Demain Le Grand Soir
NI DIEU, NI MAITRE, NI CHARLIE !

Le Site de Demain le Grand Soir est issu de l’émission hebdomadaire sur "Radio Béton", qui fut par le passé d’informations et de débats libertaires. L’émission s’étant désormais autonomisée (inféodé à un attelage populiste UCL37 (tendance beaufs-misogynes-virilistes-alcooliques)/gilets jaunes/sociaux-démocrates ) et, malgré la demande des anciens adhérent-es de l’association, a conservé et usurpé le nom DLGS. Heureusement, le site continue son chemin libertaire...

Le site a été attaqué et détruit par des pirates les 29 et 30 septembre 2014 au lendemain de la publication de l’avis de dissolution du groupe fasciste "Vox Populi".

Il renaît ce mardi 27 octobre 2014 de ses cendres.

" En devenant anarchistes, nous déclarons la guerre à tout ce flot de tromperie, de ruse, d’exploitation, de dépravation, de vice, d’inégalité en un mot - qu’elles ont déversé dans les coeurs de nous tous. Nous déclarons la guerre à leur manière d’agir, à leur manière de penser. Le gouverné, le trompé, l’exploité, et ainsi de suite, blessent avant tout nos sentiments d’égalité.
(....)Une fois que tu auras vu une iniquité et que tu l’auras comprise - une iniquité dans la vie, un mensonge dans la science, ou une souffrance imposée par un autre -, révolte-toi contre l’iniquité, contre le mensonge et l’injustice. Lutte ! La lutte c’est la vie d’autant plus intense que la lutte sera plus vive. Et alors tu auras vécu, et pour quelques heures de cette vie tu ne donneras pas des années de végétation dans la pourriture du marais. "

Piotr Kropotkine -

Le délitement de notre démocratie
Article mis en ligne le 8 février 2019

par siksatnam

Ma participation au "grand débat" du 4 février 2019 à Tours.

Avec mon opinion sur l’échec des défuntes instances de "démocratie participative", les Conseils de Vie Locale.

Quand j’ai appris que le député de Tours, M. Chalumeau (LREM), organisait un "grand débat" dans le cadre voulu par le Président de la République M. Macron, je m’y suis rendu parce que j’avais des choses à dire, à mon sens importantes, sur le sujet de la démocratie. J’ai participé en effet depuis 2003 à l’instance de "démocratie participative" locale à Tours appelée CVL (Conseils de Vie Locale). J’y suis aussi allé parce que j’ai été récemment victime d’une fraude immobilière m’amenant, au nom des riverains opposés à projet immobilier les affectant directement, à demander de l’aide aux élus et à l’administration pour que les règles environnementales soient respectées (voir la page voisine du collectif SIVZER).

Je pensais que, dans ce "débat", chaque participant serait amené à s’exprimer, puis qu’ul serait ensuite cherché des points de consensus sur les thèmes abordés. Voici l’intervention que j’avais préparée :

L’indifférence des élus à la population

Ce n’est pas général, surtout que, avec le président de l’AQUAVIT, je m’étais adressé à vous, M. le Député, et votre assistant nous avait judicieusement aidé à trouver un angle d’approche pour que vous posiez une question écrite à Mme la Préfète… qui n’a pas répondu ! Mais prenez le Maire de Tours et ses adjoints : ils ont refusé tout dialogue sur le sujet qui nous préoccupe. Et leur médiateur désigné pour écouter les habitants n’a pas répondu à ma demande, pourtant polie, de rendez-vous…

L’indifférence de l’administration à la population

Du côté administration, c’est aussi nuancé. Pour notre affaire, je m’étais adressé au Ministre de l’Ecologie, M. Hulot, qui nous avait judicieusement conseillés de nous adresser à un de ses services qui semblait diligent. Puis M. Hulot est brusquement parti à cause des lobbies. Et les contacts sont devenus évasifs, il fallait une réponse de la Préfète qui ne répondait jamais… Que ce soit la Mairie ou la Préfecture, on a ressenti un grand mépris envers nous, comme si on les dérangeait et qu’il fallait à tout prix, même en violant la Loi, que les affaires prospèrent. J’en arrive au point suivant :

Le poids des lobbies

Ils agissent en douce de manière camouflée et se considèrent tous puissants à cause des soutiens aveugles, dans notre cas municipaux et préfectoraux, dont ils bénéficient.

