Demain Le Grand Soir
NI DIEU, NI MAITRE, NI CHARLIE !

Le Site de Demain le Grand Soir est issu de l’émission hebdomadaire sur "Radio Béton", qui fut par le passé d’informations et de débats libertaires. L’émission s’étant désormais autonomisée (inféodé à un attelage populiste UCL37 (tendance beaufs-misogynes-virilistes-alcooliques)/gilets jaunes/sociaux-démocrates ) et, malgré la demande des anciens adhérent-es de l’association, a conservé et usurpé le nom DLGS. Heureusement, le site continue son chemin libertaire...

Le site a été attaqué et détruit par des pirates les 29 et 30 septembre 2014 au lendemain de la publication de l’avis de dissolution du groupe fasciste "Vox Populi".

Il renaît ce mardi 27 octobre 2014 de ses cendres.

" En devenant anarchistes, nous déclarons la guerre à tout ce flot de tromperie, de ruse, d’exploitation, de dépravation, de vice, d’inégalité en un mot - qu’elles ont déversé dans les coeurs de nous tous. Nous déclarons la guerre à leur manière d’agir, à leur manière de penser. Le gouverné, le trompé, l’exploité, et ainsi de suite, blessent avant tout nos sentiments d’égalité.
(....)Une fois que tu auras vu une iniquité et que tu l’auras comprise - une iniquité dans la vie, un mensonge dans la science, ou une souffrance imposée par un autre -, révolte-toi contre l’iniquité, contre le mensonge et l’injustice. Lutte ! La lutte c’est la vie d’autant plus intense que la lutte sera plus vive. Et alors tu auras vécu, et pour quelques heures de cette vie tu ne donneras pas des années de végétation dans la pourriture du marais. "

Piotr Kropotkine -

En Russie, l’espoir d’une « forte résistance passive »
Article mis en ligne le 26 septembre 2022
dernière modification le 25 septembre 2022

par siksatnam

Deux jours après l’annonce de la mobilisation partielle de la population russe par le président Vladimir Poutine, la campagne de recrutement bat son plein, notamment dans les régions les plus pauvres de la Fédération.

Région de Khabarovsk, extrême-orient russe. Des hommes s’alignent dans la nuit, en attendant d’être avalés dans le ventre d’un gros-porteur. D’autres montent dans des bus, encadrés par des policiers, dans la ville de Stary Oskol, située entre Belgorod et Voronej. D’autres encore, des jeunes et des plus âgés, fanfaronnent en partageant une bouteille de vodka, avant de rejoindre leurs casernes.

La Russie a lancé depuis 48 heures la première mobilisation partielle de sa population depuis la Seconde Guerre mondiale et les promesses des autorités semblent déjà avoir été balayées d’un revers de la main. Le président Vladimir Poutine avait assuré que la mesure devait, parmi les réservistes, concerner des hommes ayant « déjà servi » et possédant « une expérience militaire », soit environ 300 000 personnes, selon les chiffres du ministre de la défense Sergueï Choïgou.

Les premiers témoignages du terrain racontent une autre histoire, celle de mobilisés n’ayant jamais tenu un fusil et qui ignorent pour combien de temps ils partent.

« Les autorités régionales sont responsables du recrutement des soldats, elles vont lancer leurs filets et voir ce qu’elles peuvent attraper, afin de répondre aux quotas qui leur sont imposés, note Anna Colin Lebedev, maîtresse de conférences en science politique à l’université Paris-Nanterre et spécialiste du monde russe. La manière dont est rédigé le décret permet une mobilisation générale, et personne ne sait encore l’ampleur que cette dernière pourrait prendre. » Selon le journal russe Novaïa Gazeta, qui cite une source interne au Kremlin, l’article 7 de l’ordre de mobilisation, réservé « à un usage interne », autoriserait l’armée russe à enrôler un million de soldats.

La mobilisation ne devrait toucher en théorie que les conscrits ayant terminé leur service ces cinq dernières années, ce qui représente deux millions de personnes. « On estime de façon réaliste que seuls 10 % de ces soldats ont depuis reçu un rafraîchissement de leur formation et que seuls 5 000 d’entres eux ont une réelle aptitude au combat, souligne Dimitri Minic, chercheur au centre Russie de l’Institut français des relations internationales (Ifri). Ces constatations sont cependant très théoriques, et si les autorités raflent des hommes sans distinction, l’efficacité de la mobilisation sera proche de zéro. L’armée russe n’avait pas les capacités de former efficacement sa réserve, on peut douter du fait qu’elle ait la possibilité d’encadrer les mobilisés, alors que les combats en Ukraine absorbent une bonne partie de ses ressources. »

Les meilleures unités russes ont été décimées durant les premières semaines de la guerre, et les pertes se sont multipliées depuis l’offensive victorieuse des militaires ukrainiens dans la région de Kharkiv, au début du mois de septembre. De nouvelles troupes pourraient-elles redonner l’initiative aux forces du Kremlin ?

