue, vacherie historique, définitive chienlit… Forcément, ils semblaient sacrément décidés… Et puis leurs raisonnements étaient courts, facile à comprendre… Faisaient prendre des vessies pour des lanternes, comme on dit dans le peuple… Ils avaient « les pieds sur terre »… Pas utopistes quoi ! Pas barbares, pour sûr... Le goulag, les camps, les assassinats… C’étaient propagande capitaliste…. Toujours ! Fallait être fieffé réactionnaire pour y croire… Pour en parler… Nous, il fallait qu’on gobe leur catéchisme… Un petit coup de passionaria, un ou deux intellectuels en goguette, un artiste là-dessus, et tout le tremblement y était… Il n’y avait plus qu’à vomir l’internationale…. C’était réjouissance en somme ! Ferme et belle ! A l’ombre du drapeau rouge, de la faucille, du marteau… On a les crucifix que l’on peut… Bien sûr, parfois, on utilisait le piolet… Ce n’était pas élégant… Mais la classe ouvrière, dans son combat, n’a pas à se draper d’élégance… Seule l’efficacité est morale, virile, prolétarienne ! Il en va de la chanson, du théâtre, du mouvement, de la tendance ! On dit souvent que c’est tendance, sans trop savoir de quoi il en retourne… Mais chez eux, les frères rouges, ils te la soignent la tendance…. La connaissent à fond…. La peaufinent… En font une œuvre d’art… Meurent même pour la tendance…. Un peu comme la note absolue pour les musiciens… C’est un sacré orchestre que le Parti ! Et puis, ils sont imbattables…. Ils expliquent tout… Retournent tout, remodèlent tout… Il n’y a rien à dire… Z’ont toujours raison… Et pourquoi en douter ? Après tout, c’est bien eux qui ont le plus souffert… Champions du monde des martyrs de la classe ouvrière… « Parti des fusillés »… Circulez, il n’y a rien à voir ! On peut toujours signaler que, parfois, ils ont été un peu fusilleurs, un peu complices, y compris dans notre beau pays… Mais on ne peut pas leur arriver aux chevilles… Z’ont trop de talent prolétarien ! Ils ont la légitimité…Ils sont prêts pour toutes les chorales, les kolkhozes, les maquis…. Ils ont déjà tissé les drapeaux et les banderoles.. Ils peuvent nous les compter… Et en plus, ils ont écrit l’histoire… Cela aide…Enfin, l’histoire qui les arrangeait… Bon, c’est vrai, z’ont commis quelques raccourcis faciles… C’est ce que l’on dit….Z’ont laissé dans l’ombre quelques cadavres… Y compris des cadavres de leur propre confrérie… Z’ont « oublié » de parler de certains arrangements avec le pouvoir capitalisse… Ça prouve qu’ils sont humains, en somme… Z’ont leurs petites faiblesses, leurs petits compromis, leurs petites casseroles… Après tout, ce n’est pas comme les autres, ceux qui se sont vautrés dans les pires génocides et saloperies homicides… Des trucs qui, cinquante ans après, t’empêchent encore de dormir… Des trucs qui nous rapprochent de notre lointain passé reptilien… C’est vrai, j’en conviens, dans l’horreur, ils sont restés relativement modestes… Relativement… M’enfin, quand même, m’est avis qu’ils ont bien refroidi les ardeurs… A se demander vraiment si cela vaut le coup que l’on passe encore à l’action… A se trifouiller le cerveau menu…

Ils dissèquent encore les pensées des grands barbus… Car eux aussi, z’ont leurs barbus ! Comme quoi, il y a de quoi avoir des frayeurs… Les papys avaient déjà dressé les plans, deviné les hérésies, combattu les déviations… Des dizaines d’ouvrages du vieux Karl… Autant de ses épigones… Vladimir, Léon…. Plus ou moins savant que tout cela.. Ils se voulaient scientifiques… Cela les caractérisait… Même, lorsqu’ils jetaient un anathème, c’était un anathème « scientifique »…