Le manque d’indépendance de la Justice

Face à de tels dysfonctionnements, on s’adresse logiquement à la Justice, dans notre cas la Justice administrative. Et là c’est terrible, il y a un rapporteur public, qui joue le rôle de commissaire du gouvernement (c’est son ancien nom), qui défend presque toujours les lobbies, notamment dans notre cas le lobby immobilier, et qui dans 85 % des cas est suivi par les juges. Il n’y a pas de séparation des pouvoirs, c’est ainsi qu’on a des Sivens, Notre Dame des Landes, TGV Lyon Turin, Haut de la rue Nationale à Tours et autres Projets inutiles imposés. Notre démocratie est malade de la Dépendance de sa Justice à l’Exécutif, M. de Montesquieu avait raison.

Des médias sous contrôle

A Tours, quand en juin dernier, dans l’affaire dont je parle, 8 habitants et l’association AQUAVIT ont été condamnés par la Justice à payer 87 000 euros à un promoteur qui fraude et met en danger les riverains en ne respectant pas les règles de prévention contre les inondations, et quand aussi une plainte était déposée contre le Maire de Tours pour ne pas avoir fait respecter ces règles et pour ainsi mettre en danger les riverains et futurs habitants, les grands médias locaux ont pratiqué l’omerta. Chuut... il ne faut pas déplaire au lobby immobilier et porter tort à l’argent publicitaire qu’il verse à ces médias.

Conclusion

Ainsi les lobbies sont trop souvent soutenus par les élus et l’administration. La Justice et les médias ne sont pas indépendants, la cour des comptes n’est pas écoutée, elle qui avait dit que la Métropole de Tours n’est pas assez riche pour se payer une luxueuse deuxième ligne de tramway (qui le sait ?)… L’Etat de Droit n’existe finalement que dans les discours des politiques qui nous bercent d’illusions. Pour en savoir plus sur l’affaire dont je vous ai parlé, tapez dans un moteur de recherche "fraude immobilière Tours". Merci de votre attention.

Les soucis se sont accumulés :

Ce débat n’en était pas vraiment un. Quatre "tables rondes" avaient été isolées. Ce n’était donc pas le vrai "grand débat" auquel je m’étais préparé… Une centaine de personnes était présente.

Les quatre tables étaient aux quatre coins de la salle, avec les participants derrière (ou devant…) et, coincés dans le coin, celui que je peux appeler le meneur de débat et celui qui prenait des notes. J’ai été un peu surpris que ces deux personnes, peut-être nommées parmi les militants LREM, ne se présentent pas. J’étais assis dans la table ronde "Démocratie et citoyenneté", qui correspondait très bien à mon intervention préparée. Chaque table avait sa propre animation et les quatre animations s’entrechoquaient dans un brouhaha terrible. Bref les conditions pour échanger étaient très mauvaises !

Le meneur de notre table avait un gros défaut, c’est qu’il n’avait pas de voix et qu’il parlait donc très bas. Dans ce fort brouhaha, seul le premier rang l’entendait à peu près bien. De plus, dans un tel contexte, il aurait dû être plus directif et répartir la parole entre ceux qui levaient le doigt avant de parler...

Et comme, en ce qui me concerne, j’ai une voix qui porte et que je tenais à me faire entendre de tous, on trouvait que je parlais trop fort, sinon avec agressivité…

Il n’y avait que des personnes âgées (dont moi-même), disons des jeunes retraités, qui pendant un moment s’en sont pris aux plus jeunes comme responsables du mauvais fonctionnement de la démocratie… Avec leurs smartphones… De notre temps… etc. Et puis un jeune est enfin arrivé, bien accueilli, quel beau succès !

Renseignement pris, c’est un étudiant en communication qui vient voir comment fonctionne la communication, dans le présent cas la communication chez les vieux…

J’ai retrouvé des personnes que je connaissais plus ou moins. L’une d’entre elles avait été quelques temps coprésident des habitants au CVL Est. Ce monsieur avait été complètement transparent et incapable de défendre les habitants dès qu’ils s’opposaient à la commune… Ce béni-oui-oui n’apprécie pas mes manières trop revendicatives pour lui. A plusieurs reprises, il m’a coupé la parole et, à un moment donné, il a pratiqué une attaque ad hominem, disant que j’étais toujours un contestataire et autres gentillesses. J’ai demandé au meneur de débat qu’il fasse cesser ces attaques hors sujet, il ne l’a pas fait.

