Demain Le Grand Soir
NI DIEU, NI MAITRE, NI CHARLIE !

Le Site de Demain le Grand Soir est issu de l’émission hebdomadaire sur "Radio Béton", qui fut par le passé d’informations et de débats libertaires. L’émission s’étant désormais autonomisée (inféodé à un attelage populiste UCL37 (tendance beaufs-misogynes-virilistes-alcooliques)/gilets jaunes/sociaux-démocrates ) et, malgré la demande des anciens adhérent-es de l’association, a conservé et usurpé le nom DLGS. Heureusement, le site continue son chemin libertaire...

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Il renaît ce mardi 27 octobre 2014 de ses cendres.

" En devenant anarchistes, nous déclarons la guerre à tout ce flot de tromperie, de ruse, d’exploitation, de dépravation, de vice, d’inégalité en un mot - qu’elles ont déversé dans les coeurs de nous tous. Nous déclarons la guerre à leur manière d’agir, à leur manière de penser. Le gouverné, le trompé, l’exploité, et ainsi de suite, blessent avant tout nos sentiments d’égalité.
(....)Une fois que tu auras vu une iniquité et que tu l’auras comprise - une iniquité dans la vie, un mensonge dans la science, ou une souffrance imposée par un autre -, révolte-toi contre l’iniquité, contre le mensonge et l’injustice. Lutte ! La lutte c’est la vie d’autant plus intense que la lutte sera plus vive. Et alors tu auras vécu, et pour quelques heures de cette vie tu ne donneras pas des années de végétation dans la pourriture du marais. "

Piotr Kropotkine -

Pour moi, la violence politique est une chose à juger de manière plus rationnelle que morale...
Article mis en ligne le 2 novembre 2022
dernière modification le 27 octobre 2022

par siksatnam

Une des dernières interviews de Mike Davis (1946-2022), penseur de la critique sociale américaine et historien radical qui vient de nous quitter.

Sam Dean  : Vous avez décidé d’arrêter les traitements de chimio pour votre cancer de l’œsophage. A quoi pensez-vous, au jour le jour ?

Mike Davis : Tout d’abord, j’ai beaucoup de distractions. Je lis peut-être 500 pages par jour - histoire militaire, exploration - et le soir, je me blottis avec mes enfants devant une série policière.

Je suis un Celte fataliste, et j’ai l’exemple de ma mère et de ma sœur aînée, qui sont mortes telles des soldats russes à Stalingrad. J’ai l’intention de ne pas laisser tomber [ma famille], d’être aussi solide qu’elles l’étaient. Je ne suis pas déprimé. Ce qui m’inquiétait le plus dans la mort - mon père a eu une mort particulièrement atroce, dont le traumatisme ne m’a jamais quitté - c’était l’idée que ce soit si traumatisant pour mes enfants que ce soit le seul souvenir qu’ils gardent de moi. Mais grâce à la loi californienne sur la mort assistée, j’aurai le contrôle de mon dernier acte.

Cela dit, je crois que ce à quoi je pense le plus, c’est que je suis extraordinairement en colère. Si j’ai un regret, c’est de ne pas être mort au combat ou sur une barricade comme je l’ai toujours imaginé de manière romantique.

SD  : On vous a collé l’étiquette d’"oiseau de mauvais augure" après la sortie de "City of Quartz" en 1992 - dans lequel vous sembliez anticiper les soulèvements de 1992 en réponse au verdict de Rodney King. Vous vous êtes vous-même décrit comme un "néo-catastrophiste", dans le sens que l’histoire, de l’histoire géologique à l’histoire politique de l’humanité, se déroule davantage par secousses violentes (comme les tremblements de terre, les impacts de météorites et les révolutions) que par des changements graduels. Vous considérez-vous toujours comme un catastrophiste aujourd’hui ?