Et puisque c’est ainsi, on ne peut pas revenir dessus… Un peu comme les curés et leur pape… Et leurs écritures sacrées… On y revient… On y revient toujours ! C’est ça le petit monde… On veut se hisser d’humanité et on finit toujours par glisser à un moment ou à un autre… C’est à ça que l’on reconnaît l’homme… A ces spalmonies fiévreuses contre sa condition et à ses gestes brusques pour s’en extirper… On le voit soudain se dresser et vociférer féroce, couper des têtes et tirer dans le tas… Enivré de paroles et de mots, il tourne comme un dément autour de lui et révultionne tout ce qui l’approche…. Il tourne et crie, et s’enivre de sa rotation… Il éructe… Il se croit seul… Absolu… Invincible… Et puis, peu à peu, il perd de son énergie… Sa rotation se ralentit… Il semble vouloir se poser… Il demande le silence…. Il fait silence… Et puis, comme cela, tout doucement, par incidence, il se calme… Se replie sur lui même… Contemple le carnage… Se met à l’expliquer en cherchant d’autres mots… Il se frotte les yeux… Il a du mal à croire ce qu’il est capable d’accomplir… Il se pose des questions… C’est un moment magique… On se croirait en pleine lévitation… Et il se remet à tout expliquer… Mais cette fois ci, avec grand calme… Il a replié les livres… Il va même s’endormir pour fêter cela… Le sang séchera pendant ce temps là et les larmes ne couleront plus… On repeindra tout le décor au réveil et on rafistolera les accrocs multiples… Il sera fin prêt alors pour nous entraîner vers de nouvelles téméraires aventures… Il en a déjà écrit les histoires… Les papys barbus sont là pour bien le guider… Et d’autres viendront encore plus nombreux, pour les commenter…

Le problème fondamental des hommes, des sociétés humaines, tourne autour d’un terrible malentendu. C’est le billet qui trouble tout… L’argent, cette vilénie est venu très tôt heurter les relations entre les hommes. D’un moyen commode pour gérer les échanges entre les uns et les autres, on est arrivé rapidement à un moyen régissant des rapports de force entre les communautés et imposant ses diktats. C’est parce que l’on s’est mis à thésauriser que l’on s’est mis à se haïr. Le culte de la petite épargne a fondé les grandes banques et a généré les grands massacres. C’est le billet qui a troublé le coeur des hommes.
Et puis il y a aussi le couple… J’allais l’oublier… L’homme ou la femme pourraient être très légers sans le couple… Mais il le faut… C’est la société qui le veut… Au départ, il y a le désir animal de se reproduire… La société se construit autour de la copulation… Elle y insiste très ferme… Elle invente même la religion pour lui donner un caractère sacré… Avec la religion, arrivent tout de suite les interdits et les persécutions. La religion établie la norme. Elle invente le couple comme conglomérat de deux sexes opposés et elle lui donne tâche unique de reproduire… Reproduire le plus possible… Pondre du niard avant du sentiment… Et ne parlons pas de plaisirs ! Le couple est donc là, très tôt, à l’état bestial… Il le reste toujours aujourd’hui, malgré les formes policées dont nos sociétés modernes ont su le parer. Peu à peu, les siècles passant, la curetaille déclinant, le jeunesse s’émoustillant de plus en plus, le couple s’est mis à pondre moins et même à se séparer… Cette pure hérésie a fini par passer dans les mœurs. Ainsi, on vit désormais dans une société de couples en devenir. On prend en quelque sorte des baux avec la personne qui nous accompagnera un temps lors de notre chienne de vie. Officiellement, au départ tout du moins, on s’aime… C’est dans les usages… Eventuellement, on pousse la plaisanterie au mariage… Bon, évidemment, ce sont moult frais et animations en perspective, mais cela crée des liens… On fait des photos… Cela emplit les albums souvenirs… On se sent redevable l’un vis-à-vis de l’autre…Et puis, on se rend compte qu’il y a quelque chose qui cloche dans tout cela... Ce jeu de miroir… Cela nous renvoie à l’enfance… Au cocon… On se sent escroc tout d’un coup car, voyez vous, on veut grandir aussi… Et le couple ne le permet pas. Il crée un nid… Il produit liqueurs et langueurs… Il assoupit… On a envie de secouer tout cela… C’est l’époque… On voudrait vivre sans perfusion… Le couple est une illusion plaisante…. A force de s’y trouver, on s’y perd… On ne voit même plus l’autre… On ne le sent plus… On s’en énerve… On se bride mutuellement parce qu’arrive rapidement le temps de la

