Le cinéaste ukrainien Oleg Sentsov, après une centaine de jours de grève de la faim dans une prison russe, « perd espoir » et « ne croit plus » en une libération, a affirmé sa cousine à l’AFP, assurant que les Occidentaux disposent des « leviers » pour le libérer.
Malgré les nombreux appels d’écrivains, acteurs ou cinéastes occidentaux en faveur de cet opposant à l’annexion de la Crimée et les propositions présentées la semaine dernière par Emmanuel Macron à Vladimir Poutine, le Kremlin garde le silence sur cette affaire, rappelant la gravité des charges de « terrorisme » lui ayant valu sa condamnation et assurant que le réalisateur doit demander une grâce pour l’obtenir.
« Oleg perd espoir », a déploré Natalia Kaplan, qui avait annoncé la semaine dernière avoir reçu une lettre du cinéaste où il disait sentir que la fin était « proche ».
« Dans sa lettre, il m’a écrit qu’il ne fallait plus lui dire qu’une libération était proche. Il n’y croit plus », a-t-elle assuré lors de cet entretien réalisé jeudi soir.
Selon Natalia Kaplan, l’état de santé de son cousin « s’est nettement détérioré » depuis qu’il a entamé sa grève de la fin le 14 mai pour exiger la libération de tous les « prisonniers politiques » ukrainiens détenus en Russie (NDC :dont notre compagnon Alexandr Koltchenko).
Mardi, cela fera 100 jours qu’il ne s’alimente plus.
« Il a un pouls très faible de 40 battements par minute. Il se plaint du coeur qui lui fait mal, de faiblesse générale et essaye de ne pas se lever souvent pour ménager ses forces », a-t-elle raconté.
Selon la militante russe des droits de l’homme Zoïa Svetova, qui a pu s’entretenir avec le cinéaste mardi dans sa prison du Grand Nord russe, il dit avoir perdu 17 kilos et être dans un « état pré-critique », mais il n’a « pas l’intention de s’arrêter ».
« Ce n’est pas un suicidaire, il veut et espère vivre. Il m’a fait penser à un malade du cancer persuadé qu’il vaincra la tumeur et qu’il vivra », a déclaré à l’AFP Mme Svetova.
Les services pénitentiaires russes ont affirmé la semaine dernière que l’état de santé du cinéaste ukrainien de 42 ans était « satisfaisant ».
« Les autorités russes affirment que tout va très bien avec lui. Mais comment tout peut être très bien si un homme est en grève de la faim depuis plus de trois mois ? » dénonce Mme Kaplan.
Opposant à l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014, Oleg Sentsov a été condamné à 20 ans de camp en 2015 pour « terrorisme » et « trafic d’armes » à l’issue d’un procès qualifié de « stalinien » par l’organisation Amnesty International.
« Des leviers existent »
Les ambassadeurs du G7 ainsi que de nombreuses personnalités du monde culturel, comme le cinéaste suisse Jean-Luc Godard ou l’acteur américain Johnny Depp, ont appelé à sa libération.
Vendredi dernier, le président français Emmanuel Macron a fait « plusieurs propositions » à Vladimir Poutine, lors d’un appel téléphonique, afin de « trouver de façon urgente une solution humanitaire ».
Mme Kaplan dit attendre des pays occidentaux qu’ils exercent des pressions sur Moscou et « trouvent des leviers pour libérer Oleg et les autres prisonniers politiques » : « De tels leviers existent, je n’en doute pas. Mais soit on les a mal cherchés jusqu’ici, soit ils ne fonctionnent pas et il faut faire en sorte qu’ils fonctionnent ».
Le cas du cinéaste pourrait également être évoqué samedi lors des discussions entre la chancelière allemande Angela Merkel et Vladimir Poutine en Allemagne.
A l’approche de cette visite, le président ukrainien Petro Porochenko s’est entretenu jeudi au téléphone avec Mme Merkel, en soulignant la « nécessité de libérer immédiatement » Oleg Sentsov.
La mère du cinéaste, Lioudmila, avait écrit fin juin à M. Poutine pour lui demander de le gracier mais le Kremlin, selon des médias russes, lui a opposé une fin de non-recevoir.
Le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a répété à plusieurs reprises qu’une grâce ne pouvait être accordée qu’à la demande du prisonnier. Oleg Sentsov s’y refuse.
« N’importe quoi », rétorque Mme Kaplan, rappelant que d’autres prisonniers ont été libérés sans l’avoir demandée dans le passé.
C’est notamment le cas de la pilote ukrainienne Nadia Savtchenko en 2016, rentrée à Kiev lors d’un échange de prisonniers.
AFP