MD  : Oui. Mais j’entends catastrophiste de deux façons. La première, en résonance avec Walter Benjamin, est la croyance en l’apparition soudaine d’opportunités de faire des sauts dans un futur presque utopique. Mais bien sûr, on peut se penser catastrophiste dans l’autre sens aussi, vous savez, en rapport aux calamités. Maintenant que mes vieux jours sont là, je tombe de stupéfaction quand je lis dans le journal, qu’on réclame plus de charbon, plus de pétrole, un an après que le rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat ait clairement indiqué que nous allons subir au moins 3 degrés Celsius d’augmentation des températures. Ce qui est presque inimaginable. Et ce que j’ai essayé d’écrire pour convaincre les gens, c’est qu’il s’agit d’un génocide déjà anticipé. Une large minoritéde gens, les plus pauvres de la planète, sont en un sens condamnés.

On préfère imaginer des vieilles fictions selon lesquelles les soucoupes volantes vont atterrir et l’humanité va s’unir au lieu de regarder les corps qui s’empilent aux frontières et les murs qui se construisent. Les réfugiés environnementaux vont tout simplement mourir.

SD : Votre dernier livre, "Set the Night on Fire", traite de l’histoire du mouvement à L.A. dans les années 60 - et de la façon dont le LAPD et le Sheriff’s Department, ainsi que le FBI, ont brutalement supprimé les groupes activistes.

MD : Pour moi, le LAPD est irréformable. Mais le Sheriff’s Department est absolument effrayant. Et l’a toujours été dans une certaine mesure : J’ai participé au manifestations du Chicano Moratorium et du Belvedere Park, à toutes les grandes mobilisations de l’Eastside dans les années 70, lorsque les policiers arrivaient en tirant. Mais ils n’ont jamais été aussi sauvages et hors de contrôle qu’aujourd’hui.

Le problème est la culture de corps et l’encadremement. Les anciens shérifs, comme beaucoup d’anciens flics, sont tout simplement irrécupérables. La vraie solution est de les virer en masse, de reprendre le contrôle des académies, de dissoudre les gangs et, surtout, d’exiger que les flics résident dans les zones où ils patrouillent, ou au moins dans les limites de la ville. Il est impossible d’avoir un département de police acceptable dans une ville aussi antagoniste que Los Angeles. Ce n’est pas une raison pour ne pas réformer, mais c’est une raison pour être réaliste quant aux limites de la réforme.

SD : Vous avez passé une grande partie de votre vie sur les lignes de front des luttes pour la justice sociale et le changement politique, du CORE (Congrès de l’égalité raciale) et du SDS (Étudiants pour une société démocratique) au début de votre vie au militantisme ouvrier et aux mouvements de solidarité internationale plus tard. Cette volonté d’organisation semble reposer sur l’espoir de changer le monde, mais vos livres dressent un tableau sombre : effondrement écologique, corruption politique, suprématie blanche, paupérisation continue des pauvres dans le monde. Comment gardez-vous l’espoir ?

MD  : Pour dire les choses crûment, je ne pense pas que l’espoir soit une catégorie scientifique. Et je ne pense pas que les gens se battent ou gardent le cap par espoir, je pense que les gens le font par amour et par colère. Tout le monde me demande : N’es-tu pas plein d’espoir ? Ne crois-tu pas en l’espoir ? Pour moi, ce n’est pas une conversation rationnelle. J’essaie d’écrire de façon aussi honnête et réaliste que possible. Et vous savez, je vois des trucs horribles. Je vois une ville qui se décompose de fond en comble. Je vois les paysages qui me sont chers en tant que Californien mourir, irrévocablement bouleversés. Je vois le fascisme. J’écris parce que j’espère que les gens qui me liront n’ont pas besoin d’une dose d’espoir ou d’une happy end, mais qu’ils me liront pour savoir comment se battre, et se battre même quand le combat semble sans espoir.

SD : En 2020, vous avez exprimé un certain optimisme quant à l’énergie que vous avez assisté aux manifestations de Black Lives Matter. Deux ans plus tard, cette énergie a-t-elle disparu ?

MD : Je suis assez vieux pour dire avec une certaine expérience que cette génération est différente de toutes les autres générations d’après-guerre. La combinaison du fait de voir les droits dépouillés d’un côté et de faire face au déclin des perspectives économiques de l’autre les a radicalisés et a donné aux luttes, que certains dénoncent comme des politiques identitaires, une force très matérielle.

