Plusieurs témoins affirment avoir vu Santiago Maldonado jeté dans une camionnette de la gendarmerie. C’était le 1er août pendant une manifestation des Indiens mapuches dans le sud du pays. Depuis personne ne l’a revu et une vague de protestation secoue le pays pour réclamer la vérité et espérer son retour en vie. Un mois jour pour jour après sa disparition, une grande manifestation est prévue à Buenos Aires.
« Disparition forcée. » Selon la définition de l’ONU : l’arrestation, la détention ou l’enlèvement par des agents de l’État d’une personne, sans reconnaître sa privation de liberté ni informer sur le sort qui lui a été réservé. Dit plus simplement, un crime d’État.
Santiago Maldonado a été vu pour la dernière fois le 1er août. Ce jour-là, il est présent sur un barrage érigé par la communauté mapuche pour exiger la libération de Francisco Jones, un leader mapuche chilien détenu par les autorités argentines. En Patagonie, les Mapuches sont en conflit avec l’État des deux côtés de la frontière séparant le Chili et l’Argentine. En jeu, les restitutions de terre aux communautés amérindiennes. Côté argentin, les Indiens mapuches occupent et revendiquent depuis 2015 une partie des 900 000 hectares détenus par l’entreprise italienne Benetton. La répression que subissent ces communautés natives, des deux côtés de la frontière, a été dénoncée à de nombreuses reprises par Amnesty International.
Santiago Maldonado, jeune routard de 28 ans rallié aux idées anarchistes et solidaire de la cause indienne, a participé au barrage de la route 40. Il a disparu dans ce bout du monde, situé à 1800 km au sud de la capitale, où il s’était installé. Plusieurs témoignages affirment que les gendarmes l’ont frappé puis embarqué dans leur véhicule. Sa famille a signalé sa disparition, mais s’est heurtée au déni des autorités. La gendarmerie nie avoir arrêté Santiago, le gouvernement assure n’être en rien responsable de sa disparition et l’enquête piétine.
« Ils l’ont emmené vivant, on veut qu’il revienne vivant »
Confrontée aux murs du silence, la famille de Santiago accompagnée d’organisations de défense des droits de l’homme manifeste le 7 août devant le congrès à Buenos Aires. Au cours de la manifestation, de jeunes anarchistes affrontent la police tenue pour responsable de la disparition de Santiago Maldonado. Le lendemain, le Comité contre les disparitions forcées des Nations unies exhorte le gouvernement argentin à agir pour le retrouver. Quelques jours plus tard, près de 10 000 Argentins manifestent sous la pluie dans la capitale.
disparition forcée
Les mères de la Place de Mai, symbole de la résistance pendant la dictature, ouvrent le cortège. L’une d’entre elles lance « ils l’ont emmené vivant, on veut qu’il revienne vivant ». Des milliers de personnes marchent dans le reste du pays. Depuis, la mobilisation en faveur du retour de Santiago Maldonado est devenue une déferlante. Sur les lieux de travail, dans les écoles ou les stades, des milliers d’Argentins déploient des portraits du jeune homme ou des banderoles réclamant son retour. Sur les réseaux sociaux, les messages demandant où est Santiago Maldonado sont devenus viraux. Au point de passer les frontières. Les manifestations se répètent dans différentes villes. Une vingtaine de groupes anarchistes d’Amérique latine lancent un cycle de mobilisation du 21 août au 1er septembre. La mobilisation touche l’Europe, avec des rassemblements à Barcelone, Madrid, puis Paris devant l’ambassade argentine.
Crime d’État en Argentine ?
Le gouvernement nie toujours toute « disparition forcée ». « Nous sommes les premiers à souhaiter qu’il réapparaisse », a affirmé le chef du gouvernement mercredi 30 août devant le Parlement. Des déclarations peu convaincantes, comme les rumeurs abondamment commentées par les médias proches du pouvoir, signalant la présence de Santiago Maldonado au Chili ou laissant entendre qu’il a été la victime de conflits internes à la communauté mapuche.
Un mois jour pour jour après sa disparition, une grande manifestation a lieu ce 1er septembre à Buenos Aires. Des dizaines de milliers de personnes sont attendues après l’émoi suscité par cette affaire. La mémoire des 30 000 disparus de la dictature militaire entre 1976 et 1983 est toujours vivace. À l’époque, ce programme d’élimination des opposants avait détruit le mouvement social le plus prometteur d’Amérique du Sud. Malgré le retour de régimes civils, la poursuite et la condamnation des anciens tortionnaires sont restées l’exception.
Depuis 1983, deux autres suspicions de crime d’État se sont produites. Celle d’un étudiant en journalisme de 23 ans en 1993 dont le corps n’a jamais été retrouvé, mais pour laquelle plusieurs officiers ont été condamnés. Mais aussi celle en 2006 d’un opposant à la dictature disparu au lendemain de son témoignage lors du procès d’un policier, depuis condamné pour crime contre l’humanité.
Cette nouvelle « disparition forcée » est particulièrement malvenue pour le président de centre droit, Mauricio Macri, à la veille d’élections législatives prévues en octobre. Déjà confronté à une grève générale au mois d’avril contre ses mesures d’austérité, ce qui lui reste de crédibilité risque de disparaître avec cette affaire.
Stéphane Ortega