Extrait du bulletin d’information n°7 du groupe de travail" Ripostes syndicales face à l’extrême-droite " de l’union syndicale Solidaires, qui passe en revue différentes initiatives de syndicats d’extrême-droite dans la police.
Plusieurs constats incitent à s’intéresser au syndicalisme d’extrême droite dans la police.
Le premier, c’est que même si elle n’est pas nouvelle, la présence de l’extrême droite dans la police est une réalité qui a été révélée récemment par trois indices. D’abord la quantification du vote policier lors des élections politiques nationales. Les enquêtes Sciences Po/Cevipof suivent le phénomène de l’implantation du FN dans la fonction publique et particulièrement dans la police. A l’occasion du premier tour des présidentielles de 2017, le vote FN est de 54 % ; pour le premier tour des législatives de la même année il est de 43 % et enfin il est de 52 % pour le RN lors des européennes de 2019. Cependant cette enquête porte sur 3368 fonctionnaires d’État et seulement 60 policiers et l’auteur indique qu’il faut la relativiser au vu de la faiblesse de l’échantillon.
Le second indice, c’est la floraison d’éléments issus des réseaux sociaux. Que ce soit la découverte de groupes Facebook de policiers dans lesquels la parole d’extrême droite se libère allégrement ou les photos d’insignes sur les uniformes et de tatouages à la gloire du IIIème Reich et autres.
Le troisième, c’est qu’il est fréquent dans les réseaux militants d’entendre dire que le syndicat Alliance (affilié à la CFE/CGC) est un syndicat d’extrême droite. C’est méconnaître le syndicalisme policier et cette idée est à déconstruire. Alliance est un syndicat de droite et même de droite extrême, qui a d’ailleurs appelé à ne pas voter pour Marine Le Pen au second tour des présidentielles de 2017 (au grand dam de certains délégués...). Mais il existe des syndicats d’extrême droite dans la police.
La Fédération Professionnelle Indépendante de la Police (F.P.I.P.)
Le plus ancien des syndicats de police classés à l’extrême-droite n’est autre que la Fédération Professionnelle Indépendante de la Police (FPIP).
Sa création remonte à 1973 [1] , d’une scission du très droitier Syndicat Indépendant de la Police Nationale (SIPN) qui a depuis formé le 9 mai 1995 la colonne vertébrale du syndicat Alliance Police Nationale (CFE/CGC).
La FPIP se présente comme un syndicat de policiers indépendant, hors de toute confédération, très marqué à droite. C’est, au début des années 80, la structure où se croisent tous les policiers plus ou moins impliqués dans la nébuleuse des groupuscules d’extrême droite.
Son fait d’armes le plus prestigieux est sans aucun doute l’organisation de la manifestation du 3 juin 1983. Ce jour-là se tiennent les obsèques de deux policiers tués (un troisième est blessé) par des membres d’Action Directe avenue Trudaine (9ème arrondissement de Paris). Après la cérémonie dans la cour de la Préfecture de Police en présence du ministre de l’Intérieur Gaston Deferre, l’ambiance est lourde et les policiers sont en colère, en colère contre la gauche et son ministre de la justice Robert Badinter, le symbole selon eux du laxisme. Une première manifestation se déroule dans le calme. Mais dans l’après-midi, à l’appel de la FPIP (en présence de Jean-Marie Le Pen), 2500 policiers se rendent dans le silence avenue Trudaine puis se déchaînent en approchant du ministère de la Justice. Une délégation est reçue par le directeur de cabinet de Robert Badinter. Une vingtaine de minutes plus tard, ils en ressortent, en tête Didier Gandossi, le secrétaire général de la FPIP : "La FPIP constate avec une douloureuse colère que la vie des policiers, chargés de la tranquillité publique, est moins bien défendue que la vie des assassins récidivistes et que celle de ceux qui se proclament les ennemis de la société". Pour l’État, cette manifestation non déclarée et la présence de policiers avec leurs armes de service est gravissime. Certains ministres parlent de "sédition". Le directeur général de la Police est renvoyé, les occupants de la Place Beauvau, Gaston Defferre et son secrétaire d’État Joseph Franceschi, ne s’en sont jamais remis politiquement et les deux principaux dirigeants de la FPIP, Jacques Gaussens et Didier Gandossi, sont révoqués de la police (ils seront bien vite réintégrés).
