Demain Le Grand Soir
NI DIEU, NI MAITRE, NI CHARLIE !

Le Site de Demain le Grand Soir est issu de l’émission hebdomadaire sur "Radio Béton", qui fut par le passé d’informations et de débats libertaires. L’émission s’étant désormais autonomisée (inféodé à un attelage populiste UCL37 (tendance beaufs-misogynes-virilistes-alcooliques)/gilets jaunes/sociaux-démocrates ) et, malgré la demande des anciens adhérent-es de l’association, a conservé et usurpé le nom DLGS. Heureusement, le site continue son chemin libertaire...

Le site a été attaqué et détruit par des pirates les 29 et 30 septembre 2014 au lendemain de la publication de l’avis de dissolution du groupe fasciste "Vox Populi".

Il renaît ce mardi 27 octobre 2014 de ses cendres.

" En devenant anarchistes, nous déclarons la guerre à tout ce flot de tromperie, de ruse, d’exploitation, de dépravation, de vice, d’inégalité en un mot - qu’elles ont déversé dans les coeurs de nous tous. Nous déclarons la guerre à leur manière d’agir, à leur manière de penser. Le gouverné, le trompé, l’exploité, et ainsi de suite, blessent avant tout nos sentiments d’égalité.
(....)Une fois que tu auras vu une iniquité et que tu l’auras comprise - une iniquité dans la vie, un mensonge dans la science, ou une souffrance imposée par un autre -, révolte-toi contre l’iniquité, contre le mensonge et l’injustice. Lutte ! La lutte c’est la vie d’autant plus intense que la lutte sera plus vive. Et alors tu auras vécu, et pour quelques heures de cette vie tu ne donneras pas des années de végétation dans la pourriture du marais. "

Piotr Kropotkine -

Lettre ouverte à François Ruffin
Article mis en ligne le 7 février 2021
dernière modification le 6 février 2021

par siksatnam

« On a des anarchistes à la tête de l’État… Ils installent un état d’anarchie qui rend le pays incapable d’agir. » (François Ruffin, Le Vent se Lève, 3/02/2021)

Salut François,

Tu me permettras de te tutoyer, car « Monsieur le député », je ne peux pas. Pas plus que « Monsieur le juge », « Monsieur le policier », « Monsieur le ministre » ou « Monsieur le président ». Cela parce que je ne reconnais personne comme mon supérieur ou mon subalterne. Il m’est aussi odieux d’obéir que de commander. Et pour cause : je suis anarchiste.

Je m’adresse à toi parce que je viens de découvrir une vidéo datant d’hier dans laquelle tu traites ceux qui nous gouvernent d’anarchistes. Parlant au sujet des Macron, Castex et autres Veran, tu dis précisément : « On a des anarchistes à la tête de l’État »(1).

Est-ce une blague ? Est-ce simplement une maladresse ? Ou bien est-ce un propos réfléchi qui dévoile vraiment ton opinion ? Je ne suis pas le seul à m’interroger aujourd’hui, après ce dérapage qui en a choqué plus d’un.

Si c’est une blague ou une maladresse, tu ferais bien de le préciser, dans un cas comme dans l’autre. Et peut-être t’en excuser auprès de celles et ceux que tu as insultés en utilisant ce terme. Car affirmer publiquement que Macron et Castex sont des anarchistes, même pour rigoler, c’est d’une part salir ce mot et d’autre part faire un affront aux libertaires qui luttent contre le pouvoir. Bref, ce n’est ni drôle ni malin. Mieux vaudrait y revenir pour s’en expliquer clairement.

Par contre, si ce n’est ni une blague ni une maladresse, autrement dit si tu as délibérément choisi ce terme parce qu’il te semble vraiment le plus opportun pour décrire ce gouvernement, dans ce cas, il faut qu’on en parle. Depuis plusieurs décennies, de pseudo théoriciens prétendent qu’il y aurait une collusion entre libéraux et libertaires. Ils font le plus souvent remonter ce rapprochement à mai 1968. Selon eux, libéraux et libertaires seraient pareillement élitistes, égoïstes et je-m’en-foutistes. Parfois même au niveau des meurs, affublés de tous les maux et de toutes les perversités dans les médias complotistes. Cette théorie grotesque a fait florès dans une partie de la gauche et, plus encore, au sein de l’extrême-droite. De Soral à Zemmour, en passant par le FN de papa Le Pen, les mots « anarchiste » et « mondialiste » veulent dire à peu près la même chose, d’où la reprise à toutes les sauces de la regrettable formule clouscardienne : « libéral-libertaire ».