Les jeunes scrutent leur avenir. Avant de prendre ma retraite de l’enseignement à [UC] Riverside, je ne peux pas vous dire combien de conversations j’ai eues avec des jeunes qui étaient tout bonnement angoissés. Ils sont les premiers à accéder à l’université au sein de leur famille. Soudain, leurs parents perdent leur emploi, alors ils se sentent perdus parce qu’il y a eu tellement d’attentes et tellement de sacrifices qui ont été faits pour qu’ils aillent à l’université et ils pensent que qu’il existe encore des perspectives d’avenir. Mais ce n’est plus le cas.

Le plus grand problème politique actuel aux États-Unis est la démoralisation de dizaines de milliers, probablement de centaines de milliers de jeunes militants. Une partie du problème est le manque de structure organisationnelle, en particulier de formateurs militants. Il n’y a pas de leadership pour donner une direction.

Ainsi, même si je suis un partisan de Bernie Sanders, la campagne de Sanders a soutenu l’idée que les mouvements sociaux se mettent au service de la politique électorale et qu’en retour la politique électorale soutient les mouvements sociaux. Or, si vous regardez l’histoire des mouvements populaires et ses rapports avec la politique électorale, cela n’a presque jamais été le cas. Bernie et AOC et compagnie viennent sur chaque piquet de grève et sont toujours présents pour la bonne cause, mais en même temps, ils affaiblissent le mouvement dans les rues. Les jeunes eux se retrouvent démoralisés au plus haut point.

SD : Que pourrait-il se passer à la place ?

MD : Pourquoi la droite, l’extrême droite, tient la rue et pas la gauche ? Ce n’est pas comme en Europe, où dans de nombreux pays, le militantisme des jeunes est stable ou en déclin. Il y a un potentiel de millions de personnes comme [mon fils de 18 ans], mais qui lui dit où aller se battre ou quoi faire ?

Qui l’invite aux meetings ? Tout ce qu’ils reçoivent à la place, et ce que je reçois tous les jours, ce sont dix sollicitations de démocrates pour soutenir des candidats. Je vote pour ces candidats. Je pense qu’il faut les soutenir, mais le mouvement réel est plus important. Et nous avons oublié l’usage de la désobéissance civile organisée, offensive mais non violente. Prenez le changement climatique. Nous devrions nous asseoir devant le siège de chaque compagnie pétrolière tous les jours. On pourrait facilement mettre en place une campagne nationale. Des tonnes de gens sont prêts à risquer la prison pour ça. Mais personne ne s’organise.

SD : Vous dites que la désobéissance civile active et non-violente est nécessaire. Mais qu’en est-il de la violence politique ? Vous avez écrit un livre sur l’histoire de la voiture piégée, "Buda’s Wagon". Vous avez également vécu les deux soulèvements de Los Angeles, vous étiez proche des Black Panthers, vous avez vécu à Belfast pendant les Troubles. Êtes-vous parfois surpris de l’absence de violence politique aux États-Unis ?

MD : Je me souviens qu’au plus fort de l’effroi suscité par les Black Panthers, je disais aux gens : Ce qui est justement remarquable, c’est qu’il y ait si peu de violence des Noirs envers les Blancs dans l’histoire américaine, comparé à la violence incessante des Blancs contre les gens de couleur.

Nous n’avons pas vu venir le type de violence d’extrême droite, et nous n’avons pas vu non plus - parce que nous n’avons pas été assez dangereux depuis un moment - ce qui se passera lorsque tous les nouveaux pouvoirs répressifs de surveillance, toute la législation antiterroriste, s’abattront sur les mouvements progressistes. La réaction des démocrates à la guerre contre le terrorisme, à la plupart des projets de loi sur la criminalité, a consisté à réformer un peu sur les bords, mais sans jamais tenter de démanteler le système.

SD : Vous avez récemment commenté la mégalomanie qui commande l’invasion de l’Ukraine par Poutine, et vous avez conclu en disant : "Jamais une telle puissance économique, médiatique et militaire fusionnée n’a été mise entre si peu de mains. Cela devrait nous inciter à nous recueillir sur les tombes des héros que sont Aleksandr Ilyich Ulyanov [frère ainé de Lénine], Alexander Berkman et l’incomparable Sholem Schwarzbard." Tous ont commis des attentats ou des tentatives d’assassinats, non ?