Après ce premier haut fait, la FPIP devient le vecteur des idées du Front national dans la police. Son bulletin Police et Sécurité est parrainé, en 1987 par un comité de soutien qui comprend alors Pierre Descaves, député FN, Roland Gaucher, directeur de National Hebdo, Jean-Claude Goudeau, directeur général de Minute, Roger Holleindre, député FN, Martine Lehideux, députée européenne FN, Pierre Pujo, directeur d’Aspects de la France (publication d’Action Française) et François Romerio, président de l’association Légitime Défense. Non contents de répandre l’idéologie sécuritaire au sein de la police, de réclamer le retour de la peine de mort, Police et Sécurité publie des articles « historiques » consacrés à l’épuration, d’autres remettant en cause la « démocratie ploutocratique ».
Il y a aussi la participation de membres à des attentats à la fin des années 1980. Plusieurs syndiqués et cadres dont le secrétaire général de l’époque Serge Lecanu sont révoqués, poursuivis, et condamnés, pour « association de malfaiteurs », après avoir inspiré et/ou planifié au moins deux attentats avec le Parti nationaliste français et européen (PNFE) [2].
Le 26 février 1992, seize policiers parmi lesquels quatre dirigeants de la FPIP, dont Philippe Bitault (président adjoint), étaient révoqués pour manifestation interdite (dépôt de gerbe le 17 juin 1991 à la mémoire de Marie-Christine Baillet, policière ayant trouvé la mort à Mantes-la-Jolie). Ils ont par la suite été réintégrés, le Conseil d’État estimant une disproportion des sanctions en regard des faits.
Une des grandes revendications de la FPIP, outre la création d’une quatrième fonction publique de la sécurité regroupant tous les acteurs de la Sécurité Publique en France (police nationale, sapeurs-pompiers, administration pénitentiaire, douanes, etc.) a été la modification du cadre de la légitime défense pour les policiers afin de permettre la facilitation de l’engagement du tir. La plupart de ses interventions sont focalisées sur la lutte à tout prix contre la délinquance et le laxisme de la justice « Pour la Fédération professionnelle indépendante de la police (FPIP), l’éradication de la délinquance nécessite l’usage de la force, et donc le risque de dommages collatéraux. En France, nous ne sommes pas prêts à accepter que, lors d’une intervention musclée pour rétablir l’ordre, l’on prenne le risque d’un blessé grave, voire d’un décès dans le « camp des délinquants » et encore « Une justice qui pratique de manière permanente le deux poids deux mesures entre les bons citoyens et la racaille. »
Malgré les fréquents démentis, les liens de la FPIP avec l’extrême droite sont patents. Avec le PNFE, mais aussi avec l’Œuvre française. Pierre Sidos déclarait « qu’à une époque, nous avions la moitié des membres du bureau exécutif » de la FPIP [3].
Plus récemment, trois policiers en poste à Amiens sont mis en examen pour avoir tenu des propos antisémites, dans la nuit du 1er au 2 février 2016, alors qu’ils se trouvaient après leur service dans un bar de la ville. L’un d’eux est le brigadier-chef Christophe Lengelé, qui en plus d’être militant de la FPIP était en 2002 candidat suppléant aux législatives sous l’étiquette FN dans la sixième circonscription de la Somme. Sa sœur portait les couleurs du parti dans le Rhône. Son épouse est actuellement conseillère régionale FN de Picardie. À Amiens même, il ne faisait pas mystère de ses idées, puisqu’il était encore candidat aux élections au comité central du FN, en novembre 2007.
Depuis janvier 2016, David Portes est le secrétaire général fédéral.
Le Syndicat professionnel des policiers de France (S.P.P.F.)
En 1984, un autre syndicat d’extrême droite apparaît dans la police, le Syndicat professionnel des policiers de France (SPPF), créé d’ailleurs par Gérard Pain, un ancien membre de la FPIP de 1971 à 1982, lequel, après un détour d’un an par la CFTC, crée cette structure « au nom d’un syndicalisme policier apolitique et véritablement professionnel », et afin de prendre en main les intérêts des « policiers écœurés ».
