Demain Le Grand Soir
NI DIEU, NI MAITRE, NI CHARLIE !

Le Site de Demain le Grand Soir est issu de l’émission hebdomadaire sur "Radio Béton", qui fut par le passé d’informations et de débats libertaires. L’émission s’étant désormais autonomisée (inféodé à un attelage populiste UCL37 (tendance beaufs-misogynes-virilistes-alcooliques)/gilets jaunes/sociaux-démocrates ) et, malgré la demande des anciens adhérent-es de l’association, a conservé et usurpé le nom DLGS. Heureusement, le site continue son chemin libertaire...

Le site a été attaqué et détruit par des pirates les 29 et 30 septembre 2014 au lendemain de la publication de l’avis de dissolution du groupe fasciste "Vox Populi".

Il renaît ce mardi 27 octobre 2014 de ses cendres.

" En devenant anarchistes, nous déclarons la guerre à tout ce flot de tromperie, de ruse, d’exploitation, de dépravation, de vice, d’inégalité en un mot - qu’elles ont déversé dans les coeurs de nous tous. Nous déclarons la guerre à leur manière d’agir, à leur manière de penser. Le gouverné, le trompé, l’exploité, et ainsi de suite, blessent avant tout nos sentiments d’égalité.
(....)Une fois que tu auras vu une iniquité et que tu l’auras comprise - une iniquité dans la vie, un mensonge dans la science, ou une souffrance imposée par un autre -, révolte-toi contre l’iniquité, contre le mensonge et l’injustice. Lutte ! La lutte c’est la vie d’autant plus intense que la lutte sera plus vive. Et alors tu auras vécu, et pour quelques heures de cette vie tu ne donneras pas des années de végétation dans la pourriture du marais. "

Piotr Kropotkine -

La pensée des gendarmes après Sainte-Soline
Une plongée en apnée Serge Quadruppani
Article mis en ligne le 7 avril 2023
dernière modification le 4 avril 2023

par siksatnam

D’une institution dont la plupart des membres n’ont pas rechigné à intercepter les déserteurs de la guerre de 14 pour les envoyer devant le peloton d’exécution, à pourchasser les gamins évadés des colonies pénitentiaires de l’entre-deux-guerres et à enfermer les Républicains espagnols dans des camps, à donner la chasse aux Juifs et aux Résistants sous l’Occupation, à traquer les réfractaires à la guerre d’Algérie, acheminer de force les rappelés réticents vers la guerre coloniale, pourchasser les résistants algériens promis à la guillotine, et tuer Rémi Fraisse, d’une institution ayant un tel palmarès à son actif, on aurait pu s’attendre à ce qu’après Sainte-Soline, elle émette pour tout message la réaffirmation de son rôle : servir l’Etat, quel que soit le visage qu’il ait pris, et obéir aux ordres, quels qu’en soient la nature. Mais non, on découvre que l’évènement durant lequel 200 manifestants ont été blessés, dont 40 grièvement, avec l’un d’eux toujours entre la vie et la mort, cet événement ne laisse pas le gendarme sans voix. L’Organe de l’Union nationale des personnels et retraités de la gendarmerie (UNPRG), La Voix du Gendarme lui a en effet consacré pas moins de quatre articles.

