Demain Le Grand Soir
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" En devenant anarchistes, nous déclarons la guerre à tout ce flot de tromperie, de ruse, d’exploitation, de dépravation, de vice, d’inégalité en un mot - qu’elles ont déversé dans les coeurs de nous tous. Nous déclarons la guerre à leur manière d’agir, à leur manière de penser. Le gouverné, le trompé, l’exploité, et ainsi de suite, blessent avant tout nos sentiments d’égalité.
(....)Une fois que tu auras vu une iniquité et que tu l’auras comprise - une iniquité dans la vie, un mensonge dans la science, ou une souffrance imposée par un autre -, révolte-toi contre l’iniquité, contre le mensonge et l’injustice. Lutte ! La lutte c’est la vie d’autant plus intense que la lutte sera plus vive. Et alors tu auras vécu, et pour quelques heures de cette vie tu ne donneras pas des années de végétation dans la pourriture du marais. "

Piotr Kropotkine -

L’exil espagnol en Bretagne (1937-1940)
Article mis en ligne le 8 janvier 2022
dernière modification le 14 décembre 2021

par siksatnam

Entre 1937 et 1939, 21 000 Espagnols environ se réfugient en Bretagne, fuyant la guerre civile dans leur pays. Comment s’est organisé leur accueil ? Dans quelles conditions ont-ils été hébergés ? Quelles ont été les réactions des Bretons à leur égard ?

Les conditions de l’arrivée en Bretagne

Le coup d’État du général Franco, le 17 juillet 1936, marque en Espagne le début d’une guerre civile atroce qui oppose, pendant trois longues années, les Nationalistes aux Républicains. La violence des combats provoque la fuite des Espagnols vers la France qui est confrontée à deux vagues principales d’arrivée de réfugiés. La première débute au printemps 1937 avec l’exode basco-asturien. La fuite s’organise par bateaux, faisant des Espagnols les premiers boat-people du xxe siècle, avant ceux du Sud-Est asiatique à la fin des années 1970. 120 000 Espagnols atteignent tous les ports de la façade atlantique. 45 départements sont requis pour les accueillir, dont les 5 départements bretons qui en reçoivent environ 4 500. La seconde vague se produit au début de l’année 1939 avec la Retirada, du mot « retraite » en espagnol, véritable sauve-qui-peut des Républicains lorsque la victoire franquiste est acquise. En l’espace de dix jours, environ 480 000 Espagnols passent la frontière des Pyrénées à pied, sous la neige et les bombardements incessants. Débordées, les autorités françaises placent 77 départements en situation d’alerte. En une seule semaine, la Bretagne historique accueille 15 000 Espagnols, femmes et enfants ainsi qu’un petit pourcentage d’hommes invalides ou trop âgés pour combattre.

L’hébergement

La question de l’accueil des Espagnols mobilise jusqu’au sommet de l’État français, notamment pour des raisons sécuritaires. Les autorités préfectorales sont chargées d’organiser la réception de ces réfugiés et disposent pour cela d’une entière liberté de manœuvre. Le ministre de l’Intérieur se borne à donner une directive générale : accueillir les réfugiés dans les meilleures conditions possibles et dans les limites des sommes allouées par l’État, tout en répondant à un double impératif sanitaire et sécuritaire.

La première initiative des préfets consiste à recenser les locaux pouvant héberger cette population. Ils comptabilisent d’abord les places disponibles dans les bâtiments départementaux qui, outre la gratuité du loyer, présentent des avantages en termes de logistique et de surveillance. Ensuite, ils demandent aux communes d’accueillir des Espagnols. Or, dans les villes, les maires réagissent en fonction de leur étiquette politique. Grosso modo, s’ils sont de droite, ils refusent de prime abord. Les radicaux et les radicaux-socialistes se montrent très réservés sur la question. Restent les maires de gauche, minoritaires en Bretagne, qui les accueillent avec empressement. Dans les campagnes, les maires ne sont guère politisés mais la guerre d’Espagne est à cent lieues de leurs préoccupations et, de plus, ils manquent de locaux.

Pour répondre à l’impératif sanitaire, et en application de la Convention internationale de 1926, les réfugiés sont systématiquement vaccinés contre la variole et épouillés à leur passage à la frontière, puis mis en quarantaine à leur arrivée dans les départements et hospitalisés en cas de suspicion de maladie grave ou contagieuse. Jusqu’à leur départ, ils font l’objet d’un suivi médical quotidien, rigoureux. Leur surveillance est constante, dès le passage de la frontière. Les Espagnols sont avertis qu’en cas d’indiscipline, l’extradition vers leur pays sera envisagée. Ensuite, la liberté d’aller et venir sur le territoire français ne leur est pas accordée. Ils sont assignés à résidence dans une commune et ne peuvent la quitter sans autorisation préfectorale. Les incidents éventuels mettant en cause des réfugiés sont obligatoirement portés à la connaissance du commissaire de police.

Les rapatriements

Les réfugiés de 1937 demeurent en France jusqu’au mois d’octobre. À cette date, un ordre de rapatriement général est ordonné par le gouvernement pour des raisons financières. Les Espagnols repartent tous dans leur pays avec la possibilité de choisir le côté nationaliste ou le côté républicain. Après la Retirada, dès le mois d’avril 1939, les autorités accélèrent les retours puisque la guerre est terminée. Ne sont autorisés à rester en France que les Espagnols pouvant justifier de bonnes raisons de craindre pour leur vie s’ils retournaient dans leur pays. Toutefois, par la circulaire du 5 mai 1939, Albert Sarraut proscrit les rapatriements forcés. À l’été 1939, la guerre se profile et les préfets s’attendent à recevoir des réfugiés du Nord-Est de la France. Les Espagnols sont jugés encombrants et les incitations au départ deviennent très insistantes.

À l’heure de la mobilisation, les autorités prennent conscience de l’intérêt que représentent les Espagnols : une main-d’œuvre potentielle à bon marché. Ceux qui séjournent encore sur le sol français entrent dans le régime normal des étrangers résidant en France. D’indésirables, ils deviennent indispensables. En Bretagne, au moment de la fermeture effective des camps, le 1er juin 1940, il reste environ une centaine de femmes, enfants et vieillards à la charge de l’État. Tous les autres ont réussi à trouver un emploi et à échapper au rapatriement. Commence pour eux le long parcours, semé d’embûches, de l’intégration. L’exil espagnol en Bretagne a été vite évacué de la mémoire collective, « enseveli », en 1939 puis en 1940, par les arrivées des réfugiés du Nord-Est de la France.

Isabelle Le Boulanger