"La marche de l’histoire", sur France Inter, par Jean Lebrun, du jeudi 26 novembre 2015.
Tenter de faire le moindre mal pour parvenir au bien, c’est l’idéal. Mais l’anarchie est un horizon qui peut s’atteindre par beaucoup de moyens et un anarchiste conséquent est contraint de laisser aux autres une certaine liberté dans le choix des méthodes.
Il se trouve qu’à la fin du XIXème, et pas seulement en France, nombre de compagnons ou de satellites du mouvement se mettent à pratiquer la « reprise individuelle », le vol, et aussi l’attentat. En 1892, les attentats tournent à l’épidémie. Provoquant la sidération. Pourquoi ce tranquille convive du Bouillon Duval est-il assassiné ? Est-il vraiment un bourgeois parce que son assassin est un cordonnier qui l’a tué avec son outil de travail, un tranchet ? A compter de 1893, les cibles se font de plus en plus précises : la Chambre des députés, le président de la République lui-même qui périt en 1894.
Comment mettre fin à ce mouvement terroriste ? Par les lois d’exception qui tombent en cascade ? Beaucoup les qualifient de « scélérates » ? Par la chronique quotidienne de la dynamite dans la presse ? Elle a sans doute aussi encouragé les vocations. Par le travail intérieur des esprits, auquel Elisée Reclus, un des penseurs du mouvement, appelait tout un chacun ?
L’époque, en tout cas, diffère radicalement de la nôtre en ce qu’elle est aussi marquée par un poussant mouvement dans le prolétariat et autour de lui. Les années 1890, c’est aussi le syndicalisme révolutionnaire, les bourses du travail, la première législation sociale républicaine. Optimistes, les anarchistes rescapés fondent un journal, « Les Nouveaux Temps » : ils veulent croire qu’il est possible de passer du maximum d’autorité au maximum de liberté avec le maximum d’éducation.
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invité(s) Philippe Pelletier, Géographe spécialiste du Japon