Les Français qui se couchent tard parlent à la France qui dort mal !
La peur est mauvaise conseillère.
La peur de perdre son emploi, qui nous fait accepter des heures
supplémentaires, une accélération des cadences, ou le harcèlement d’un
petit chef.
La peur de se retrouver au chômage qui nous retient de faire grève.
La peur de nous faire radier, qui nous fait préférer l’humiliation du
contrôle mensuel , des stages bidon au combat pour le respect de notre
dignité.
La peur de passer pour un fainéant qui nous fait déclarer qu’on est
prêts à accepter n’importe quel boulot, à la famille , aux amis ou à
l’ANPE, alors qu’on a tellement de vrais projets.
Cette peur permanente est finalement le seul dénominateur commun donné
aux précaires et aux pauvres.
Qu’on ait voté ou pas, à droite ou à gauche,, malgré nous, malgré la
haine que nous éprouvons les uns pour les autres, l’intérimaire épuisé
contre le Rmiste, le chômeur français de souche contre le sans papier
qui se lève tôt, nous sommes la France qui dort mal.La France des
lendemains qui pleurent forcément, la France qui se réveille tôt ou
tard avec un crédit impayé, un avis d’expulsion, celle qui travaillera
peut-être plus mais gagnera toujours moins !
Est-il trop tard pour apprendre à rêver ensemble , contre tous les
marchands de sommeil ?
Chômeurs et précaires qui avez peur de ce qui se passera après les
élections, à tous ceux qui tremblent depuis des semaines devant leurs
écrans, à chaque fois qu’un candidat les montre du doigt, nous le
répétons, la peur est mauvaise conseillère.
Que cette peur vous emmène voter pour Sarkozy dans l’espoir que la
désignation d’un bouc émissaire commun à affamer et à matraquer , vous
protège de la dégradation de vos conditions de vie. Partout sur cette
planète, là ou l’on nous contraint à travailler plus, l’on gagne moins
beaucoup moins. Voir le salaire moyen en Chine.
Que cette peur vous amène à voter pour Royal et à prier ensuite pour
que le vote utile suffise à repousser le pire.
Cette société est organisée pour que chaque précaire soit seul et de
plus en plus seul : seul dans les boites ou il ne fait que passer,
seul face au conseiller ANPE et à la plate-forme Assedic, seul dans
l’isoloir à se creuser la tête pour déterminer en quoi François Bayrou
peut lui être plus utile que Ségolène Royale, seul le soir du premier
tour à se demander pourquoi vingt deux millions de personnes ont voté
pour un bourgeois de Neuilly qui veut les karchériser.
Seul à espérer sans trop y croire que le bourgeois de Neuilly pour qui
il a voté au deuxième tour va empêcher que sa bagnole crame le soir
même et que son patron le vire le lendemain parce qu’il est arrivé en
retard et qu’il était en CNE.
A nous de choisir : nous réveiller de plus en plus tôt et dormir de
plus en plus mal, ou nous lever enfin ensemble pour imposer la fin du
cauchemar.
Certains, comme les travailleurs français et immigrés de PSA, comme
ces parents d’élèves qui partout en France empêchent les expulsions
d’autres parents d’élèves, comme tous ces jeunes, étudiants ou
chômeurs qui ont réchauffé les rues toute l’année dernière , certains
ont déjà choisi.
En 95, des millions de travailleurs descendaient dans la rue juste
après la victoire de Chirac. En 97, l’élection de Jospin précédait de
peu la révolte des chômeurs. Peu de présidents dans ce pays ont été
élus avec 80 pour cent des voix, mais peu eurent à combattre dans la
rue autant de mouvements de colère, de celle des salariés contre la
réforme des retraites, celle des banlieues ou des universités.
Dépasser la peur, c’est se souvenir que le choix de la lutte est une
réalité concrète, un souffle qui balaie sans grand peine les choix de
petits bouts de papiers, fussent-ils des millions.
Il n’y pas lieu de craindre ou d’espérer, mais de forger de nouvelles
armes. MAINTENANT
Collectif RTO