Pour beaucoup, le dimanche du 6 mai, au soir, a été le commencement d’un long cauchemar. Avec des yeux rougis d’amertume et le ventre broyé par la colère, nous avons subi de plein fouet le fatras d’une France de droite élisant son président démago et nous l’avons ressenti comme un grand coup de massue dispersant le peu d’illusions qui nous restaient.
Et pourtant, la « catastrophe annoncée » n’a, finalement, rien de surprenant. Devant une France terrée dans sa peur, vieillissante et aigrie, repliée sur des valeurs basiques, où était le souffle novateur à même de renverser les reflux réactionnaires ? La gauche socialiste est acquise à l’économie de marché depuis des décennies. Elle a renoncé à toute analyse de classe et ne groupe plus dans ses formations politiques, qu’une petite minorité d’employés et d’ouvriers.
Ses alliés naturels (Verts, MDC, communistes, Radicaux) vivent à son crochet et sous perfusion. De par leurs pratiques politiques et leurs fonctionnements, ils ont réussi l’exploit de désespérer leurs propres camps…
La gauche révolutionnaire n’a rien trouvé de mieux que de cultiver et de multiplier ses sectarismes et de faire peser ses intérêts de boutique avant tout intérêt objectif du camp des opprimés. La LCR, la seule formation politique d’extrême gauche qui sort « brillamment » du champ de ruine du premier tour des élections présidentielles, en est réduite à compter, comme un apothicaire, ses gains en voix… Son projet politique, qui suit une tradition historique social démocrate, n’a rien de révolutionnaire, ni rupturiste.
Les autres organisations du camp du « non de gauche » à la constitution européenne sont exsangues…
On est loin d’une alternative… A force de renoncements idéologiques, on a laissé une droite, de plus en plus sûre d’elle-même, gagner la bataille de la pensée : sur l’immigration, sur la sécurité, sur le travail, sur les salaires, sur l’éducation, sur le logement… La droite a imposé son timing et ses analyses. Elle a joué aussi sur le vieillissement de la population pour accentuer une cassure entre les générations et n’a pas hésité, comble d’arrogance, de se réclamer des valeurs progressistes… Mais qu’il avait-il en face pour lui clouer le bec ? Une gauche avide d’institutionnalisation et déconnectée du sens des luttes sociales…
Alors, aujourd’hui, ils en sont à jouer aux pleureuses et à déclamer, de façon ostentatoire, la construction d’une alternative politique au cauchemar que nous sommes en train de vivre… Il serait temps de se réveiller…
Pourtant, l’alternative, nous l’avons déjà entre nos mains : Les luttes que nous menons et que nous mènerons valent bien mieux que leurs discours ! (Pour paraphraser un des slogans de la « gauche de la gauche »).
Organisons nous massivement dans nos syndicats, nos associations, nos collectifs, nos quartiers ; formons et développons des réseaux d’entraides et d’informations autonomes, passons nous des sectarismes et des analyses creuses des apprentis gouvernants…
« Demain, tout est possible » en effet ! Cela dépend de nous, de la confiance en nos valeurs, de l’intégrité de nos combats, du respect des différences, de la fraternité nécessaire, du mépris de la peur…
E.S.