détestation… On s’irrite de petites choses, de petits riens qui font que l’autre est là, attentif et peureux, enfouie, dans sont rôle de gardien malgré lui. On pardonne de moins en moins… Tout cela devient pesant… On s’énerve…. On ne se contrôle plus… On traîne des pieds… On essaye de se préserver… La spontanéité a disparu… Elle s’est taillée la garce… Et puis vient la première engueulade… La première vraie engueulade… Sauvage, violente, irruptive…. On passe l’éponge… On se dit que l’on va faire des efforts… On relativise… On va faire un tour dehors et l’on ramène un bouquet de fleurs… Et puis viennent les autres engueulades… Celles qui s’accumulent, celles qui pèsent de plus en plus lourd… On a plus en plus de mal à digérer ce fatras… On se met à boire en douce… Pour supporter… Toute cette cacophonie de sentiments et de frustrations mêlées... On se dit qu’il est décidemment bien long le chemin du couple… Que ce serait plus simple peut être en s’en écartant… On fait écart… On y goutte… On est happé par la liberté… Comme par un aimant… C’est une sacrée drogue la liberté… Et la meilleure des maîtresses…. Pas de baratin, ni de faux semblant avec elle… C’est du cash, illico… Elle t’emmène partout sans demander son reste… Elle te saoule, elle t’entraine, elle te fait danser, la liberté ! Alors, évidemment, tu prends peur… C’est humain… Tu as tendance alors à vouloir faire machine arrière… A rejoindre le couple… A reformer l’ancien ou à reconstituer un nouveau cocon… C’est l’usage… La liberté enivre trop… On ne sait plus reconnaître ses pas dans ses féroces rigodons… Mais pendant que l’on s’est fait peur, on a vécu… C’est un truc qui reste ancré dans le cerveau… Mais l’homme est trop atavique... Il rejoint le couple… Comme s’il était contraint de le faire… Fatalité génétique en somme ! « De la servitude volontaire » écrivait La Boétie… C’est ce qui trace l’histoire des sociétés… La soumission imposée puis acceptée, par devoir de civilisation… Même si tout ce que nous acceptons est bien primaire et animal. La liberté, c’est pour les damnés et leurs frères, les insoumis… Ni héros, ni martyrs, ils sont ceux qui cherchent et qui se tiennent debout… Seuls, accompagnés de leurs doutes, de leurs espoirs, de leurs illusions…. Parce qu’eux, ils peuvent se permettre d’en avoir des illusions… Ils peuvent les dessiner à loisir, s’y vautrer dedans sans pudeur, se draper dans la témérité des rêves à accomplir…. C’est bien plus bombance que la camisole du couple…. C’est quadrille absolu… C’est un pogo définif… Le vrai... Le constant… Le summum du rock and roll…

Et puis, arrêtons de rigoler… C’est pas l’heure ! Tu crois vraiment que la vie fait des cadeaux ? Tu crois que tout t’arrive rôti ? Que le banquet est à livre ouvert ? Qu’il y a place pour tous, quelle que soit la gouaille et la frimousse ? Fripouilles instables que nous sommes, elle nous observe, tapie, prête à donner un coup de queue et à faire valser nos rêves à tout moment… Prête à répandre nos tripes et nos cervelles sur le bitume et d’imbiber encore plus le sol. La vie, elle s’amuse de toi… Elle te fait croire à l’allégresse… Elle te laisse jouer… Elle relâche l’étreinte… Elle te donne l’impression que tout va bien… Et puis, soudainement, comme ça, au détour du quotidien, elle te cingle la gueule... Elle te prend ceux que tu aimes, ce que tu apprécies… Elle les raye, bêtement, sans préavis, sans finesse… Pas de tendresse là dedans.. C’est l’horreur, le désespoir, la haine… La souffrance, toujours… Pas de discussion là-dessus et point de pardon non plus… C’est irrémédiable… On se sent tout nu d’un coup… On n’ose plus se regarder dans le miroir… On se néglige… On a envie de se faire mal… De se cogner aux murs… Pour exorciser toute cette infinie tristesse qui nous envahit lorsque la vie a décidé de faire pleuvoir du chagrin… On ne cherche plus les câlins dès lors… On n’en est plus là… On est comme épié, maudit, pourchassé… On sent la lourde présence du malheur… Il s’immisce… Il engourdit notre être… Il nous broie… Il nous effraie… Il nous fait pleurer l’esprit… Il nous piétine… Il y a des moments ou l’on se sent si petit…. Si sale de vivre aussi. Des moments étranges, où l’indifférence est si présence, si absolue, qu’il n’y a plus pour nous que fuite comme solution… L’envie de rompre le contact avec tout le monde, de ne plus parler… Comme si l’on voulait bien mesurer le malheur… Bien s’y coltiner… Bien s’appesantir dessus. Couper les ponts pour bien le cerner, mais suivre ses méandres… Avec l’espoir au final de se dire que l’on finira par le vaincre... Comme si l’horreur pouvait se vaincre… Comme si l’on y pouvait quelque chose… On aimerait se terrer… Et pourtant, on continue à vivre… On se débine… On est lâche… On n’est pas sur l’affrontement en fin de compte… On préfère les fariboles, les roulades, les redondances… On a les prétentions que l’on peut… C’est un peu l’épreuve de vérité… On est seul face à soi même… Et ça fait mal… On comprend la dérision… On se comprend nombril… On n’aime pas ce que l’on fait… On n’aime plus les souvenirs… On est toute chique… Pleurnichard de l’infini, taciturne petite chose vivante… On se sent redevable même… On se dit que l’on est veinard même… Demain, on ira turbiner et se vautrer dans le quotidien… Cela rassure... C’est pas brillant, mais c’est la musique du peuple... C’est le tempo qui entraîne… On est comme métronome… On tic tac… On est à plat… On se débine, une fois de plus… Et ce n’est pas brillant…

E.S