Le 16 novembre 1988, un brigadier de police au commissariat du 20ème arrondissement de Paris, Patrick Determan, membre du SPPF, est révoqué pour « diffusion de tracts à caractère raciste ». Cette affaire de distribution de tracts racistes dans un commissariat sera à l’origine d’une circulaire du Préfet de Police Pierre Verbrugghe mettant en garde très fermement les policiers contre le racisme.
Le SPPF n’a jamais réussi à s’imposer dans l’univers du syndicalisme policier. Aux élections professionnelles de décembre 1995, il était crédité d’un possible résultat d’environ 0,4 % sur l’ensemble du territoire national, mais est dans l’impossibilité de se présenter aux scrutins en raison d’un défaut de représentativité et appelle au boycottage du premier tour. Après l’interdiction du Front National-Police le 10 mars 1997, il accueille une partie des adhérents et des dirigeants du FN- Police, alors que d’autres s’orientaient vers la FPIP ou la CFTC.
C’est à cette occasion que Fréderic Jamet (un de ses dirigeants et rédacteur en chef du journal du FN-Police « Le policier français ») rejoint ses rangs, jusqu’à devenir secrétaire général d’une organisation dont le président est un brigadier-chef de Marseille, René Vollmer. Frédéric Jamet est lieutenant à l’OCTRIS, après un passage aux Renseignements Généraux.
Frédéric Jamet pourfend à longueur de communiqués et de tracts la « dissolution de l’ordre moral ». En février 1996, par exemple, il s’adressait aux policiers de France pour dénoncer la « loi et la morale bafouées ». « Haro sur le flic, mort au flic ! crie une jeunesse cosmopolite, dépravée, abrutie de stupéfiants et de sous-culture nord-américaine, nous ne voulons plus être les pigeons d’un système pourri, ou pour rester dans la volaille, les dindons d’une farce tragique. Nous voulons être respectés par les braves gens et craints par les malfrats », écrit-il aussi.
« Catastrophe » en février 1998, huit personnes, dont trois policiers, sont placées en garde à vue dans le cadre d’une affaire d’association de malfaiteurs. Parmi les trois policiers figurent le lieutenant Fréderic Jamet et le capitaine Patrick Guillermic, affecté au Service Départemental de Police Judiciaire (SDPJ) des Hauts-de-Seine et membre du bureau national du syndicat.
A l’origine de toute l’affaire se trouve un renseignement en provenance d’Italie, transmis par les policiers transalpins à leurs collègues de l’Octris, relatif à un groupe de franco-italiens soupçonné d’entretenir des liens étroits avec la mafia calabraise, la N’Drangheta, et un français repéré comme un policier après un contrôle d’identité effectué à Florence. Au fil d’un travail qui dure plusieurs semaines, les enquêteurs de l’Octris s’aperçoivent que leurs suspects semblent se livrer à des repérages en vue d’effectuer des hold-up. Apparemment, il ne s’agit pas d’une affaire de stupéfiants, comme il en avait d’abord été question. Les enquêteurs identifient leur collègue et cela rend l’enquête encore plus délicate : ses propres collègues doivent le surveiller sans qu’il s’en rende compte.
L’enquête permet de mettre en cause les franco-italiens et leurs complices policiers dans un hold-up commis chez l’importateur de caviar Petrossian. Au cours des perquisitions, la police découvrira des armes de poing, un fusil à pompe, et 150 000 francs en espèces et également au domicile de Frédéric Jamet, un chèque de 1 050 000 deutschemarks (environ 3,5 millions de francs), émanant d’une banque croate que le groupe essayait de faire encaisser en une tentative d’escroquerie.
Dommage, car Frédéric Jamet [4] devait être colistier de Jean-Yves Le Gallou sur la liste des Hauts de Seine aux élections régionales du 15 mars 1998 ! Cette histoire sonne le glas du SPPF.
Le Front National - Police
Au milieu des années 1990, Bruno Gollnisch, alors secrétaire général du Front national, souligne la nécessité de constituer « un Front social sur le front du travail ». L’opération visant à lancer des syndicats FN est confiée au délégué général-adjoint Philippe Olivier.