Pourtant, qui mieux que les anarchistes combat inlassablement le pouvoir sous toutes ses formes depuis un siècle et demi ? Qui pousse résolument la lutte anticapitaliste au refus de toutes formes de compromission avec les patrons et leurs complices ? Qui affirme sans cesse que le pouvoir corrompt et rejette donc toute forme de gouvernement quelle que soit sa couleur ?

Trêve de sornettes : si les anarchistes étaient vraiment au sommet de l’État, il n’y aurait plus de sommet et il n’y aurait plus d’État.

Par conséquent, que tu sois en désaccord avec les anarchistes dans bien des domaines, notamment sur la question de l’État et celle du pouvoir, c’est une chose pour le moins courante, mais que tu sèmes la confusion à leur sujet, ce n’est pas très correct de ta part. Prétendre sérieusement que le gouvernement met en œuvre l’anarchie, n’est-ce pas un mensonge gros comme un parlement ? Mettre dans le même sac Élisée Reclus et le reclus de l’Élysée, n’est-ce pas confondre le jour et la nuit ? Et pourquoi pas, dans la même veine, associer Marlène Schiappa et Louise Michel tant qu’on y est ?

Ce soir, nous sommes plusieurs à nous demander si tu as fais exprès ou pas d’utiliser ce terme. D’autant plus que tu l’as réutilisé quelques secondes plus tard, durant le même entretien, pour justifier ta première assertion : « ils installent un état d’anarchie qui rend le pays incapable d’agir. »

Non, François, ce n’est pas l’anarchie qui empêche d’agir, mais au contraire la forme autoritaire de la société. C’est précisément parce qu’il y a des chefs et des sous-chefs partout et pour tout qu’on empêche à la fois l’intelligence collective de se déployer et les opprimés de tous horizons de choisir librement leur vie et de bâtir plus de liens entre eux sur un plan horizontal dans une société libertaire, solidaire et autogestionnaire.

Pour un anarchiste, la devise « liberté, égalité, fraternité » ne se réduit pas à une incantation illusoire restée lettre morte sur le marbre des monuments de l’État. Bien au contraire, les anarchistes parlent et agissent pour la liberté véritable, l’égalité réelle et la fraternité universelle. Opposés en tous points à la société autoritaire, inégalitaire et haineuse dans laquelle nous étouffons, ils proposent, au contraire, une société libertaire, égalitaire et fraternelle.

Rien qui ressemble à l’avarice et à l’ivresse de pouvoir de ceux qui prétendent nous gouverner, auxquels injustement tu nous associes.

L’autre raison pour laquelle certains s’interrogent sur le sens de tes propos envers les anarchistes, c’est que tu as fait exactement la même chose dans le passé envers les antifascistes. Notamment dans Fakir en 2013 quand tu défendais Étienne Chouard tout en te moquant lourdement des antifascistes, textes et dessins à l’appui. Là encore, c’était au moyen d’une confusion très répandue dans une partie de la gauche et, surtout, à l’extrême-droite : une ritournelle qui veut que les antifascistes seraient, au mieux, les « idiots du système » et, au pire, des « flics missionnés » pour verrouiller le débat politique « déguisés en militants anticapitalistes ». Ceux que Soral, Chouard, Zemmour et Le Pen appellent pareillement : « la police de la pensée ».

D’où ma question : cette nouvelle sortie, cette fois à l’encontre des anarchistes, est-elle du même tonneau que tes sorties passées contre les antifascistes ? Autrement dit, doit-on lui donner une vraie signification politique ou bien n’était-ce qu’une maladresse ou un mauvais trait d’humour ?

Il serait bon que tu t’en expliques.

Fraternellement,
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Yannis Youlountas, l’un des anarchistes choqués par tes propos d’hier.
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(1) chaine youtube Le Vent se Lève, 3/02/2021 :https://www.youtube.com/watch?v=a4izSWwlsCU