Un lobby

Mais d’abord, présentons qui parle. Sur son site, l’UNPRG raconte son histoire en invoquant des racines remontant à la Résistance. Au passage, notons que, s’il y eut indéniablement un certain nombre de résistants dans la gendarmerie (surtout à partir de 1944) cela ne l’empêcha pas de faire le job demandé par l’Etat pétainiste, comme signalé ci-dessus. L’intéressant, dans l’historique fourni par l’Union c’est que son rédacteur raconte sur un ton enjoué les ruses par lesquelles cette organisation, dans l’après-guerre, s’est employée à échapper à l’interdiction d’association pour les personnels militaires. Comment cela, petits canaillous, vous vous êtes permis d’adhérer « clandestinement » ? d’utiliser des retraités pour présenter une façade légale alors que les vrais dirigeants restaient dans l’ombre ? Franchement, gendarmes, pour des fanatiques de la légalité, ça la fiche mal ! Mais, comme ils disent, « la mauvaise période est passée ». Tandis que, du côté des cousins de la police nationale, la cogestion gouvernement-syndicats du Ministère de l’Intérieur et des carrières de flic battait son plein depuis le passage de Sarkozy aux affaires, une loi de 2015 du gouvernement Vals reconnaissant les associations professionnelles nationales militaires a fait en sorte que l’UNPRG soit « considérée comme un organisme indispensable ». Ainsi, grâce au coup de pouce d’une Sarkhollandie d’autant plus disposée à plaire aux forces de l’ordre qu’elle s’apprêtait à lancer la Loi Travail, la principale association corporatiste de la gendarmerie est désormais entrée dans un rapport symbiotique avec le pouvoir étatique. Plus que jamais, L’État s’avère le cogérant universel des lobbies. De la même manière que le lobby agro-alimentaire, à travers la FNSEA, cogère avec L’État la politique agricole et environnementale, le lobby sécuritaire cogère avec lui la répression des rébellions contre cette politique.

Entendre ce que raconte la Voix du Gendarme sera donc utile à deux titres au moins : cerner le prisme idéologique à travers lequel l’Arme (comme ils se désignent eux-mêmes) voit ceux qu’elle affronte, et prévoir les évolutions futures des techniques de maintien de l’ordre.
Dans la vision du gendarme

Sur le premier point, pas de surprise : la nuance n’est pas de mise chez les pandores. Le collectif Bassines Non Merci « évolue désormais dans une mouvance plus large comprenant des groupes adeptes de l’éco-activisme violent, tels que eXtinction-Rébellion (XR), Les Soulèvements de La Terre (SDLT), mais également relevant de tradition anarchiste (Antifa, milices Black Bloc…). Il compte notamment des individualités ayant participé à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. ». Peu importe que cet article « oublie » la présence de la Confédération paysanne, de Scientifiques en Rébellion, d’Attac et de quelques autres… Peu importe que la doctrine de la non-violence soit explicitement affirmée et pratiquée par XR ou que la notion de « violence » eût mérité d’être approfondie, notamment selon qu’elle s’applique principalement contre des personnes ou des choses, la première étant, ne serait-ce qu’en raison de la disproportion des moyens militaires, très majoritairement, l’apanage des forces de l’ordre.

On reconnaît dans cet article le style inimitable des services de renseignement : amalgame du vrai, du faux, de l’à peu près, le tout irrémédiablement faussé par le point de vue policier, incapable par nature de saisir ce qui remet en cause les conditions mêmes de son existence. Ainsi, quand l’article déplore « une très forte contrainte dans l’emploi de la force compte tenu de la composition – non spontanée – des cortèges rassemblant des familles, des élus, et des activistes violents. En clair, la manœuvre de l’adversaire intégrant de façon optimale les techniques de provocation, est centrée sur l’exploitation médiatique et donc politique de l’image pour déstabiliser l’opinion, et inhiber les pouvoirs publics. » Ce souhait de pouvoir distinguer les manifestants pacifiques de ceux sur lesquels on peut taper sans retenue se heurte à une réalité que le gendarme est bien incapable de saisir : ce n’est pas par quelque perverse stratégie (décidée par quel commandement central ?) que les cortèges étaient si composites, mais parce que le refus de l’accaparement de l’eau est partagé par toutes les composantes de la population, et parce qu’il existait une complicité profonde de la plupart des manifestants avec ceux qui allaient au contact. Même un Mélenchon a pourtant été capable de le voir : si les gendarmes n’avaient pas été là, il n’y aurait pas eu de violences. Mais, se récrie le mort-vivant Hollande, alors, les manifestants seraient arrivés jusqu’à la bassine ! Et… ? Rappelons qu’il s’agissait d’un trou dont l’occupation ne pouvait être que symbolique. A moins que la gendarmerie ait voulu se venger de l’humiliation subie lors de la précédente manifestation, où des manifestants avaient réussi à contourner le dispositif de maintien de l’ordre : elle aurait donc tiré 4000 grenades pour ne pas perdre la face !