Le premier à voir le jour est le Front national - Police (FNP), et son « antenne parisienne » Solidarité - Police, le 6 novembre 1995 juste avant les élections professionnelles des 12 et 15 décembre 1995. Il est pleinement reconnu par le ministère de l’intérieur de Jean-Louis Debré. Il est présidé par Jean-Paul Laurendeau [5], conseiller municipal FN de Brunoy (Essonne) de 1989 à 1995.
Commentant ces élections, le journal l’Humanité daté du 18 décembre 1995 titrera « Les syndicats d’extrême droite progressent chez les policiers ». En effet l’extrême droite effectue, pour la première fois, une réelle percée aux élections professionnelles chez les policiers en tenue avec quelque 13% des voix [6]. Le Front national de la police obtient un score de 7,53%, (ce résultat lui permettant d’obtenir un siège à l’instance paritaire de la police nationale) et l’autre syndicat d’extrême droite, la Fédération professionnelle indépendante de la police (FPIP) recueille 5,86%. Ces deux syndicats enregistrent des scores spectaculaires dans les régions Provence-Alpes-Côte d’Azur, Picardie, Haute-Normandie et Lorraine.
Le 10 avril 1998 le syndicat est invalidé par la Cour de Cassation [7] à la suite de requêtes des autres syndicats policiers [8]. Le tribunal lui reproche son objectif de diffuser l’idéologie d’un parti politique et le fait que son président doit statutairement être informé de l’appartenance politique de ses adhérents.
Avant cette invalidation, les membres et cadres du FN-Police partiront vers la FPIP, le SPPF ou la CFTC où grâce au paravent « France Police » ils pratiqueront l’entrisme.
Le Syndicat France Police – Policiers en colère
En mars 1997 « France Police » est fondé à Paris sous statut associatif (probablement en prévision de l’invalidation du FN- Police [9]). Les policiers frontistes se sont construit une nouvelle façade avec un joli logo - un casque de Gaulois sous un soleil, encadré de feuilles de chêne. Devenu syndicat il adhère le 17 octobre 1997 à l’Union française du travail (UFT), une scission de 1975 du syndicat jaune Confédération Française du Travail.
A la mi-1997, avec la bénédiction de son secrétaire général, Antoine Alessandrini, le minuscule syndicat CFTC-Police qui culmine à 0,7 % récupère onze responsables du FN-Police et entend bien présenter une liste musclée aux élections professionnelles de début 1998. Ainsi sont désignés :
Eric Samyn comme délégué syndical à Sedan qui était encore il y a un mois secrétaire national de l’association Solidarité-Police (la représentation parisienne du FN-Police) ;
Claude Choplin, délégué syndical au Mans et ancien délégué de Solidarité-Police ;
Franck Soulfour, délégué syndical à Clermont-Ferrand. Il est à la fois délégué CFTC-Police et France-Police, qui déclare « un monde où la seule présence d’un policier est déjà considérée comme une provocation, où on nous demande d’évacuer des manifestants et preneurs d’otage en douceur », et bien évidement Jean-Paul Laurendeau, ex-président du FN-Police.
Alessandrini est convoqué à la direction de la CFTC le 2 octobre et on le somme de faire le ménage : « Pas question de prendre des personnes ayant appartenu notoirement au FN-Police dissous ou c’est toi qui va être dissous » lui dit-on. Il obtempère et démissionne ses onze délégués.
Au début des années 2000, le syndicat CFTC de la Police nationale est dirigé par Michel Thooris [10] et Jean-Christophe Carme qui le renomme en mars 2005 « Action Police CFTC [11] ». Il obtient 1,4 %, soit 1084 voix, aux élections professionnelles de novembre 2006 au sein de la Police nationale chez les gradés et gardiens de la paix. Il est arrivé en 3e position dans le corps des officiers de police.