Au milieu de la discussion (qui a duré environ une heure et quart), certaines personnes qui étaient au premier rang, dont j’étais, ont laissé leur place à ceux de derrière qui n’entendaient presque rien, pour qu’ils puissent mieux participer au débat. L’ancien coprésident est resté au premier rang, parlant abondamment. Personne ne lui en a fait le reproche, comme on me l’avait fait plus tôt…

Le débat était très encadré, il fallait donner des réponses à un questionnaire très précis. Cela ne correspondait pas à ce que j’avais préparé, ce qui m’a amené, au tout début, à regretter que ce soit si rigide et à demander qu’on me laisse 5 minutes pour dégager quelques points de réflexion. Malgré la protestation de l’ancien coprésident, le meneur de débat m’a laissé m’exprimer librement.

Le député et son assistant restaient au centre de la salle, sans intervenir, sauf trois ou quatre fois quand il y avait trop de bruit.

Cette façon de laisser la parole aux habitants (car même si les sujets sont très encadrés, ils ont vraiment la parole) n’est pas dépourvue d’intérêts. Je retiens un point de consensus, à mon sens essentiel, qui est ressorti de notre table ronde : quand un projet municipal dépasse un certain budget (et j’ajoute ici : ou quand il porte sur un endroit emblématique de la commune), il doit être soumis à un référendum local. Cela aurait dû être le cas à Tours pour le Haut de la rue Nationale (voir cette page) ou pour la seconde ligne de tramway (voir cette page), en laissant ouvertes des options vraiment différentes. Notamment ne pas imposer le tramway (au prix prohibitif) et présenter aussi une option de bus à haut niveau de service, bref un référendum où les choix ne sont pas guidés. Cela permettrait par exemple que les élus, contrairement à l’opinion publique qui y est à 70 % opposée (d’après un sondage la Nouvelle République), n’imposent pas, par la force, d’abattre une soixantaine de platanes sur les boulevards patrimoniaux Béranger et Heurteloup, alors que ces mêmes élus, cinq ans plus tôt, les avaient protégé en prévoyant d’en planter de nouveaux (voir cette page de l’AQUAVIT). Et rappelons que dans les sept (!) enquêtes publiques sur le Haut de la rue Nationale, le rejet du projet de Tours-Hôtels luxueux brisant l’équilibre des lieux et masquant l’église Saint Julien (quand on est en bord de Loire) avait montré un large rejet des associations et citoyens. Depuis trois ans, l’association AQUAVIT réclame un référendum sur ce projet. La aussi avec des options très différentes...

Et j’aurais pu ajouter des critères de sécurité publique, puisque le lobby immobilier (à la base un atelier national d’urbanistes) a tenté en 2015-2016 de supprimer la digue du Canal (entre Tours et Saint Pierre des Corps, le long de l’autoroute A10) en catimini (documents cachés, population non consultée, médias amorphes...) (voir cette page de l’AQUAVIT). La digue avait pourtant sauvé Tours de l’inondation en 1866. "Très peu dégradé" en 2011, "protection efficace" en 2012, l’ouvrage était subitement devenu "inutile et dangereux" en 2015 ! La Mairie a été jusqu’à vouloir créer une guinguette sous l’autoroute ! (voir page voisine). C’est vraiment ce qu’on appelle "Se moquer du peuple", on est gouvernés par des sacrés zozos.... Depuis la digue a été déclassée (encore la dépendance de la Justice administrative...), mais le Tribunal Administratif d’Orléans et les autorités locales n’ont pas osé lancer le début de la destruction. Jusqu’à quand ?

On a quand même eu à Tours un exemple réussi de référendum local. En 1978, après que le Pont de pierre se soit effondré, les citoyens ont eu le choix entre trois propositions : un nouveau pont en béton, un nouveau pont en acier et la réparation du vieux pont. La troisième solution, la moins onéreuse et la plus respectueuse du patrimoine, l’avait emporté. Il est probable que les élus auraient opté pour une des deux premières solutions, tant il leur semblait important à l’époque d’avoir quatre voies pour l’abondante circulation automobile, qui depuis est interdite dans un sens et limitée dans l’autre... C’est le seul référendum de notre ville...