MD  : Ce dernier nom ne vous évoque rien ? Schwarzbard a tué [Symon Petlioura] le grand meneur du mouvement d’indépendance ukrainien. Il l’a abattu dans une rue de Paris, puis un jury parisien l’a déclaré innocent après avoir entendu les récits des pogroms [dont Petlioura était responsable] et ainsi de suite. Un peu comme le jury d’Angela Davis. Un grand personnage ce Schwarzbard.

L’un des principaux projets de livre que je n’ai jamais terminé, bien que j’aie été interviewé à ce sujet et qu’il ait été publié sous la forme d’un livre à part en français [Les héros de l’enfer, Textuel, 2007], était un projet intitulé "Heroes of Hell", qui portait sur la violence révolutionnaire au XIXe et au début du XXe siècle. Les bolcheviks se sont opposés aux actes individuels de violence, et pour cause, la Russie en avait une grande expérience avant la révolution - l’argument léniniste était que l’on devait substituer l’acte héroïque à l’action de masse, sacrifier l’individu à la classe.

Pour moi, la violence politique est une chose à juger de manière plus rationnelle que morale. Il faut juger au cas par cas : Après la mort de Franco, la transition franquiste pour préserver le régime avait été mise en place. [Luis] Carrero Blanco était le successeur désigné de Franco, et un groupe a fait exploser sa voiture. Cela a totalement perturbé la succession, et a rendu possible une relative démocratisation. Du côté négatif, nous savons que si Fanny Kaplan n’avait pas tiré sur Lénine [et le manquer ? -Note du Traducteur], Staline n’aurait peut-être pas existé. Pour moi, c’est une question ouverte qui dépend du contexte et des conditions.

De fait, je n’ai jamais soutenu les Weathermen. En réalité, je déteste profondément les Weathermen. Ces gens ont fait exactement ce que les flics voulaient d’eux, et maintenant ils réinventent l’histoire pour poser en héros. Pour moi, ce sont juste des enfants riches, qui ont entraîné avec eux des gens plus modestes, qui jouent à "Zabriskie Point" pour se faire plaisir.

SD : Vous n’êtes pas allé à l’université avant d’avoir presque 30 ans, et votre premier livre, "Prisoners of the American Dream", est sorti quand vous aviez 40 ans. Avez-vous toujours voulu écrire ?

MD : Non, apprendre à écrire est la chose la plus difficile que j’aie jamais faite. Il fallait parfois passer une rame entière de papier sur une machine à écrire juste pour obtenir la première phrase. C’était absolument brutal.

SD : Alors pourquoi avoir voulu le faire ?

MD  : Parce que j’étais un nul en tant qu’organisateur et orateur. Le premier discours que j’ai prononcé était lors d’un rassemblement anti-guerre à Stanford, en 1965. Je travaillais sur ce projet fou du SDS à Oakland. J’ai réussi à faire fuir les trois quarts du public en cinq minutes environ. J’ai passé des années dans de tout petits groupes, à essayer de former des groupes encore plus marginaux, à aller à toutes les manifestations, à essayer encore et encore. Et l’écriture est devenue la seule compétence utile pour l’activisme politique, pour le mouvement.

SD  : Qui a le plus influencé votre écriture ? Qu’avez-vous lu qui vous a donné envie d’écrire ?

MD  : Je n’ai jamais lu beaucoup de fiction, mais la fiction que j’ai lue m’a beaucoup influencé, à commencer par Les Raisins de la colère. Cette cadence biblique et le langage de Steinbeck... Ensuite, la New Left Review a été une influence précoce sur mon écriture, et d’une certaine manière, une mauvaise influence.

L’une de mes plus profondes influences littéraires et intellectuelles était le marxiste gallois Gwyn Williams. Il était issu du noyau des historiens communistes, et été le premier à écrire un article en anglais sur Gramsci, mais surtout, il maîtrisait l’histoire du pays de Galles à plein de niveaux. Dans une certaine mesure, je souhaitais que L.A. soit...

SD : Votre Pays de Galles ?

