Les « jardins à défendre » d’Aubervilliers, menacés de bétonisation, sont désormais expulsables à tout moment.
Le collectif qui défend l’existence des jardins ouvriers d’Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis, appelle à venir « nuit et jour sur les jardins » pour éviter leur destruction par la société Grand Paris aménagement.
Les occupants qui protègent les jardins ouvriers d’Aubervilliers de la bétonisation sont désormais expulsables à tout moment, « au besoin avec l’assistance de la force publique ». C’est ce qu’a ordonné le tribunal de proximité d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), le 25 mai, suite à la demande déposée par la société Grand Paris aménagement, en charge des projets d’infrastructures notamment liées au Jeux olympiques de 2024.
L’établissement public Grand Paris aménagement (GPA) avait mis fin, le 30 avril, à la convention d’occupation temporaire reconduite depuis 1974 avec l’association gérant les jardins ouvriers. Faisant constater par huissier début mai que les parcelles concernées étaient encore occupées, GPA avait attaqué l’association des Jardins des vertus. Son objectif : récupérer des parcelles cultivées pour édifier un centre aquatique et un solarium. Une partie des jardiniers amateurs et des habitants, soutenus par des militants écologistes, s’opposent à ce projet qui détruira partiellement un vaste espace vert dans une zone déjà très urbanisée. « Ils vont creuser à ciel ouvert. Tout va être démoli. Je ne sais pas ce qu’on va faire. Si on nous enlève les jardins, on nous enlève le cœur en même temps », témoignait Lofti, l’un des jardiniers, dans basta !
Les jardins ouvriers sont ainsi devenus des « JAD », « jardins à défendre », et une occupation a débuté. Un mur de paille a été érigé, ainsi que des cabanes, une cuisine collective ou des toilettes sèches. Des espaces de « non mixité choisie » ont même été instaurés, pour que chacun.e puisse se sentir à l’aise et en sécurité. Le jardinage a repris et les visites des écoles du quartier, des ateliers d’initiation au jardinage et les promenades des familles des cités voisines se poursuivent, malgré les pelleteuses qui se rapprochent. Celles-ci ont investi le 10 juin le parking situé entre les jardins et le théâtre équestre Zingaro - Bartabas. Un engin spécialisé dans l’abattage d’arbres a commencé son triste office le long du parking.
« Les arbres et les hérissons, c’est quantité négligeable... »
« Il y a énormément d’hérissons dans le coin, qui est une espèce protégée. Il y en avait un à côté de l’arbre qui allait être abattu », raconte Dolorès, membre du collectif de défense. « L’un des ouvriers ne savait pas quel animal c’était et a demandé. Son chef lui a répondu : ce n’est rien. L’engin lui est passé dessus. Les arbres et les hérissons, c’est quantité négligeable... »
Étrangement, le collectif de défense des jardins n’a appris la décision judiciaire d’expulsion seulement le 8 juin, deux semaine après le rendu du tribunal. Si les occupants sont expulsables, ce ne sont cependant pas eux qui ont été assignés en justice par Grand Paris aménagement, mais l’association de gestion des jardins, qui ne participe pas à l’occupation. « On attendait qu’on nous assigne pour pouvoir nous défendre. C’est terrible car on nous enlève la possibilité de nous exprimer », réagit Dolorès. Des procédures et recours judiciaires sont envisagés.
Selon les défenseurs des jardins, une alternative existe pour limiter l’emprise du projet au vaste parking voisin : les solarium, spa et hammam qui empièteront sur les jardins pourraient être placés sur le toit de la piscine couverte, selon un dossier réalisé par le collectif (à consulter ici). Plusieurs élus pourraient relayer cette idée et « sauver les jardins », à commencer par Anne Hidalgo, la maire de Paris – la ville participe au financement du projet – ou par Mathieu Hanotin, le président socialiste de Plaine commune, l’agglomération dont fait partie Aubervilliers, en charge du plan local d’urbanisme. En attendant une très aléatoire manifestation de leur courage politique, « la JAD a besoin de monde nuit et jour sur les jardins », appelle Dolorès. Le 17 avril, une manifestation avait réuni plus d’un millier de personnes pour les défendre.
Ivan du Roy et Anne Paq