Demain Le Grand Soir
NI DIEU, NI MAITRE, NI CHARLIE !

Le Site de Demain le Grand Soir est issu de l’émission hebdomadaire sur "Radio Béton", qui fut par le passé d’informations et de débats libertaires. L’émission s’étant désormais autonomisée (inféodé à un attelage populiste UCL37 (tendance beaufs-misogynes-virilistes-alcooliques)/gilets jaunes/sociaux-démocrates ) et, malgré la demande des anciens adhérent-es de l’association, a conservé et usurpé le nom DLGS. Heureusement, le site continue son chemin libertaire...

Le site a été attaqué et détruit par des pirates les 29 et 30 septembre 2014 au lendemain de la publication de l’avis de dissolution du groupe fasciste "Vox Populi".

Il renaît ce mardi 27 octobre 2014 de ses cendres.

" En devenant anarchistes, nous déclarons la guerre à tout ce flot de tromperie, de ruse, d’exploitation, de dépravation, de vice, d’inégalité en un mot - qu’elles ont déversé dans les coeurs de nous tous. Nous déclarons la guerre à leur manière d’agir, à leur manière de penser. Le gouverné, le trompé, l’exploité, et ainsi de suite, blessent avant tout nos sentiments d’égalité.
(....)Une fois que tu auras vu une iniquité et que tu l’auras comprise - une iniquité dans la vie, un mensonge dans la science, ou une souffrance imposée par un autre -, révolte-toi contre l’iniquité, contre le mensonge et l’injustice. Lutte ! La lutte c’est la vie d’autant plus intense que la lutte sera plus vive. Et alors tu auras vécu, et pour quelques heures de cette vie tu ne donneras pas des années de végétation dans la pourriture du marais. "

Piotr Kropotkine -

RT, un média russe d’extrême droite en plein coeur de la manifestation antifasciste lyonnaise du 23 octobre
Article mis en ligne le 15 novembre 2021
dernière modification le 1er novembre 2021

par siksatnam

RT, pour Russia Today, média créé en 2005 par Vladimir Poutine comme outil de propagande et de guerre de l’information, soutenant les positions pro-russes nationalistes, homophobes, transphobes, outil de softpower d’un pouvoir d’extrême droite, était en plein cœur de la manifestation antifasciste du samedi 23 octobre ... et cela sans aucune réaction.

Samedi 23 octobre, 5000 personnes sont venues manifester contre l’extrême droite dans une ambiance motivée et combative. Sauf que voilà, alors que la police protégeait les quelques fascistes du Vieux Lyon venus voir le spectacle et défier la manifestation, et que le SO avait constitué un vrai réseau de surveillance et de protection autour des cortèges, des journalistes de Russia Today France (RT France) [1], média d’extrême droite russe, ont pu faire leur reportage tranquillement en plein cœur de la manifestation, de la place Bellecour à la place des Terreaux. Ce fait n’est pas anodin : il semblerait qu’aujourd’hui, les médias d’extrême droite puissent s’immiscer dans nos cortèges sans que personne ne réagisse.

Cette situation interroge. Depuis le mouvement des gilets jaunes, une nouvelle posture est en débat au sein des manifestations et des mouvements sociaux. Que faire des individus qui portent des discours, des pancartes, chantent des slogans qui diffusent des messages confus, conspirationnistes, ou qui utilisent des insultes réactionnaires, sexistes, homophobes, transphobes ? Ce débat, qui avait créé des lignes de fracture et des tensions durant le mouvement des gilets jaunes, est revenu cet été durant les manifestations contre le pass sanitaire.

Il y a lieu de discuter de ce que vont faire des militant·es de gauche ou libertaires dans ces manifs d’inspiration libertarienne. Mais en tous cas, chez celles et ceux qui défendent le fait de s’y rendre, un certain consensus a fini par émerger, qui bien que très bancal fait figure de norme tacite. Si les individus isolés sont « plus ou moins tolérés » [2], les groupes politiques ouvertement d’extrême droite sont combattus et chassés des manifestations. Civitas, les Jeunesses identitaires, les membres du Bastion Social, en bref l’extrême droite organisée et visible ont parfois été chassées.

Mais le flou de ce consensus mou a été plus d’une fois utilisé par certaines organisations d’extrême droite qui, parce que « non-violentes », ou bien encadrées par des individus complaisants ont su s’installer alors qu’il y a encore 3 ou 4 ans elles auraient été chassées des cortèges (de la même manière que les individus portant des drapeaux français par exemple). C’est spécialement le cas de l’UPR d’Asselineau qu’on laisse aujourd’hui parader en toute tranquillité dans différentes manifestations.

Aujourd’hui, cette situation évolue encore. Il y a quelques années, les médias d’extrême droite, comme par exemple Le Média pour Tous [3] étaient systématiquement « invités » à quitter les rangs des manifestations. On s’étonne donc que RT soit considéré comme un média « comme un autre » et puisse filmer et se mettre en scène en plein cœur d’une manifestation contre l’extrême droite sans que cela n’entraîne aucune réaction, notamment de la part des collectifs antifascistes, mais aussi de représentants de la gauche de gouvernement, puisque le député de la France Insoumise Eric Coquerel et Aurélie Gries, adjointe LFI de la mairie du 7e arrondissement, ont gentiment répondu aux questions de la chaine.