« Une formation militaire de base nécessite un mois d’entraînement, et deux ou trois supplémentaires pour acquérir des compétences poussées. Afin d’être un minimum efficaces, ces nouvelles unités ne devraient pas être déployées avant six mois. Or, l’armée russe est en train de s’écrouler. Nous devrions donc assister à une accumulation progressive de troupes de mauvaise qualité, essentiellement pour défendre le Donbass. Ces dernières seront dotées d’armes soviétiques obsolètes et seront incapables de lancer des offensives complexes », continue Dimitri Minic.

Selon les autorités russes, le nombre des nouvelles recrues devrait être proportionnel à la population de chaque région, et la mobilisation logiquement toucher en priorité les grandes agglomérations de Moscou et de Saint-Pétersbourg.

« De façon générale, on peut imaginer que les familles qui ont un capital économique conséquent et une position sociale privilégiée auront plus de chances d’échapper à la mobilisation, en corrompant un officiel ou en se procurant un certificat médical prouvant une incapacité au combat, nuance Aude Merlin, chargée de cours en science politique à l’université libre de Bruxelles (ULB), spécialiste de la Russie et du Caucase. Les Russes savent depuis longtemps comment échapper à la conscription mais il faut voir, dans le cadre de la mobilisation, si ces mécanismes de contournement peuvent être activés ou non. »

Ces deux derniers jours, les prix des billets d’avion ont explosé au départ de Moscou et des embouteillages sont apparus aux frontières terrestres de la Russie avec la Finlande, la Géorgie et le Kazakhstan. « Nous ne devrions pas assister à des manifestations de grande grande ampleur mais je m’attends à une forte résistance passive de la population, continue Anna Colin Lebedev. D’après la loi russe, il est nécessaire de recevoir en main propre son ordre de mobilisation pour être considéré pénalement responsable de son refus de servir dans l’armée. Beaucoup d’hommes vont donc aller se mettre au vert chez des amis ou de la famille. »

« Tout le pays est théoriquement soumis au même régime, et donc les chiffres de recrues, puis de morts et de blessés vont augmenter partout, y compris en Russie centrale, confirme Ksenia Pimenova, sociologue et anthropologue, spécialiste des minorités en Russie. Mais on peut supposer que cette mobilisation va s’appuyer sur les républiques les plus pauvres, en Sibérie, dans la Volga et dans le Caucase, et sur les populations autochtones. Les jeunes hommes, dans ces régions, n’ont pas la même possibilité d’échapper à la mobilisation en se cachant chez quelqu’un ou en évitant des lieux publics. »

Ces mêmes régions paient déjà un lourd tribut à la guerre en Ukraine et l’on dénombrait, avant la mobilisation annoncée par le Kremlin, proportionnellement plus de victimes à Touva et en Bouriatie que dans le reste de la Russie.

Fidèle allié du Kremlin, Ramzan Kadyrov a quant à lui annoncé, le 22 septembre au soir, que la mobilisation n’aurait pas lieu sur le territoire de la Tchétchénie, cette république ayant de fait déjà assuré un recrutement dépassant les quotas « à hauteur de 254 % ». « La mobilisation en Tchétchénie a été organisée en amont par les autorités, qui cherchent à devancer, à anticiper et parfois aller au-delà des attentes du pouvoir central, continue Aude Merlin. Avant l’ordre de mobilisation, il était déjà impossible de parler de “volontariat” pour ceux qui partaient sur le front ukrainien. En réalité, ceux qui refusent de s’engager peuvent se voir infliger des sanctions pénales pour “terrorisme”. La peur règne et les soldats tchétchènes qui ont péri sont enterrés la nuit, loin des regards. »

Pour épargner au maximum les Russes, le Kremlin semble aussi tenté de s’appuyer sur les migrants d’Asie centrale installés en Russie. Selon un nouveau texte voté par le Parlement, les étrangers servant sous contrat dans l’armée pour au moins un an pourraient ainsi obtenir de manière simplifié la citoyenneté russe, un appel du pied à peine masqué aux millions de travailleurs pauvres du Kazakhstan, du Kirghizistan, d’Ouzbékistan et du Tadjikistan ayant perdu leurs emplois depuis le 24 février dernier, comme le note sur Twitter Olivier Ferrando, maître de conférences à l’université catholique de Lyon.

Ces derniers jours, les ambassades à Moscou des pays d’Asie centrale ont d’ailleurs été obligées de rappeler à leurs ressortissants que la participation à des hostilités sur le territoire d’un État étranger était pénalement répréhensible.

Face à la contestation qui semble monter, le président Vladimir Poutine marche désormais dans le noir. « Comme tous les conflits précédents, la guerre menée par le Kremlin en Ukraine était soutenue au moins en parole par la majorité des citoyens russes, car elle restait extrêmement lointaine, conclut Anna Colin Lebedev. Aujourd’hui, elle est rentrée dans tous les foyers du pays. L’État attaque les bases de sa légitimité, le rapport au pouvoir va donc changer de nature. En termes de politique intérieure, c’est un basculement sans précédent, un séisme dont les conséquences sont imprévisibles. »

Dans un exercice de communication où il excelle, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a de son côté lancé le 22 septembre et en russe un appel à la désertion aux soldats du Kremlin : « 55 000 soldats russes ont été tués dans cette guerre en six mois […]. Vous en voulez davantage ? Non ? Alors protestez ! Luttez ! Fuyez ! Ou rendez-vous. »

Laurent Geslin et Mathilde Goanec