Lors des émeutes en banlieue de 2005, Action Police CFTC appelle à l’intervention de l’armée dans les banlieues. Sur sa page Facebook, Michel Thooris écrit que « C’est l’Intifada contre la police dans les quartiers et aucune politique propre à enrayer ce phénomène n’est mise en place ». C’est par son intermédiaire, car il est proche de l’extrême droite israélienne, que le syndicat se rapproche des associations comme la LDJ et le Betar. Il déclare ainsi : « Mon organisation syndicale, Action Police CFTC, et moi-même pensons qu’il y a véritablement une guerre qui a été déclenchée par l’islam radical contre l’occident judéo-chrétien, dont les premières victimes sont les français autochtones et la communauté juive (composée de français à part entière). »
Le syndicat multiplie les outrances : il fait campagne contre les salles de prières dans les écoles de police. Dans un communiqué publié le 5 juin 2006, Michel Thooris déclare ne considérer en aucune façon la Ligue de défense juive et le Bétar comme sources de troubles à l’ordre public, précisant que « ces associations accomplissent une mission de service public en défendant les personnes et les biens ». La CFTC entame alors une procédure de destitution de ses dirigeants, met le syndicat sous tutelle en le rattachant à la Fédération des fonctionnaireset des agents de l’État (FAÉ). Ce conflit sera porté en justice jusqu’à la Cour de Cassation.
La CFTC nomme de nouveaux responsables : président Frédéric Vidal (il est également le président de la fédération du Centre National des Indépendants et Paysans du Pas-de-Calais), secrétaire général Frédéric Chochois, secrétaire général adjoint Georges Le Garrec (ancien secrétaire national de la F.P.I.P.). En 2007, Michel Thooris et ses proches quittent la CFTC et rejoignent France Police. Il en devient le secrétaire général en 2009. En octobre 2009, France Police se renforce grâce à l’arrivée du Syndicat autonome des policiers de France (SAPF) [12] qui était membre de la Confédération autonome du travail. Le syndicat ne peut se présenter aux élections professionnelles de 2010, l’administration ne le considérant pas représentatif.
Lors d’une interview à Nation Press Info le 6 novembre 2014, à la question posée de savoir s’il se considérait comme progressiste, Michel Thooris répond : « Progressiste ? Qui peut être contre le progrès ? Sauf que derrière le mot progressiste, il n’y a point de progrès mais l’accompagnement de la politique social-démocrate imposée par l’Union européenne et relayée par l’UMPS sur le plan politique et par les confédérations sur le plan syndical. Alors non, nous ne sommes pas progressistes ».
Après le mouvement des policiers en 2016 et la création des « collectifs » comme « Mouvement des Policiers en Colère » (M.P.C.), le syndicat France Police accole par opportunisme « Policiers en colère » à son nom.
Lors du mouvement des Gilets Jaunes, le syndicat a pris fait et cause pour ce nouveau mouvement (les Gilets Jaunes le lui ont bien rendu d’ailleurs en diffusant largement les textes du syndicat et les propos de Michel Thooris).
L’équipe dirigeante du syndicat est très marquée à l’extrême- droite : Damien Monchau, élu au conseil national du RN et ancien candidat (battu) du FN aux législatives de 2017 et aux municipales partielles de 2015 à Vénissieux, Marc Taïr, membre du comité de soutien de Marine Le Pen pour la présidentielle de 2012, Smaïl Khaldi, de la très droitière Union des patriotes français juifs que préside également Michel Thooris, et l’historique Jean-Paul Laurendeau, membre fondateur honoraire de France Police et fondateur et président du FN-Police.
Revenons à la CFTC
La CFTC a, comme nous l’avons vu, toujours servi de refuge à l’extrême droite policière. En 2011, le syndicat de policiers de la CFTC a été contacté par la F.P.I.P. en vue de conclure une « convention d’association ». Cette association devait permettre, à l’issue d’une période probatoire de trois ans maximum, de concourir aux élections sous une même bannière sans que les adhérents de la FPIP soient membres de la CFTC. Aux élections professionnelles de 2014, la FPIP sous ses seules couleurs a obtenu 3,35 %, ce qui ne lui a pas permis d’être représentative, tandis que la CFTC-Police n’a recueilli que 1,06 %. En janvier 2016, la FPIP a signé une « convention d’association » avec la Fédération des fonctionnaires et des agents de l’Etat (FAÉ), une étape pouvant être suivie d’une affiliation en bonne et due forme de cette organisation à la confédération. En avril 2016, David Portes, le secrétaire général de la FPIP, expliquait que la CFTC était « la confédération la plus proche de [leurs] idées » et qu’elle l’avait accueillie « à bras ouverts ». Il réfutait en même temps sa proximité avec le FN, « une image entretenue par les autres organisations syndicales ».