Une question m’a fait sourire de façon assez désabusée, parce que je connais ce genre de réactions de personnes qui finalement enterrent la notion même de participation démocratique. Pourquoi la démocratie participative ne fonctionne-t-elle pas ? Ce serait la faute des citoyens qui sont trop passifs, pas assez responsables, ou ce serait la faute du manque de comm’ ou du manque de pédagogie... Les CVL sont morts de ces fausses solutions et les conseils de quartier auront aussi peu de succès si on repart sur ces mêmes bases. La solution est pourtant toute simple : il faut que les citoyens se rendent compte que ces instances servent à quelque chose d’important… Je vais même plus loin ici : ces instances commenceront à bien fonctionner quand les citoyens se rendront compte qu’elles sont efficaces pour s’opposer aux élus ou à l’administration ou aux lobbies…

Quand j’ai dit cela (de façon plus courte, tant il était difficile de s’exprimer), une dame a eu une réponse a priori très pertinente en disant que les CVL avaient quand même permis de réaliser un projet important : la passerelle Fournier. Je lui ai répondu que c’était au contraire une marque du mauvais fonctionnement. On m’a coupé la parole, estimant que je râlais toujours. Le lecteur qui, ici, a le temps, pourra se rendre compte à quel point j’ai raison tant les citoyens du CVL Est ont eu d’énormes difficultés à obtenir une passerelle neuve, tant le maire Jean Germain s’y est longtemps opposé fermement. Manifestations, tumultes, interpellations des politiques, pétitions etc, ce n’était pas du dialogue, c’était une lutte très difficile. C’est raconté sur cette page voisine. Et je pense avoir eu un rôle très positif dans la décision de construire cette passerelle, alors que l’ancien coprésident transparent ne s’en est guère préoccupé…

Autre mauvais argument avancé par une participante pour expliquer l’échec des CVL : le budget alloué aux réalisations des habitants a diminué. J’ai encore choqué l’assistance par une remarque disant que ces budgets annuels (consistant à créer un terrain de pétanque par ci, ajouter un panneau d’information par là…) étaient des carottes pour faire croire qu’on participe à la démocratie. Cela a certes quelque intérêt (je me rappelle la réhabilitation bienvenue d’une statue abîmée dans un jardin public, que les élus seuls n’auraient pas financée), ça peut être utile, mais on perd du temps en palabres pour des miettes de responsabilité alors que les problèmes importants de la commune ne sont traités que par les autorités pour qu’ensuite leurs décisions soient imposées aux citoyens. C’est le genre d’explication que l’on ne peut pas développer dans ce genre de réunion (et jadis au CVL lui-même) où les pensées déviantes du cadre imposée sont marginalisées par des bénis-oui-oui…

J’ai trouvé que, pour notre table ronde, cette consultation avait un défaut majeur, sans même parler de la façon avec laquelle elle sera exploité. On a donc répondu à une bonne vingtaine de questions et notre meneur de débat a refusé qu’une même réponse soit donnée à des questions différentes. Par exemple, l’indépendance de la Justice était, à mon avis, une réponse à deux questions. Dans son compte-rendu, la réponse ne pouvait pas être inscrite sur la deuxième question parce qu’elle avait déjà été employée dans une question précédente. Je ne m’en suis pas offusqué sur le coup, parce que le contexte ne s’y prêtait pas, mais je m’en indigne fermement ici. Cela montre l’importance d’un meneur de débat qui, à mon avis, n’est pas vraiment neutre.

A la fin, un rapporteur de chaque table ronde exposait une petite conclusion. Pour notre table, j’ai eu la surprise de voir que notre rapporteur était l’ancien coprésident, parfait élève modèle et docile toujours au premier rang, qui avait probablement été nommé à la va-vite dans cet énorme brouhaha, sans que le groupe de travail soit vraiment consulté. Je suis alors intervenu, rompant avec les bonnes manières de s’en tenir à ce qu’on nous dit de faire, pour déclarer que j’estime que ce débat est trop encadré avec sa série de questions trop dirigistes et que, n’ayant pas été consulté, je contestais le représentant de notre groupe.

En conclusion, je rejoins de nombreuses personnes pour estimer que ça ne mènera pas à grand chose, mais possiblement à de pertinentes évolutions. Cela pourrait permettre d’accélérer certaines décisions, par exemple l’introduction d’une dose de proportionnelle aux législatives, la diminution du nombre de sénateurs. Et, au niveau local, il est possible que ça bouge davantage, par exemple avec la tenue possible de référendums soit d’initiative citoyenne, soit selon certains critères définissant les plus grands projets. Même si on est dubitatif, on peut essayer de pousser en ce sens… On n’a rien à perdre, on pourrait gagner un peu...

Alain Beyrand, le 5 février 2019