Djihadistes, islamistes, on a beaucoup parlé de ces Français radicalisés partis combattre aux côtés de Daech, mais beaucoup moins des autres, de ces volontaires français qui, au contraire, sont allés se battre contre Daech, contre l’État islamique, aux côtés des Kurdes du Rojava. Qui sont-ils ? Que veulent-ils ? Quel est cet anarcho-communo-féminisme dont ils se réclament ? Quel est ce Rojava pour lequel ils se disent prêts à mourir en martyr ?
Écoutez les témoignages de deux d’entre eux, deux parcours, deux engagements, à l’heure où « mourir pour des idées » semble un mythe dépassé :
MOURIR POUR LE ROJAVA
C’est une révolution sans précédent qui est en cours depuis 2012 dans le nord de la Syrie. Là-bas si j’y suis vous en parlait en juin dernier. Profitant de la guerre civile qui a suivi le soulèvement contre le régime de Bachar el-Assad en 2011, les Kurdes de Syrie, aidés par le PKK voisin, le Parti des travailleurs du Kurdistan (turc), expérimentent un système démocratique et autogestionnaire, au sein d’un territoire autonome en Syrie du nord, qu’ils nomment le « Rojava » (« Kurdistan occidental » en kurde).
Étendue en 2016 à une « Fédération démocratique de Syrie du Nord », qui englobe les territoires alentour qui ne sont pas forcément peuplés par les Kurdes, cette révolution politique se fonde sur les idées d’Abdullah Öcalan, le fondateur du PKK turc, emprisonné en Turquie depuis 1999.
Nées sous la forme d’une guérilla marxiste-léniniste visant la création d’un État-nation kurde, les idées d’Öcalan, surnommé « Apo » (l’« oncle » en kurde), ont évolué pendant sa détention, notamment grâce à sa correspondance avec le militant libertaire américain Murray Bookchin. « Confédéralisme démocratique » et « municipalisme libertaire » sont désormais les piliers d’un processus politique qui se veut communiste, écologiste et féministe, et fonde ses institutions sur des « communes » autogérées de la taille d’un pâté de maisons.
Alors que le peuple kurde est réparti dans principalement quatre pays (Turquie, Syrie, Iran, Irak), le PKK turc et son homologue syrien PYD (Parti de l’union démocratique) ont officiellement abandonné la revendication d’un Kurdistan autonome, au profit de l’établissement de communes autogérées au sein des frontières internationales actuelles.
Face aux multiples ennemis qu’affronte cette révolution – hier Daech, aujourd’hui la Turquie d’Erdoğan et demain peut-être le régime syrien lui-même –, les forces kurdes des YPG (Unités de protection du peuple) ont fait appel à des volontaires internationaux pour les aider dans cette révolution. Turcs, Américains, Australiens, Allemands, ils seraient des milliers à avoir rejoint le nord de la Syrie pour combattre et défendre la révolution en cours au Rojava. Français, ils seraient quelques dizaines à avoir pris ce chemin.
Arthur et Siyah font partie de ces Français qui ont rejoint ces bataillons internationaux. Ils viennent de revenir de Syrie, où ils ont passé plusieurs mois. Pour des raisons de sécurité, parce qu’ils ont pris les armes contre les ennemis du Rojava, ils préfèrent garder l’anonymat.
Un entretien de Daniel Mermet et Mathieu Colloghan.
Merci à Arthur et Siyah.