Samedi 24 octobre, c’était donc le journaliste Guillemin Rosi, et son caméraman Sébastien Dufour, qui ont fait leur reportage en tout tranquillité. Vous pouvez retrouver leur article sur RT France [4], entre des articles complaisants envers Zemmour, Onfray ou Finkielkraut.

Il faut dire que RT France a su gagner une certaine audience à gauche, grâce à une posture anti-système qui surfe sur le confusionnisme [5] ambiant. Entre deux articles favorables à l’extrême droite, des reportages sont faits sur des manifestations ou des hommes politiques de gauche, dans le but de simuler une posture « anti-système » qui ne serait ni de droite, ni de gauche. La stratégie de la chaîne est de se poser comme antimacroniste pour attirer le maximum de public et ainsi augmenter son audience sans tracer de ligne politique claire pour celles et ceux à qui le seul rejet de Macron tient lieu de ligne politique.

Mais il ne faut pas perdre de vue que RT est un double outil. D’abord, RT est avant tout un instrument de déstabilisation des démocraties occidentales en vue de soutenir l’agenda de Vladimir Poutine. Pour cela, le média a pour principal but de soutenir toutes les formes d’oppositions aux gouvernements dans les pays cibles de la Russie. Dans ce sens, si demain un mouvement social de gauche venait à éclater, vous pouvez être sûrs que RT le couvrirait et le soutiendrait. Car tout mouvement fragilisant le gouvernement français est une aubaine pour le pouvoir russe. Ensuite, en conformité avec la ligne idéologique du gouvernement russe, le média sert l’extrême droite française en lui donnant une plateforme, faussement neutre, de diffusion de ses idées, banalisant ses discours et les rendant acceptables médiatiquement : elles y sont relayées à longueur de jour et dans le plus grand des calmes.

La proximité entre le pouvoir d’extrême droite russe et RT est depuis 15 ans largement documentée, on peut par exemple conseiller de lire « Comment Russia Today (RT) est devenue un outil d’influence internationale, un entretien avec Maxime Audinet » [6]. Créée en 2005, suite aux « révolutions de couleur », d’orientation libérale et pro-européenne, en particulier la Révolution orange de 2004 en Ukraine, Russia Today vise à offrir une information pro-russe sur la scène internationale et ainsi contre balancer les médias occidentaux, et spécialement anglo-américains, qui offrent largement la parole aux mouvements anti-russes en Ukraine, dans les pays baltes ou dans le Caucase. La chaîne est financée à 99,5 % par l’État russe à travers l’agence fédérale pour la Presse et les Communications de masse de la Fédération de Russie (organe tout entier consacré à la propagande poutinienne).

La recherche d’images sensationnelles ou chaotiques est privilégiée. Le positionnement politique ou militant d’une manifestation n’est pas un critère pour RT : c’est la couverture même de la contestation en Occident qui importe. Ses journalistes se placent au cœur des cortèges, entre policiers et manifestants, parfois casqués, pour capter des images chocs. [7]

L’accueil bienveillant réservé à RT est d’autant plus surprenant que des chaînes comme BFM ou CNEWS, c’était le cas il y a quelques années pour TF1, ne sont pas les bienvenues dans les manifestations, où leurs journalistes sont souvent hués, conspués, voire raccompagnés en dehors des cortèges. Leur positionnement très à droite ou à l’extrême droite est connu de tous et nul n’imagine en faire les portes paroles des mouvements sociaux. C’est là où RT est un média dangereux, car en voguant sur le confusionnisme, en donnant la parole à quelques politiques de gauche et en surfant sur l’antimacronisme, la chaîne arrive à être tolérée dans les manifestations contre l’extrême droite, alors qu’elle devrait être une cible de tout mouvement antifasciste. La Horde ne s’est d’ailleurs pas trompée en l’incorporant dans sa cartographie de l’extrême droite en France.

Malheureusement depuis plusieurs années la gauche a du mal à lutter contre le confusionnisme et le complotisme qui gangrènent les mouvements et les organisations. Notamment les organisations politiques qui, à la recherche d’existence médiatique, vont de plus en plus sur les plateaux télévisés de ces chaines, ou répondent aux demandes d’interview d’officines confusionnistes dont la plus connue est Thinkerview [8].

Pour tout politique ou individu antifasciste, donner de l’audience à ces médias, alimentant le confusionnisme ambiant, c’est se tirer une balle dans le pied. Croire qu’on peut utiliser ces officines de l’extrême droite à notre avantage politique revient à se voiler la face ou à faire preuve d’un opportunisme dangereux. C’est uniquement en développant des médias de gauche, libertaire, autonomes... et en leur donnant crédibilité et visibilité qu’on arrivera à lutter médiatiquement. En parallèle, il convient de virer les propagandistes de RT (ou autres médias du genre) des manifs qui visent l’émancipation collective.