Quand la "Nouvelle République" nous parle d’anarchisme.
Article du 3 mars 2013.
C’est une erreur répandue, y compris chez ceux qui s’en réclament, de croire que l’anarchie s’assimile au chaos. Anarchie ne veut pas dire absence d’organisation, mais absence de domination, grâce à la coopération de tous.
En un sens, c’est un peu ce que propose le Lochois Brice Desrez (1) dans son premier ouvrage, « Le jardin des possibles », qu’il vient de publier, même si le mot n’y figure pas.
C’est peut-être aussi l’une des sources lointaines de l’école alternative, dont il est l’une des chevilles ouvrières et qui a vu le jour en septembre dernier à Beaulieu-lès-Loches.
Brice Desrez lui-même fut élève d’un établissement scolaire à pédagogie innovante : l’école Decroly (2) qui base son enseignement sur trois maîtres-mots : observation, association, expression. Ce qui lui permet de se définir comme « expérimentateur né ».
L’école est justement la voie principale qu’il dessine dans son essai afin de sortir de l’impasse qui le préoccupe : d’un côté, un système fou basé sur le « toujours plus » et, de l’autre, « des manifestations sans fin » qui n’y changent rien.
L’auteur invite à dépasser le célèbre « Indignez-vous ! » de Stéphane Hessel, qui vient de disparaître : « L’indignation est le sang dont a appris à se nourrir le système pour maintenir un statu quo. […] Depuis combien de temps nous indignons-nous ? […] A force de répétitions, la colère calcifie les positions, […] arthrose les velléités de mouvements dans nos sociétés occidentales, où nous avons tous quelque chose à perdre, hormis ceux qui ont déjà tout perdu. »
Nous sommes tous coresponsables du système qui n’est que l’émanation de nous, ajoute l’auteur.
L’école de l’individu
La solution ? On l’a dit : pour Brice Desrez, c’est l’école. Mais une école où l’on aimerait à « valoriser le singulier que chacun porte comme une fleur de peau. […] L’école doit cultiver les différences, les centres d’intérêt de chacun [afin qu’il] puisse d’abord [les] confronter à l’autre pour pouvoir ensuite passer au désir de [les] partager avec l’autre ».
Étendant cette idée à l’ensemble de la société, Brice Desrez appelle à « remettre les clefs de la ville à chacun d’entre nous ». Rien à voir, précise-t-il, avec « une vision libérale poussée à l’extrême du " débrouille-toi tout seul " ».
Il s’agit, au contraire, d’une « mise en commun de nos réflexions, de nos actions […]. Et, demain, ce sont les enfants qui grandissent à côté de nous en ce moment qui devront avoir appris à mettre en coopération leurs talents, leur vision du monde, leur intuition pour qu’ils puissent trouver, solidaires, des solutions environnementales d’un autre acabit que nos élucubrations actuelles ».
La feuille de route peut séduire. Brice Desrez le reconnaît néanmoins : cela demandera du temps.
(1) Brice Desrez est photographe de profession. (2) Il lui dédicace d’ailleurs son ouvrage.
« Le jardin des possibles », Éditions Garamond & Compagnie, 6 €
Pierre Calmeilles