Demain Le Grand Soir
NI DIEU, NI MAITRE, NI CHARLIE !

Le Site de Demain le Grand Soir est issu de l’émission hebdomadaire sur "Radio Béton", qui fut par le passé d’informations et de débats libertaires. L’émission s’étant désormais autonomisée (inféodé à un attelage populiste UCL37 (tendance beaufs-misogynes-virilistes-alcooliques)/gilets jaunes/sociaux-démocrates ) et, malgré la demande des anciens adhérent-es de l’association, a conservé et usurpé le nom DLGS. Heureusement, le site continue son chemin libertaire...

Le site a été attaqué et détruit par des pirates les 29 et 30 septembre 2014 au lendemain de la publication de l’avis de dissolution du groupe fasciste "Vox Populi".

Il renaît ce mardi 27 octobre 2014 de ses cendres.

" En devenant anarchistes, nous déclarons la guerre à tout ce flot de tromperie, de ruse, d’exploitation, de dépravation, de vice, d’inégalité en un mot - qu’elles ont déversé dans les coeurs de nous tous. Nous déclarons la guerre à leur manière d’agir, à leur manière de penser. Le gouverné, le trompé, l’exploité, et ainsi de suite, blessent avant tout nos sentiments d’égalité.
(....)Une fois que tu auras vu une iniquité et que tu l’auras comprise - une iniquité dans la vie, un mensonge dans la science, ou une souffrance imposée par un autre -, révolte-toi contre l’iniquité, contre le mensonge et l’injustice. Lutte ! La lutte c’est la vie d’autant plus intense que la lutte sera plus vive. Et alors tu auras vécu, et pour quelques heures de cette vie tu ne donneras pas des années de végétation dans la pourriture du marais. "

Piotr Kropotkine -

Spiritualités citoyennes : ni marketing spirituel macronien, ni complotisme
Article mis en ligne le 10 août 2021
dernière modification le 4 août 2021

par siksatnam

Á l’écart de l’usage marketing de la spiritualité chez Emmanuel Macron : un texte sur les enjeux spirituels citoyens, par Jérôme Alexandre, Philippe Corcuff, Haoues Seniguer et Isabelle Sorente, ainsi qu’une vidéo sur l’impasse du conspirationnisme.

La question du sens de l’existence connaît des vicissitudes particulières en ce début de XXIe siècle : dessèchement marchand du sens, associé à un double culte de la performance et de l’immédiateté, nostalgisme réactionnaire du « c’était mieux avant » redonnant souvent des couleurs au nationalisme, retour d’un absolu religieux sous la forme meurtrière du djihadisme. Notre époque a du mal à se saisir de la composante spirituelle de la vie de la cité, et donc de la politique, dans une perspective progressiste et démocratique. En tous cas, si l’on entend la spiritualité dans l’acception non nécessairement religieuse d’une exploration individuelle et collective du sens et des valeurs de l’existence humaine.

C’est encore plus difficile dans le cas français, où le souvenir déformé de la bénéfique séparation de l’Église catholique et de l’État en 1905 conduit à des amalgames fallacieux entre laïcité, anticléricalisme et athéisme ou entre spiritualité, foi et institutions religieuses.

Ces amalgames ont été redoublés dans la période récente, qui a vu se rallier la droite et l’extrême droite à la laïcité jadis honnie, par le biais de la focalisation obsessionnelle sur l’islam. Certains comme Laurent Wauquiez, n’hésitent pas à faire cohabiter, dans une incohérence logique dotée d’une cohérence électoraliste, la laïcité avec le thème des « racines chrétiennes » de la France. Des affaires de voile dit « musulman » plongent périodiquement l’espace médiatico-politique dans une islam-hystérie. Dernière en date : la responsable syndicale étudiante Maryam Pougetoux. Les stigmatisations débordent largement l’extrême droite et la droite post-sarkozysée pour atteindre des ministres du gouvernement, comme Gérard Collomb et Marlène Schiappa, sans oublier les déclarations ambiguës du député insoumis Adrien Quatennens. Au-delà de la question de l’islam, une tendance à l’aimantation ultra-conservatrice sur les migrants, la famille ou l’école traverse l’ensemble de l’espace politique.

Emmanuel Macron semble résister à cette aimantation. Son discours devant les évêques de France le 9 avril dernier et son entretien dans La Nouvelle Revue Française du mois de mai ont même des allures de respiritualisation laïque de la vie politique. Prenons toutefois garde à ne pas confondre marketing spirituel et spiritualité. Ne perdons pas de vue les écarts entre discours et actes. Dans l’entretien publié dans La Nouvelle Revue Française, Emmanuel Macron « assume totalement la "verticalité" du pouvoir ». On est loin de la radicalité démocratique du principe de « l’égalité de n’importe qui avec n’importe qui », rappelé par Jacques Rancière. Il serait dommage que les allusions au « tragique » et au « sens de la vie » ne soient que le supplément d’âme d’une technocratisation accrue de la politique.

Du côté des politiques publiques, l’arbitrage en faveur des plus fortunés et de « la compétitivité des entreprises » ne laisse guère de place pratique à « la dignité des plus fragiles » dont notre Président s’enorgueillit devant les évêques. L’« humanisme réaliste » qu’il y défend aussi ne peut effacer la politique de fermeture et de répression vis-à-vis des migrants incarnée par son ministre de l’Intérieur. Les reproches adressés au gouvernement italien sans pour autant prendre des mesures immédiates afin d’accueillir les 629 migrants de l’Aquarius, à la différence du gouvernement espagnol, indiquent une rhétorique humaniste prise dans l’aimantation ultra-conservatrice de l’action. Emmanuel Macron reconnaît d’ailleurs cette aimantation face aux évêques : « Nous savons que les afflux de populations nouvelles (…) poussent [la population locale] vers des options politiques extrêmes ». Dans ce même discours, le substantif « la nation » revient à huit reprises, comme cadre politique fondamental et/ou sujet, comme si les questionnements spirituels ne devaient pas dépasser les frontières, plus encore à l’heure des défis écologiques.

S’il existe des chemins spirituels novateurs en politique, ils passent par des espaces d’échanges où les spiritualités individuelles et citoyennes peuvent être entendues, ouvrant sur une pluralité de débats et d’interrogations existentielles propres à une diversité de croyances, d’incroyances et d’a-croyances. Et c’est bien une des vocations de la laïcité de permettre l’expression des différentes formes que prennent pour chacun la recherche de sens.

Nous croyons en l’ouverture de tels espaces et nous croyons aussi, en matière de spiritualité, au pouvoir du dialogue et de la raison sensible, celle qui n’écarte pas les émotions et qui permet d’aborder l’autre, si différent soit-il, sans le réduire à une caricature. Alors les expériences les plus profondes peuvent être partagées. C’est ainsi qu’un croyant musulman, un agnostique, un théologien catholique et une romancière ont pu se rencontrer, au-delà des certitudes croisées et en reconnaissant leurs fragilités respectives.

L’espace du spirituel ne se situe plus, alors, du seul côté de l’absolu, mais dans les tensions quotidiennes entre l’absolu et le relatif. Les singularités personnelles et les repères partagés, la solitude du for intérieur et les sociabilités sont en quête de leurs accrochages et de leurs disjonctions. La critique de la domination spirituelle masculine ouvre des cheminements inédits pour les femmes…et pour les hommes. Ce n’est qu’un début, continuons…