Chose remarquable, la Voix du Gendarme n’articule pas un mot sur les blessés manifestants, et surtout pas sur celui qui, à l’heure où on écrit ces lignes, se bat toujours contre la mort.

Sur le fond…

Sur le fond, la Voix du gendarme passe par l’organe du colonel Philippe Chouloux « expert en intervention professionnelle, spécialiste du maintien de l’ordre, ancien instructeur au CNEFG de Saint-Astier, commandant en second du GBGM de Versailles-Satory, auteur de l’ouvrage de référence L’Ordre pour la liberté, approche militaire de l’art méconnu du maintien de l’ordre » :

« Sur le fond, la question des bassines à Sainte-Soline est moins une question écologique que sociale qui consacre le divorce profond entre plusieurs catégories de citoyens :

« La France majoritaire, ancrée dans les réalités et légaliste, qui travaille et construit, face à des activistes idéologiques, minoritaires et internationalisés, pour partie désœuvrés et employés à déconstruire ;

« La France des campagnes qui vit de la terre et de la mer, de métiers réels et exigeants, face à certains urbains, exerçant majoritairement des “bullshit jobs”, qui ne comprennent peu ou prou rien à l’ordre naturel, encore moins à la nature.

« Il s’agit là d’une fracture de fond que l’on observe dans tous les pays développés du bloc occidental, et qui prospère sur fond d’inflation des diplômes et de baisse générale du niveau d’éducation réelle. Ses conséquences pratiques sont les tentatives de plus en plus fréquentes de blocage par des minorités à la mise en œuvre de projets menés par l’État pour le bien commun des populations. D’un point de vue professionnel, les événements de Sainte Soline sont également à envisager à l’aune de l’émergence d’une “violence globale” (…) Entre plusieurs types de radicalisations, certains extrémistes se sont donc ainsi professionnalisés de ZAD (zone à défendre) en ZAD, dans la déstabilisation des États, l’ultra violence et la communication médiatique. »

Cette catégorisation fantasmatique de la population, cette opposition entre des sous-intellectuels « internationalisés » et le pays réel, « l’ordre naturel » : on aura reconnu la rhétorique du pétainisme crasse d’un Zemmour et de ses si nombreux épigones des chaînes Bolloré. Quand on prend la mesure de la quantité d’informations, de savoirs et d’expertises, montrant le caractère mortifère de la forme de vie défendue par les LBD, les grenades, les gaz et ceux qui les servent, on voit bien que l ’ignorance fanatique est du côté de l’Arme.

Dans le viseur du gendarme

Ayant ainsi identifié l’ennemi, les penseurs du maintien de l’ordre gendarmesque se livrent dans les divers articles à leur sport favori : réclamer plus de moyens. Voici donc la liste de leurs revendications :

utiliser le chef d’infraction prévu à l’article 431-4 du Code pénal : « Le fait, pour celui qui n’est pas porteur d’une arme, de continuer volontairement à participer à un attroupement après les sommations est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende » On voit où cela mènerait : il suffirait que les forces de l’ordre somment la manifestation de se disperser pour criminaliser aussitôt après l’ensemble des participants.

recours au Véhicule blindé polyvalent Centaure avec son lance-grenades multiple 40mm télé-opéré

plus de quads et plus de LBD.

utilisation de drones

Et enfin, revenir sur l’interdiction, consécutive à la mort de Rémi Fraisse, de lancer à la main la grenade Gm2L. C’est précisément celle qui a touché Serge à la tête.

L’expérience ayant démontré que policiers et gendarmes finissent toujours par obtenir ce qu’ils réclament avec insistance, nous voilà prévenus.

Serge Quadruppani