« Sans la solidarité de délinquants, nous ne serions pas là ! »
L’heure est à la renaissance d’un délit de solidarité. Dans la vallée de la Roya, à Calais, à Paris, à Norrent-Fontes, à Boulogne, à Loos, à Perpignan, à St-Etienne, à Meaux... des militants et des citoyens qui ont manifesté concrètement leur solidarité désintéressée aux réfugiés ou aux Roms, sont intimidés, menacés, poursuivis par les Autorités.
Nous soussigné, enfants juifs cachés pendant la Seconde guerre mondiale pour échapper à la déportation, déclarons solennellement : si nous sommes en vie, c’est parce que des délinquants solidaires ont désobéi, nous ont cachés, nous ont nourris, en dépit des lois de Vichy et de l’occupant. Ils ont ouvert leur porte, falsifié notre identité, ils se sont tus ignorant les injonctions de la police et de l’administration, ils ont emprunté des chemins de traverse face à la persécution…
Leur solidarité est aujourd’hui reconnue publiquement. Nous leur sommes reconnaissants, comme nous le sommes au courage de nos parents qui ont fait le dur choix de se séparer de nous et de transformer leurs enfants en « mineurs isolés ».
Mais ce devoir de solidarité s’applique aussi aujourd’hui et nous réclamons la fin de ces procédés d’intimidation. Nous proclamons la légitimité du droit de regard des citoyens et des citoyennes sur les pratiques de l’administration, de la justice ou de la police. Nous sommes solidaires avec celles et ceux qui se montrent solidaires des personnes en situation de précarité sans se soucier de savoir si elles sont ou non en situation régulière quant au séjour. Nous passons le flambeau de la solidarité aux lanceurs d’alerte, aux citoyens critiques des politiques xénophobes, aux solidaires du quotidien.
Les 67 premiers signataires :
1. Enfants caché-e-s :
• Georges Gumpel, enfant caché à Lyon puis en Haute-Loire ;
• Liliane Lelaidier-Marton, enfant cachée à Bonneuil-sur-Marne ;
• Georges Tugène, caché en Haute-Loire ;
• Jean de Monbrison, caché près d’Auch, dans le Gers ;
• Georges Rosevègue, né en février 1941, enfant caché avec mes parents résistants, dans une ferme de l’Isère ;
• Nicole Kahn, enfant cachée dans une école catholique à Limoges.
• Denise Fernandez Grundman, enfant cachée dans le Maine et Loire.
• Michèle Lessmann-Portejoie, cachée dans une institution catholique, à Amélie-les-Bains, Pyrénées Orientales, puis dans une famille de paysans à Boësse, Loiret ;
• Catherine Vidrovitch, enfant cachée à Chaumont-en-Vexin par le chef de la résistance locale ;
• Bina Kohn, sauvée de la rafle du Vélodrome d’hiver par ma concierge, puis cachée par mon employeur à Paris ;
• Jean Claude Urbach, caché avec mon frère dans un hameau des Cévennes ;
• Henri Edouard Osinski, caché avec 10 enfants juifs à Montigny-le-Ganelon, Eure et Loir ;
• Nicole Marx Maingault, cachée dans un pensionnat catholique à Nègrepelisse, Tarn et Garonne ;
• Roland Gaillon, enfant caché à Nice, puis Annecy et Sallanches ; mon nom actuel est ma fausse identité conservée ;
• Henri Kochman, caché dans le village de Vourey, près de Grenoble ;
• Renée Blancheton-Sciller, cachée de 1942 à 1944, à Gières et à Pierre-Châtel, Isère ;
• Marie Jakobowicz, enfant cachée à Paris durant l’été 1942, puis passage en zone libre ;
• Jules Jakubowicz, caché avec sa famille à Bâgé-le-Châtel, Ain
• Laurent Weill, enfant caché en 1943, fuyant Lyon, au Chambon-sur-Lignon, Haute-Loire
• Catherine Weill-Follet, cachée au Chambon-sur-Lignon en 1944
• Lucienne Lerman, fille de Michel Lerman (déporté), enfant cachée à Pouzauges, Vendée ;
• Jacques Charmatz, enfant caché de 1943 à 1944, en Suisse avec ma sœur ;
• Charles Futerman. mère cachée à l’hôpital de Saint-Junien, Haute-Vienne, caché avec ma sœur chez des voisins lorrains en exil puis dans une famille du voisinage ;
• Francine Hecker, enfant cachée à Lyon, à Chambéry, à Mercury, Savoie, et à Bourmont, Haute-Saône ;
• Micheline Muc-Failevic, cachée de 1942 à 1944 à Comblanchien en Côte-d’Or, par le chef de la résistance locale, communiste, et par sa famille ;
• Gerty Adler, cachée et sauvée avec ma sœur dans différentes maisons d’enfants de l’O.S.E. (Œuvre de Secours aux Enfants), fille de Michel et Camille Adler, sauvés par M. Boyer qui les a cachés dans sa ferme du Limousin ;
