Demain Le Grand Soir
NI DIEU, NI MAITRE, NI CHARLIE !

Le Site de Demain le Grand Soir est issu de l’émission hebdomadaire sur "Radio Béton", qui fut par le passé d’informations et de débats libertaires. L’émission s’étant désormais autonomisée (inféodé à un attelage populiste UCL37 (tendance beaufs-misogynes-virilistes-alcooliques)/gilets jaunes/sociaux-démocrates ) et, malgré la demande des anciens adhérent-es de l’association, a conservé et usurpé le nom DLGS. Heureusement, le site continue son chemin libertaire...

Le site a été attaqué et détruit par des pirates les 29 et 30 septembre 2014 au lendemain de la publication de l’avis de dissolution du groupe fasciste "Vox Populi".

Il renaît ce mardi 27 octobre 2014 de ses cendres.

" En devenant anarchistes, nous déclarons la guerre à tout ce flot de tromperie, de ruse, d’exploitation, de dépravation, de vice, d’inégalité en un mot - qu’elles ont déversé dans les coeurs de nous tous. Nous déclarons la guerre à leur manière d’agir, à leur manière de penser. Le gouverné, le trompé, l’exploité, et ainsi de suite, blessent avant tout nos sentiments d’égalité.
(....)Une fois que tu auras vu une iniquité et que tu l’auras comprise - une iniquité dans la vie, un mensonge dans la science, ou une souffrance imposée par un autre -, révolte-toi contre l’iniquité, contre le mensonge et l’injustice. Lutte ! La lutte c’est la vie d’autant plus intense que la lutte sera plus vive. Et alors tu auras vécu, et pour quelques heures de cette vie tu ne donneras pas des années de végétation dans la pourriture du marais. "

Piotr Kropotkine -

La fausse bonne idée de la candidature Bové

Jeudi 22 février 2007, le 1er février paraissait dans Politis un « appel aux libertaires » à voter pour José Bové, candidat à la présidence de la république. Rédigé par Michel Onfray et Yannis Youlountas « en tant que libertaires », ce texte expliquait pourquoi il fallait soutenir leur candidat.

Article mis en ligne le 28 février 2007
dernière modification le 6 mars 2007

D’une part parce qu’il était sincère, courageux et dévoué - ce que nous ne lui dénions pas, et la répression dont il est victime en témoigne - d’autre part parce que « sa parole porte celle des mouvements sociaux » - ce qui est erroné, puisque jusqu’à preuve du contraire ces derniers ne lui ont rien demandé, ni à lui ni à aucun autre candidat.

Syndicalistes et/ou militants des mouvements sociaux, par ailleurs communistes libertaires, nous avons été en quelque sorte doublement sollicités par cet « appel », dont la vacuité politique est, à notre sens, symptomatique de l’illusion que constitue l’aventure électorale de José Bové.

Car que nous dit ce texte ? La moitié est une apologie de la personnalité du champion, « tout sauf un produit politique stéréotypé », « élevé au lait de Bakounine », qui « persiste à oser l’illégalité quand elle est légitime ». Le reste est un assemblage de vieilles lunes sur les « électrons libres » qui veulent s’« alterorganiser », ou de poussives considérations existentielles sur la valeur du vote et de l’abstentionnisme - pour notre part nous nous pensons que là n’est pas l’essentiel et nous refusons d’opposer, notamment dans les mouvements sociaux, ceux qui votent et ceux qui ne votent pas.

Mais dans ce texte rien, rigoureusement rien n’est dit sur la possible utilité politique d’une telle démarche. À aucun moment les rédacteurs de cet « appel aux libertaires » ne posent la seule question qui peut intéresser les libertaires : dans quelle mesure une candidature présidentielle peut aider à développer les luttes et les mouvements sociaux ?

Pour notre part nous pensons que la candidature de José Bové est une fausse bonne idée. Qu’il fasse 2%, 10%, devienne secrétaire d’État ou ministre, ou que se crée autour de lui un « nouveau parti antilibéral à la gauche du PS », sa logique est de conduire les mouvements sociaux sur un terrain institutionnel qui leur est étranger, et où ils sont toujours battus.

Une fois encore, on jette de la poudre aux yeux en agitant l’idée absurde que l’on va gagner dans les institutions ce que l’on n’a pas réussi à gagner dans les luttes. Tout ce qu’on va réussir à prouver, c’est que le tribun fameux qu’a été José Bové pendant trente ans sur le terrain des luttes sociales et syndicales, peut devenir un inoffensif myrmidon dans le jeu politique institutionnel. Et, dans la foulée, minorer le poids des mouvements sociaux si on réussit, par une entourloupe médiatique, à le faire passer pour leur porte-voix. Sans hésiter, nous préférions le José Bové qui, il y a sept ans, qualifiait de « débile » l’intention qu’on lui prêtait alors de se présenter à la présidentielle, expliquant que « pour peser, il faut se situer à côté du système politicien »(1).

Au bout du compte, l’aventure électorale de José Bové est le révélateur, en creux, d’une carence fondamentale des mouvements sociaux : s’ils ne portent pas, par eux-mêmes, leur propre projet de société, ils laissent à d’autres la possibilité de jouer les intermédiaires. L’enjeu est pourtant de taille : que les pratiques extra-institutionnelles de cette « gauche de la rue » (grèves, blocages, actions radicales, assemblées générales...) s’articulent à un projet de transformation sociale identifiable. Si la « gauche de la rue » reste muette sur la question, elle engendrera épisodiquement, à son corps défendant, des épiphénomènes tels que cette cette candidature Bové. Plus systématiquement, elle se contentera d’être la spectatrice désabusée d’une gauche gouvernementale qui, comme en France en 1981 et 1997, comme avec Lula au Brésil, la conduira à l’impasse.

Nicolas Dreyer (militant SUD-Etudiant), Jean-Luc Dupriez (militant CGT), Clotilde Maillard (militante RESF), Thierry Renard (militant SUD-PTT), Jean-Emile Sanchez (syndicaliste paysan)

(1) José Bové, Paul Ariès, Christian Terras, "La Révolte d’un paysan", éd. Golias, 2000.