Mais le 1er juin 2016, la FPIP diffusait un tract, avec le sigle CFTC, sur sa réception à l’Assemblée nationale par Marion Maréchal-Le Pen, alors députée FN du Vaucluse. Orné d’une photo de David Portes aux côtés de Marion Maréchal-Le Pen, ce tract soulignait : « Madame la députée a été à l’écoute de toutes nos revendications. Nous lui avons fait part de notre inquiétude sur les faits de violences que subissent les forces de l’ordre. Madame la députée a pris conscience que la police nationale est en mode survie. Nous la remercions de toutes ses interventions à l’Assemblée nationale en faveur de la défense des forces de l’ordre. »
Fin février 2017, un conseil confédéral dénonçait la convention d’association, le trésorier confédéral déclarant « ne pas continuer cette collaboration... On ne peut pas accepter qu’une organisation soit affiliée si elle défend des valeurs contraires aux nôtres ».
Le 1er janvier 2018, le syndicat CFTC-Police prend le nom de « Impact police CFTC » dont voici un florilège récent : « Le véritable problème, c’est le manque de moyens alloués à la Justice ! Qui faute d’argent, de prisons surchargées, de peines trop légères, etc. rend le travail de la police inexistant. Enfreindre la loi ne fait plus peur... » (28 janvier 2020 page Facebook), « Le plaquage ventral encore à la une des journaux ! Impact Police espère que l’administration ne se laissera pas prendre sous la pression médiatique ! Le plaquage ventral constitue malheureusement la seule et unique technique d’interpellation efficace face un individu récalcitrant » (9 janvier 2020 page Facebook, lors du décès de Cédric Chouviat à l’occasion d’une interpellation par la police), « Fraisse : Non-lieu pour le Gendarme qui à lancé la Grenade ! Impact Police se félicite de cette bonne nouvelle » (9 janvier 2020 page Facebook).
Et avec un air de déjà vu, le 10 avril 2019, un congrès extraordinaire d’Impact police – CFTC permet une fusion avec... la F.P.I.P. ! Le secrétaire général fédéral de la F.P.I.P., David Portes, devient président d’Impact Police – CFTC et déclare sur le tract qui annonce l’événement « Impact Police hérite de l’ADN FPIP et de ses méthodes de travail ».
Le 16 juillet, le compte Facebook d’Impact Police-CFTC poste le message suivant : « Impact Police CFTC remercie sincèrement sa confédération CFTC et surtout Monsieur HEITZ E . Reçu en début juillet à la demande du secrétaire général de la confédération, le syndicat est placé sous tutelle. Cette tutelle aura pour seul but de mettre en place un nouveau congrès et une nouvelle équipe dirigeante forte statutairement, avec tout le soutien juridique de la confédération. Si vous souhaitez faire partie de cette nouvelle équipe, (certaines conditions statutaires sont obligatoires), vous pouvez nous contacter, on vous répondra avec plaisir. Rassurez-vous, nous continuons à vous défendre et à vous représenter. »
Le cas de la confédération CFE/CGC
Il apparaît que les policiers votant à l’extrême droite lors des différents scrutins institutionnels ne portent pas leurs suffrages sur les listes des syndicats d’extrême droite policiers. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce phénomène : le choix d’un syndicat « majoritaire » siégeant déjà dans les instances administratives paritaires, le mépris pour le syndicalisme par les personnes se réclamant de cette idéologie...