• Armand Ajzenberg. enfant caché, d’octobre 1942 à fin 1946, à Rozières-sur-Crise, Aisne ;
• Robert Leopold, ancien de la Maison d’enfants de Sèvres, fils d’Hans-Peter Leopold opposant aux nazis dès 1933, interné à Beaune-la-Rolande en 1939, membre de la Résistance, caché en famille à Marseille, Grenoble, Aix-en-Provence ;
• Evelyne Reberg, cachée à Landouge, près de Limoges, par deux adultes merveilleux, que j’ai ensuite appelés jusqu’à leur mort mon pépé et ma mémé…
• Denise-Monique Nagielkopf, née sous le faux nom de « Denise Nicolet » à Bourg-en-Bresse, Ain, le 15 septembre 1944 ;
• Madeleine Wajsblat, enfant cachée dans des internats des « sœurs de St Vincent de Paul » à Aubagne puis à Marseille, Bouches-du-Rhône ;
• Guy Schmaus, sénateur honoraire des Hauts-de-Seine, enfant caché à la Maison d’enfants de La Tourelle à Saint-Julien-de-Coppel, Puy de Dôme ;
• Rachel Kamelgarn, cachée avec mon frère et ma sœur plus âgés, à Saint-Julia, Haute-Garonne, grâce au maire résistant du village ;
• Claude Valentin, né Wallenstein, caché dans un hameau de la Creuse de 1942 jusqu’à la Libération ;
• Colette Valentin, née Wojczyk, sauvée par des religieuses belges, puis des paysans des Ardennes ;
• Paule Hazemann-Rotenstein, cachée dans la région parisienne, avec mes parents, par une famille amie ;
• Marie Berenhaut-Sreulens et Émile Wilmotte, enfants jumeaux cachés chez les Sœurs de la Miséricorde à Heverlé-Louvain, Belgique, tandis que notre frère aîné Nathan était déporté et assassiné.
2. Parents caché-e-s
• Patrick Silberstein, fils d’Hélène Vainberg, cachée par des Italiens à Monthléry ;
• Mireille, Dominique, Brigitte et Emmanuèle Natanson, filles et fils de Jacques Natanson, caché par des moines dominicains à Saint-Maximin, Var ;
• Jean-Claude Meyer, frère de Colette Meyer, cachée après l’exécution de notre père ;
• Jean-Guy Greilsamer, fils d’Yvonne Greilsamer, cachée à Saint-Dizier en Haute-Marne, puis dans l’Aube ;
• Béatrice Orès, fille d’une enfant cachée dans le département du Rhône.
• Didier Epsztajn, fils de Josette Stern, enfant cachée ;
• Sonia Fayman, fille de Lucien David Fayman, résistant déporté à Dora, qui organisa la mise à l’abri d’enfants dans le Sud de la France.
• Heddy Riss, fille de Samuel Riss et Fanny Kohn, cachés par un garde champêtre et sa famille à Linkebeek, Belgique ;
• Sylvie Pasquier Lévy et Rosine Lévy, filles de Janine Serff cachée par une famille de Tonneins, Lot-et-Garonne ;
• Carole Stern, fille de Carol Stern juif roumain caché dans l’Hérault, puis arrêté par la police française ;
• Hélène Mendelson, fille de Roza Piernicarz, cachée à Paris, et de Chaim Henri Mendelson, caché à Cazères, Hérault ;
• Dr Jean-Jacques Tyszler, fils d’Henri Albert Tyszler caché à Tassin-la-Demie-Lune, Rhône, et de Paulette Frejtak cachée en région parisienne ;
• Patrick Portejoie et Sylvie Portejoie, fils et fille de Michèle Lessmann-Portejoie, cachée à Amélie-les-Bains, Pyrénées Orientales, puis à Boësse, Loiret ;
• Colette Barak, fille de Michel Barak, caché dans la région de Nice, Alpes-Maritimes ;
• Jean-François et Sylvie Pessis, Paul Regnier, enfants de Catherine Hanff, cachée à Die, Drôme ;
• Claudine Avram, fille de Bernard Burah Avram, un « mineur juif non accompagné », caché et protégé pendant plusieurs mois par une dame marseillaise qui élevait seule ses deux enfants ;
• Chantal Steinberg, fille de Bina Kohn, sauvée de la rafle du Vélodrome d’hiver puis cachée à Paris ;
• Armand Gorintin, fils d’Esther Gorintin, cachée par sa logeuse à Bordeaux, arrêtée puis échappée, puis cachée à Lyon ;
• Helyett Bloch, fille de Claudine Haas, cachée deux ans par la Résistance à l’auberge de La Thuile, Savoie ;
• Céline Fabre, fille de Raymonde Adler, juive polonaise cachée à Paris XIXe par la gardienne de son immeuble après la rafle et la déportation de sa mère ;
• Anne Bonzon, fille de Bertin Leizerovici, enfant protégé et caché à Paris après la déportation de ses parents ;
• Madeleine Estryn, fille de Sarah Uklejska, cachée dans un pensionnat protestant à Aubenas, Ardèche, et de Pinchus Estryn, ouvrier agricole caché chez un voisin de Mazan, Vaucluse, puis nourri par lui dans la forêt pendant des mois.
Cet appel est lancé à l’initiative de l’Union juive française pour la Paix, membre de Délinquants Solidaires.