L’Histoire nous réserve des moments improbables, chaotiques. Mais souvent la pointe d’acier de nouveaux rapports de forces apparaît dans la confusion générale. C’était le cas le 19 mai devant l’Assemblée Nationale à Paris. Une foule de 35 000 policiers, tous les syndicats unis, en présence de leur ministre de tutelle, Darmanin. Ensemble avec le parti d’extrême droite RN, le PCF, le PS, les Verts se sont joints à cette sinistre démonstration de force (seuls la FI de Mélanchon et Génération de Hamon ont refusé d’y participer). Les partis de gôche ont justifié leurs présence en affirmant qu’il ne faut pas laisser la police à la merci du RN.
Les expériences historiques tragiques nous enseignent quand s’aplatissant devant la police les partis de gauche se mettre eux-mêmes la tête dans un nœud coulant.
Les syndicats des policiers vociféraient contre la justice trop « laxiste », contre la majorité macroniste et contre le ministre de la justice, c’est-à-dire les collègues de Darmanin.
Le chef du PS en a remis une couche en demandant que les flics puissent contrôler la justice. L’assaut des flics s’est arrêté au seuil du Parlement. Ils ont juste imprimé leur sceau : politicards, mouillez vos couches, la force c’est nous !
Pour la première fois depuis le putsch des généraux d’Alger de 1958, des généraux à la retraite et des militaires actifs au moyen de deux tribunes publiées dans la presse d’extrême droite prévoient une guerre civile sanglante et menacent d’intervenir sur le territoire national contre les « hordes des banlieues », les immigrés, ceux désignés comme « islamistes », soi-disant meneurs de l’insurrection civile.
Un journal allemand a comparé la situation actuelle en France à celle de la crise de la République de Weimar au début des années 30, qui a mené à la prise de pouvoir de Hitler. On n’en est pas encore là. Néanmoins, des symptômes de la crise apparaissent.
Certaines sections de la classe dominante attachées à la forme actuelle de la V. République s’inquiètent du tournant pris vers une dictature dirigée par le duo police/armée. La censure par le Conseil Constitutionnel des paragraphes les plus décriés de la loi dite « sécurité globale » en est une illustration ; une autre en est l’acquittement pour la troisième fois d’un GJ à Tours au nom de l’affirmation du droit constitutionnel de manifester.
D’autres secteurs sont prêts pour ce tournant, en témoignent par exemple l’interdiction de la manifestion pro-palestnienne qui a occasionné une chasse à l’homme dans l’est parisien ou le procès intenté à Assa Traoré. Dans les eaux nauséabondes de la crise un seul principe politique unit tous les partis parlementaires de gôche comme de droite : enfermer les exploités dans le piège électoral nourri par le racisme, la xénophobie, l’islamophobie et par la haine du pauvre. C’est ainsi qu’ils répondent aux exigences des hommes en armes.
Sauf que… À la fin de l’année dernière aux USA, une foule d’extrême droite a envahi le Capitole à l’appel de Trump. Le 19 mai les syndicats de policiers ont demandé au « peuple » de les rejoindre. Sauf que le peuple a brillé par son absence. Un flop. Les flics se sont retrouvés seuls avec les partis de l’ « ordre ». Rien n’est encore joué.