Bandeau
Demain Le Grand Soir
NI DIEU, NI MAITRE, NI CHARLIE !

Le Site de Demain le Grand Soir est issu de l’émission hebdomadaire sur "Radio Béton", qui fut par le passé d’informations et de débats libertaires. L’émission s’étant désormais autonomisée (inféodé à un attelage populiste UCL37 (tendance beaufs-misogynes-virilistes-alcooliques)/gilets jaunes/sociaux-démocrates ) et, malgré la demande des anciens adhérent-es de l’association, a conservé et usurpé le nom DLGS. Heureusement, le site continue son chemin libertaire...

Le site a été attaqué et détruit par des pirates les 29 et 30 septembre 2014 au lendemain de la publication de l’avis de dissolution du groupe fasciste "Vox Populi".

Il renaît ce mardi 27 octobre 2014 de ses cendres.

" En devenant anarchistes, nous déclarons la guerre à tout ce flot de tromperie, de ruse, d’exploitation, de dépravation, de vice, d’inégalité en un mot - qu’elles ont déversé dans les coeurs de nous tous. Nous déclarons la guerre à leur manière d’agir, à leur manière de penser. Le gouverné, le trompé, l’exploité, et ainsi de suite, blessent avant tout nos sentiments d’égalité.
(....)Une fois que tu auras vu une iniquité et que tu l’auras comprise - une iniquité dans la vie, un mensonge dans la science, ou une souffrance imposée par un autre -, révolte-toi contre l’iniquité, contre le mensonge et l’injustice. Lutte ! La lutte c’est la vie d’autant plus intense que la lutte sera plus vive. Et alors tu auras vécu, et pour quelques heures de cette vie tu ne donneras pas des années de végétation dans la pourriture du marais. "

Piotr Kropotkine -

Extrême gauche : antisémite, moi ?
Article mis en ligne le 25 janvier 2022
dernière modification le 23 janvier 2022

par siksatnam

L’augmentation des actes antisémites en France est une donnée acquise depuis plus de vingt ans maintenant. Pourtant, la gauche radicale, qui devrait assumer un positionnement antiraciste clair, est loin d’être à la pointe de ce combat. Quelques éléments pour comprendre et faire évoluer notre camp.

Le constat est fait depuis quelques années par certains militants, l’antisémitisme est un non-sujet à gauche. Un bref retour en arrière historique permet de comprendre en partie les enjeux de ce combat. Alors que le mouvement ouvrier naissant au XIXe siècle a pu être imprégné d’antisémitisme, l’affaire Dreyfus marque un tournant en rangeant pour la première fois massivement l’antisémitisme dans le camp des ennemis à combattre .

La droite, le parti de l’inégalité sociale, mais aussi raciale, est un camp politique évident pour ceux qui prônent la haine de l’autre. Mais pour les militantes et militants de gauche, l’antisémitisme moderne a pu et continue d’être une tentation : comme l’expression manichéenne d’un mécontentement contre les changements apportés par la modernité capitaliste, mais aussi comme la personnalisation de processus sociaux abstraits (le capital, la finance).

Ces vingt dernières années, ­notre camp a plusieurs fois raté l’occasion de prendre la place qui aurait dû être la sienne. Qui, à l’extrême gauche, s’est ému lors de l’incendie de la synagogue de Trappes en octobre 2000 ? Qui a manifesté à la suite des attentats à Toulouse en 2012 ? Ou lorsque des magasins tenus par des Juifs et Juives ont été vandalisés à Sarcelles, en 2014, en marge de manifestations pour Gaza ? La ­liste des agressions, profanations, destructions de biens, assassinats qui méritaient une réponse forte pourrait être longuement étayée.