MD : Oui ! Et puis bien sûr, en histoire naturelle, ma grande influence a été mon ami Steve Pyne. C’est l’historien des incendies, et c’est un personnage très complet. Il était pompier et est allé à Stanford avec une bourse de baseball. J’ai pris son livre avec moi quand j’avais le mal du pays à Londres et j’ai lu son histoire sociale du feu en Amérique. J’ai alors voulu écrire l’histoire environnementale de L.A. comme une histoire politique et sociale.

Mais le véritable cœur de mon écriture était la narration. J’ai dit à l’un de mes collègues de Riverside, je ne suis pas du tout un écrivain, mais je suis un sacré bon conteur. Et j’ai côtoyé certains des meilleurs conteurs de la planète. Vous savez, dans les pubs de Belfast et les bars de bûcherons dans le Montana, j’ai entendu des histoires magnifiques.

SD  : Quelles ont été les réactions les plus surprenantes à votre travail ?

MD  : Après la sortie de "City of Quartz", je suis devenu un ami proche de l’historien Kevin Starr. Nous étions prêts à débattre. [En 1994, le L.A. Times décrivait Starr et Davis comme des "prophètes duellistes du L.A. du futur" ; Starr a publié un livre d’histoire de L.A. plus rose en même temps que celui de Davis]. Il était si charmant et sympathique que j’ai commencé à dîner avec lui et sa femme, et il était un participant régulier de Bohemian Grove [camping select de l’élite américaine]. Il m’a donc invité à Bohemian Grove.

SD : Sérieux ?

MD : J’ai dit, "Quoi ? Ils ne me laisseront jamais entrer à Bohemian Grove, même dans un million d’années !" Il a répondu : "Oh si, ils le feront. Le seul problème est que vous ne pouvez pas filmer, enregistrer ou écrire à ce sujet." Et donc j’ai dit : "Dommage." Mes amis étaient en colère contre moi. Tout le monde voulait que j’aille à Bohemian Grove. Mais tout ce qui se passe à Bohemian Grove, c’est que George Shultz et une bande de milliardaires se promènent en pissant sur des séquoias en se comportant comme des enfants de 7 ans.
J’ai refusé d’autres invitations qui exaspéraient mes amis. J’ai reçu une invitation au Vatican.

SD  : Qui vous a invité au Vatican ?

MD : Le bureau du pape François. A propos de Planet of Slums [Le pire des mondes possibles, La Découverte, 2007] . Mais j’ai renoncé.

SD  : Avant de conclure, y a-t-il, je ne sais pas, des exhortations, des appels à l’action, que vous voulez partager ?

MD : Euh, non. J’ai résisté à plusieurs choses, l’une d’entre elles étant l’idée que vous devez écrire quelque chose de profond sur votre fin de carrière. Je n’ai pas l’intention de le faire, et je n’ai pas non plus la contrainte d’écrire des choses faussement héroïque sur moi-même. Lorsque ma sœur aînée est morte, j’ai acquis la certitude que j’allais mourir à mon tour. Même si je ne savais pas alors que ce serait du même cancer qu’elle. Et j’ai écrit deux poèmes qui résument assez bien ma vision de la vie, des poèmes simples. Je vais les laisser derrière moi.

Je pense que les gens qui me lisent comprennent ma démarche. L’une des raisons pour lesquelles cette "assistance à mourir" est importante est qu’elle me permet de ne pas perdre mon sens de l’humour. En revanche ce que ma grande sœur m’a appris lorsqu’elle a reçu le verdict final - et elle a été aussi digne et courageuse que durant toute sa vie - c’est que c’est une occasion d’apprendre à vos enfants à ne pas avoir peur. À être triste, mais pas d’avoir peur.

Je ne suis qu’une personne ordinaire qui vit ce que toute personne ordinaire finit par vivre dans des circonstances qui ne sont pas du tout tragiques. Sauf peut-être pour certains membres de la famille.

Aussi pas besoin de faire des déclarations lourdingues. Je prends plus de plaisir à regarder jouer l’équipe de Golden State ou à lire des mythes scandinaves ou des livres, et surtout à me détendre et à passer du temps avec la famille. J’ai tellement de chance d’être entouré de tout l’amour que j’ai ici.