On peut penser que ces personnes ont trouvé refuge dans les syndicats policiers classés à droite à l’image de ceux affiliés à la confédération CFE/CGC : Alliance Police Nationale pour les gardiens et gradés, Synergie Officiers pour les officiers et le Syndicat Indépendant des Commissaires de Police (SICP) pour les commissaires (on ne parle ici que des syndicats des personnels dits « actifs » sachant qu’au sein de la CFE/CGC se trouvent également des syndicats pour les personnels administratifs, techniques, scientifiques). Alliance Police Nationale est le résultat de la fusion de deux organisations syndicales, le 9 mai 1995 : le Syndicat Indépendant de la Police Nationale (SIPN), représentant les gardiens de la paix et le Syndicat national des enquêteurs (SNE), représentant les enquêteurs de police. En juin 1997, le Syndicat des gradés de la Police nationale (SGPN) rejoint Alliance Police Nationale et l’union de ces trois organisations est définitivement scellée au cours d’un congrès de fusion qui se déroule en janvier 1998. À la suite de ce congrès, Alliance Police nationale obtient son affiliation à la CFE-CGC. Synergie Officiers et le SICP sont issus à l’origine de scissions franciliennes et jeunistes des organisations majoritaires dans leurs corps.
Bien que marqué à droite (par exemple l’ex-secrétaire général Bruno Beschizza, membre des Républicains, tendance Sarkozy, est entré en politique en 2010 : maire d’Aulnay-sous-Bois, conseiller départemental et conseiller régional) les syndicats du pôle CFE/CGC ont encore durci leurs discours. Les revendications du syndicat donnent à penser une certaine vision de la société, plus autoritaire et plus répressive : allongement de la durée initiale de garde à vue, simplification des règles de perquisitions de nuit, élargissement du droit du port d’arme des policiers à tous les lieux recevant du public, retour des peines planchers... En août 2019, un communiqué de presse rédigé par l’antenne départementale de l’Hérault écrit dans un style incendiaire pour dénoncer « les insultes et les propos scandaleux dignes de barbares » adressés par des manifestantsà l’encontre des forces de l’ordre et pointe qu’une « grosse partie des manifestants » s’étaient comportés « comme des sous-êtres humains ».
Et que dire du meeting organisé par le syndicat en mai 2016 contre « la haine anti-flics » où s’étaient retrouvé.es, pour de nombreux selfies, les député.es frontistes Marion Maréchal-Le Pen et Gilbert Collard.
Synergie Officiers est sur la même ligne maximaliste. A l’occasion d’un tweet publié lors de la manifestation contre les violences policières du 2 juin 2020, il dénonce « le business des pseudos #ViolencesPolicieres », et poste une photo du dirigeant d’Al-Qaïda au Maghreb islamique annoncé mort, l’accompagnant de ce message : « Journée de deuil pour nombre de participants de la manifestation du 10 novembre 2019 [13] (à deux pas de Charlie Hebdo) pour partie recyclés dans le business des pseudos #ViolencesPolicieres et qui pratiquent le #racisme décomplexé quand il s’agit de #policiers ». Ils font peu de cas des élus parlant dans un tract du 14 février 2019 « Des clowns du parlement européen (qui) condamnent l’usage du LBD », et continuant, « On connaissait l’inutilité du parlement européen et les avantages grassouillets qu’il procure à ses membres (indemnités délirantes, émargements furtifs, emplois fictifs ...) et l’absence de courage qui les caractérise en général sur les menaces qui pèsent sur la sécurité des peuples européens (terrorisme, crise migratoire, PNR...) ». Un tract sur les manifestations de Gilets Jaunes ? « Des policiers en voiture poursuivis par des essaims de cloportes (zadistes, antifas, no border...) certains de leur impunité dans un état impotent... ».
La CFE/CGC héberge de bien curieuses personnes...
Ce panorama ne serait pas complet sans évoquer les différents collectifs qui ont vu le jour à la suite de l’agression de policiers, le 8 octobre 2016, à Viry-Châtillon (91). Ces collectifs et associations se disent « indépendants » et prétendent représenter les « policiers de la base », le tout sur un violent discours anti-syndical. Il y a tout d’abord « Mobilisation des Policiers en Colère » (M.P.C.) qui ont des antennes départementales et l’Union des Policiers Nationaux Indépendants (UPNI), une fédération qui regroupe les « Collectif Libre et Indépendant de la Police » (CLIP) et le Collectif Autonome des Polices Île de France (CAP-IDF) [14] qui publie sur son compte Facebook en octobre 2018 la photographie et l’adresse d’un « black bloc » au visage en sang : « Nous, nous considérons [qu’il est] une vermine au même titre que bien d’autres ».