On trouve beaucoup dans nos rangs de personnes qui refusent de hurler avec les loups que sont les éditorialistes et politicards de droite, lorsque l’antisémitisme s’exprime en actes et en paroles. Ainsi, la priorité est donnée à la lutte contre l’instrumentalisation de l’antisémitisme plutôt que contre l’antisémitisme lui-même. Il s’agit pourtant de faire les choses dans l’ordre. La possibilité de cette instrumentalisation par les réactionnaires a été rendue possible par l’abandon de la lutte contre l’antisémitisme par une large part du mouvement progressiste et révolutionnaire depuis deux décennies.

Ne pas hurler avec les loups

Il ne s’agit pas de donner des bons ou des mauvais points en disant d’un tel qu’il est antisémite, mais plutôt de voir que les mouvements anticapitalistes peuvent être perméables à des explications du monde qui tendent vers l’antisémitisme. Certains exemples sont clairs, comme cette fois en 2017 où le socialiste Gérard Filoche a partagé (avant de rapidement le retirer) un montage montrant trois personnes juives au-dessus d’un Macron portant un brassard nazi où le dollar remplace la croix gammée, lui-même au-dessus d’un globe terrestre, le tout sur fond de drapeaux américains et israéliens.

D’autres exemples créent le débat, comme lorsque Mélenchon écrit qu’il refuse les « génuflexions » devant « les oukases arrogants des communautaristes du Crif ». Volontairement ou non, il fait ici appel à l’image de Juifs puissants, arrogants, capables d’établir des décrets devant lesquels il faudrait se mettre à genoux. En plein dans les pires clichés antisémites. Certes, on peut arguer que le Crif ne représente que lui-même, mais alors pourquoi faire appel à cet odieux imaginaire en parlant d’une organisation communautaire juive ?

De même, il sera difficile pour des personnes juives de se sentir acceptées et à l’aise dans les cercles militants tant qu’une majorité de ceux-ci fermera les yeux sur les slogans, textes et symboles à tendance antisémite apparaissant régulièrement dans les mouvements de solidarité avec la Palestine en France. On pense au combat que la Ligue des droits de l’homme a dû mener, bien seule, en 2014, contre les leaders du comité BDS-34 qui avaient partagé des contenus négationnistes.

Difficile de faire entendre une voix intransigeante lorsque les partis, syndicats et collectifs sont au mieux silencieux et au pire soutiennent les confusionnistes et négationnistes dans leurs rangs, parfois même épaulés par des militants juifs mettant en avant de façon indécente leur histoire familiale tragique pour faire pencher la balance. À faire pâlir l’amie de Nadine Morano.

Aujourd’hui encore, on trouve dans les rangs de l’extrême gauche des militantes et militants pour relayer les écrits – font-ils autre chose ? – du Parti des indigènes de la République. Ce mouvement maintient en ligne sur son site une interview hallucinante de Jacob Cohen prétendant que des milliers de Juives et Juifs dans le monde sont des agents cachés du Mossad ; mais aussi un odieux communiqué attendant que la police se prononce pour juger si l’antisémitisme est un motif du meurtre d’Ilan Halimi ou encore un communiqué de soutien à Kémi Séba pour des propos sur Auschwitz, entre ­autres textes expliquant le privilège d’être juif en France.

Dans ce sombre tableau, il n’est pas question que d’auto-flagellation. De nombreuses militantes et militants de gauche ont toujours su garder le cap, être présents physiquement pour s’affronter aux antisémites et les dégager de nos rues, de nos manifs et de certains espaces virtuels. Mais notre camp politique manque aujourd’hui de formation, et même d’analyses et de définitions permettant de se saisir du sujet de l’antisémitisme dans toute sa complexité, et donc de proposer une critique du capitalisme sans ambiguïté.

Dans cette période où les repères politiques sont fragilisés, écoutons les voix juives exaspérées par l’antisémi­tisme et accompagnons-les. La dynamique proposée par le Réseau d’Action contre l’Antisémitisme et tous les Racismes (RAAR, voir encadré) est à suivre pour aller dans le sens d’une prise en compte de ces enjeux à leur juste hauteur.

Eli (UCL Lille) et Manu (UCL Pantin)