Demain Le Grand Soir
NI DIEU, NI MAITRE, NI CHARLIE !

Le Site de Demain le Grand Soir est issu de l’émission hebdomadaire sur "Radio Béton", qui fut par le passé d’informations et de débats libertaires. L’émission s’étant désormais autonomisée (inféodé à un attelage populiste UCL37 (tendance beaufs-misogynes-virilistes-alcooliques)/gilets jaunes/sociaux-démocrates ) et, malgré la demande des anciens adhérent-es de l’association, a conservé et usurpé le nom DLGS. Heureusement, le site continue son chemin libertaire...

Le site a été attaqué et détruit par des pirates les 29 et 30 septembre 2014 au lendemain de la publication de l’avis de dissolution du groupe fasciste "Vox Populi".

Il renaît ce mardi 27 octobre 2014 de ses cendres.

" En devenant anarchistes, nous déclarons la guerre à tout ce flot de tromperie, de ruse, d’exploitation, de dépravation, de vice, d’inégalité en un mot - qu’elles ont déversé dans les coeurs de nous tous. Nous déclarons la guerre à leur manière d’agir, à leur manière de penser. Le gouverné, le trompé, l’exploité, et ainsi de suite, blessent avant tout nos sentiments d’égalité.
(....)Une fois que tu auras vu une iniquité et que tu l’auras comprise - une iniquité dans la vie, un mensonge dans la science, ou une souffrance imposée par un autre -, révolte-toi contre l’iniquité, contre le mensonge et l’injustice. Lutte ! La lutte c’est la vie d’autant plus intense que la lutte sera plus vive. Et alors tu auras vécu, et pour quelques heures de cette vie tu ne donneras pas des années de végétation dans la pourriture du marais. "

Piotr Kropotkine -

« Ces morts demandent justice ! »
Article mis en ligne le 15 septembre 2021
dernière modification le 27 août 2021

par siksatnam

« Il faut écouter ces morts qui ont la bouche ouverte et demandent justice. » Martin Arnal s’est retrouvé la semaine dernière devant le squelette de son frère après plus de quatre-vingts ans de séparation. La photo, publiée sur les réseaux sociaux, a réveillé des consciences. Un homme de 97 ans, portant béret et appuyé sur sa canne, regarde tristement une fosse commune récemment exhumée. A l’intérieur, les restes de cinq hommes abattus par le régime franquiste. Mais lorsque la fosse sera complètement mise au jour, il y en aura beaucoup plus. Tous ont été abattus d’une balle dans la tête. L’un des corps est celui de Román. Un jeune homme de 24 ans tué en juillet 1936. Son crime a été d’avoir participé aux collectivisations agraires impulsées par la CNT à Angüés.

Martin Arnal est un combattant pour la cause de la mémoire historique. Après la défaite lors de la guerre civile, il s’est exilé en France. Et depuis lors, avec ses livres et ses conférences publiques, il s’est efforcé de redonner une dignité aux morts. « Les fosses communes ont été oubliées, nous n’avons pas obtenu justice », se lamente-t-il.

Avec les travaux dans le cimetière des Martyrs, près de Huesca, les vieux souvenirs sont revenus. « J’ai vécu une très mauvaise semaine », admet-il. Il est surpris par la répercussion qu’a connue la photo, mais heureux du sentiment de travail accompli. « Ce sont des choses tellement graves qu’il faut les prendre calmement », dit-il.

Le cimetière s’est rempli de cadavres, beaucoup d’entre eux étant des habitants d’Angüés, avec la répression qui a touché les membres des collectivités qui, dans de nombreuses régions d’Aragon, ont été mises en mouvement dans les mois précédant l’explosion civile. En fait, dans la fosse découverte à Huesca, il reste de nombreux vestiges d’une fouille à venir. Mais c’est quelque chose qui coûte de l’argent et la volonté des administrations publiques est toujours douteuse. « En l’Espagne, après tant de vols, c’est la ruine, mais il est nécessaire de penser à ce qui s’est passé », affirme Arnal. Pour l’instant, les corps de Fabián Alsina Soliva et Ramón Bonet Buil, tous deux du village, ont également été identifiés.

Militant de la CNT

Roman, né à Angüés le 9 août 1912, était un militant actif de la CNT et fondateur du groupe Bakounine de la FAI dans cette localité. Selon l’Association pour la récupération et l’investigation contre l’oubli (Arico), il fut l’un des vingt-trois habitants du village arrêtés par la Guardia Civil et transférés à la prison provinciale de Huesca le 24 juillet 1936, une semaine après le coup d’Etat.

Martin explique que son frère aîné, José, a également disparu en même temps à cause de ses activités anarcho-syndicalistes. Il avait 26 ans. Martin se souvient seulement qu’il fut sorti de chez lui les mains liées avec du fil électrique, et emmené dans l’un des fourgons remplis de prisonniers, conduits par « des phalangistes et des requetés* avec l’aide des caciques du village ». Il suppose qu’il est passé par plusieurs prisons avant d’être abattu, mais sa trace a été perdue avec l’agrandissement d’un autre cimetière à Huesca. « Il n’y avait pas de justice, il n’y avait rien », affirme-t-il.

Il espère qu’avec l’impact qu’a eu cette photographie le regard sur la guerre civile et le camp des vaincus changera. « Mon père transmet peu de choses, mais il a toujours eu cette grande volonté de lutter contre l’oubli », dit sa fille Juana.

Les mouvements mémoriels ont découvert d’autres parcelles d’oubli. Fin septembre 2018, une autre campagne a été menée, mais cette fois promue par le Cercle républicain Manolin-Abad. Les fouilles ont commencé avec l’idée de n’exhumer que les restes d’un homme exécuté, du nom de Constantino Campo, et de l’autre corps qui se trouvait dans la même sépulture. Mais au cours des travaux deux autres corps sont apparus, qu’il faudra maintenant identifier. Pour ce faire, on a fait appel à la collaboration de parents et d’habitants du village.

Pour sa part, l’Association pour la mémoire historique Batallón Cinco Villas travaille dans le cimetière de Rivas, près d’Ejea de los Caballeros. Dans les fosses communes se trouvent les corps d’habitants de Uncastillo, Luesia, Bienne, Tauste et Ainzón. Les exécutions ont eu lieu, selon les mémorialistes, dans un court laps de temps, entre le 24 septembre et le 23 octobre 1936. Le nombre des victimes est estimé à une cinquantaine. « Ces gens ne peuvent pas continuer à demeurer dans ces fosses », disent-ils.

Pour l’instant Martin garde espoir tout en regardant avec tristesse comment les tombes, peu à peu, laissent voir ce qui a été caché pendant tant d’années.

* Les requetés était un corps de volontaires carlistes luttant au sein du camp franquiste.