A l’heure où l’on vient de retrouver le corps mutilé de Steve Caniço , je me remémore l’entrevue, un brin surréaliste, que j’ai eu en 2014 avec le commissaire Grégoire Chassaing . Ce dernier a officié durant quatre ans en tant que chef de la sûreté départementale à Tours.
Nommé à Nantes, il prend le poste de directeur du service de sécurité et de proximité à l’hôtel de police de Nantes.
C’est lui qui a ordonné la charge, le 21 juin dernier, à Nantes, contre un groupe de teuffeurs, qui a abouti au décès de Steve.
Il est décrié et dénoncé par certains de ses collègues pour son autoritarisme, comme le souligne Philippe Boussion, secrétaire régional SGP-FO Pays-de-la-Loire, qui condamne la charge sur les quais de la Loire comme " une faute grave de discernement, un ordre aberrant ". Ce dernier précise de plus que : « à plusieurs reprises sur la vision de la sécurité de ce commissaire, qui expose régulièrement nos collègues par ses prises de décisions et sa vision exclusivement musclée de la sécurité ". Tout un programme…
A Tours, comme à Nantes, Chassaing a voulu marqué son passage dans la ville de son empreinte, même si les conséquences en furent nettement moins dramatiques.
Ainsi, le 25 avril 2014, il me convoque dans son bureau à la suite d’une manifestation commémorant l’assassinat de Clément Méric, le 5 juin 2013, un jeune antifasciste agressé mortellement par des néo-nazis.
Il s’agissait pour le petit Grégoire de faire pression sur moi afin que les manifestations sur Tours « suivent un cours légal ».
En gros, qu’elles soient déclarées préalablement en préfecture.
Trois remarques à ce sujet :
– Les manifestations passent en centre-ville de Tours depuis mai-juin 1968. Or, depuis la construction du tramway, les autorités locales et, particulièrement le défunt maire de Tours, Jean Germain, ont combattu le fait que les cortèges pouvaient entraver ainsi la bonne marche du tramway.
– D’autre part, les manifestations non déclarées sont, à Tours, d’usage constant depuis mai 1981, année d’arrivée au pouvoir de la gauche.
– Dernière remarque, cette tentative de m’imposer un cadre réglementaire allait à l’encontre de l’avis des fonctionnaires de la DCRI qui ne voyaient pas l’intérêt de décréter un tel formalisme à Tours, ville « où tout se passait bien ».
J’ajoute enfin que, si j’ai été convoqué c’est que j’étais, à l’époque, en responsabilité au sein du syndicat SUD/SOLIDAIRES et que je suis un militant libertaire connu en tant qu’agitateur social depuis bien des années.
Après une longue conversation, très tranchée de part et d’autre, j’ai indiqué au citoyen Chassaing que je ne renoncerais jamais à l’usage établit depuis 1981 qui faisait que les manifestations pouvaient se dérouler sans déclaration préalable à Tours.
Ce dernier, après avoir tenté vainement d’imposer son autorité, fini par se rendre compte que cela ne fonctionnait pas.
Il se résolu alors, devant mon refus, à téléphoner au procureur de la république pour prendre conseil.
Après une dizaine de minutes de conversation téléphonique, le procureur en conclu qu’il fallait me faire « un rappel à la loi ». Il pensait aussi qu’il fallait envisager une entrevue avec le préfet sur « le problème de l’organisation des manifestations à Tours ».
Sur le premier point, Grégoire Chassaing eu toutes les peines a rédigé le document dont il n’avait jamais fait usage. Sans doute, le fashball lui était plus familier mais pour celui qui fut attaché de sécurité intérieure en Égypte, puis au Cambodge, entre 2005 et 2011, cela fait désordre… d’autant plus, qu’au final, je refusais de signer ce document. Chassaing, de dépit, le classa alors dans ses dossiers.
Sur le second point, il n’y eut jamais d’entrevue. Grégoire prenait-il ses désirs pour des réalités ?
Ce coup de pression sur le droit de manifester à Tours est à mettre en parallèle avec ce que l’on reproche au mouvement des gilets jaunes actuel : un reproche identique appuyé par des commentaires lénifiants de « spécialistes » des questions sociales peu au fait des usages dans certaines grandes villes.
En conclusion, le manque d’écoute de Grégoire Chassaing vis-à-vis de ses collègues de la DRCI 37 fait écho aux reproches du syndicaliste Nantais du SGP-FO.
Il semble que le commissaire divisionnaire Chassaing soit prêt à tout pour tracer sa route, quitte à provoquer de sérieux dégâts…
ES