Ne vous fiez pas à des apparences, qui, je le sais pour en souffrir terriblement depuis plusieurs semaines, sont parfois trompeuses, c’est bel et bien Jean-Claude Popovitch, votre serviteur et ami, qui vous parle dans la boite à musique.
C’est donc la rentrée, après un été qui fut pour moi plus que tourmenté...
Des turpitudes qui ont trouvé leur source dans la cabine d’essayage d’un magasin franchisé de l’agglomération, lorsque, devançant la perspective de longs bains de soleil à Mimizan-Plage, je pris la décision de céder aux sirènes de la consommation de masse, d’une part, et de ne pas camoufler plus longtemps ce corps d’éphèbe dont m’a doté la nature, dans son infinie générosité… (En dépit d’un athéisme clairement assumé et revendiqué, je ne peux m’empêcher de penser à l’existence de Dieu, lorsque je me pose me yeux dans le reflet du miroir).
Et j’enfilais derechef le magnifique débardeur que me suggérait une vendeuse visiblement troublée par ma présence, sous l’œil bienveillant mais attentif de mon amie… Sans rentrer dans les détails, je jetais un regard plein de satisfaction en direction de mes pectoraux, mis en valeur comme jamais ils ne l’avaient été… Mes muscles hypertrophiés déformaient la toile du vêtement, si bien que j’enjoignais à la vendeuse de me présenter une taille XXL, tout en quittant le tee-shirt que je n’eus d’autre solution que de déchirer pour l’ôter…
Et c’est là que tout m’échappa... Vision d’horreur… Celle de mes épaules dénudées, intégralement recouvertes d’un épais tapis de poils noirs comme l’ébène... Je me sentis défaillir, et dans un état second, je jetais un flot d’injures à l’employée de la boutique, avant d’en sortir précipitamment… Mon amie, voulant bien faire, crut bon préciser qu’elle appréciait par-dessus tout chez moi ce côté mâle, presque animal, qui se dégageait de ma personnalité, et qu’elle était attendrie par mon apparence de gorille des montagnes… Las… C’en était trop… Dans l’instant, je saisis mon téléphone, et composais le numéro de la clinique du Saint-Sacrement, exigeant un rendez-vous sur le champ avec le professeur Delasource, médecin connu dans le microcosme tourangeau comme celui des personnalités locales… Et avant même que j’ai eu le temps de lui exposer mon problème, il me répondit : « Passez me voir au cabinet, j’ai ce qu’il vous faut… Soyez rassuré, vous serez présentable pour les vacances »…
Le brave homme, pensais-je en hélant un taxi, avant de donner à ma dulcinée mes consignes pour le repas du soir…
Ah, lorsque j’y repense, quelle amertume… Je fus bien saisi d’un doute, mais il était trop tard… L’injection d’hormones femelles en intra-veineuse était réalisée, mes problèmes de pilosité résolus, certes, mais ma voix de stentor était durablement affectée par le produit, utilisé en masse, d’après ce docteur Mabuse, par les nageuses est-allemandes dans les années 80, pour masquer la prise massive de corticoïdes… Quand je pense à l’autre abruti… Le changement, c’est maintenant… C’est ça, connard !
Donc, vu les circonstances, vous permettrez qu’à titre exceptionnel j’attache plus d’importance aujourd’hui à un élément prépondérant de ma virilité, en l’occurrence ma voix, qu’à la révolution, qui attendra bien une semaine ou deux pour se mettre en place… Je vous laisse, j’ai un nouveau rendez-vous médical… A l’hôpital public, cette fois-ci… Et une rencontre avec les chiennes de garde…
JCP