Demain Le Grand Soir
NI DIEU, NI MAITRE, NI CHARLIE !

Le Site de Demain le Grand Soir est issu de l’émission hebdomadaire sur "Radio Béton", qui fut par le passé d’informations et de débats libertaires. L’émission s’étant désormais autonomisée (inféodé à un attelage populiste UCL37 (tendance beaufs-misogynes-virilistes-alcooliques)/gilets jaunes/sociaux-démocrates ) et, malgré la demande des anciens adhérent-es de l’association, a conservé et usurpé le nom DLGS. Heureusement, le site continue son chemin libertaire...

Le site a été attaqué et détruit par des pirates les 29 et 30 septembre 2014 au lendemain de la publication de l’avis de dissolution du groupe fasciste "Vox Populi".

Il renaît ce mardi 27 octobre 2014 de ses cendres.

" En devenant anarchistes, nous déclarons la guerre à tout ce flot de tromperie, de ruse, d’exploitation, de dépravation, de vice, d’inégalité en un mot - qu’elles ont déversé dans les coeurs de nous tous. Nous déclarons la guerre à leur manière d’agir, à leur manière de penser. Le gouverné, le trompé, l’exploité, et ainsi de suite, blessent avant tout nos sentiments d’égalité.
(....)Une fois que tu auras vu une iniquité et que tu l’auras comprise - une iniquité dans la vie, un mensonge dans la science, ou une souffrance imposée par un autre -, révolte-toi contre l’iniquité, contre le mensonge et l’injustice. Lutte ! La lutte c’est la vie d’autant plus intense que la lutte sera plus vive. Et alors tu auras vécu, et pour quelques heures de cette vie tu ne donneras pas des années de végétation dans la pourriture du marais. "

Piotr Kropotkine -

Il ne faut jamais débattre avec l’extrême-droite
Article mis en ligne le 23 janvier 2022
dernière modification le 12 janvier 2022

par siksatnam

5 raisons ne de pas débattre publiquement avec l’extrême droite

L’extrême-droite possède une tactique vieille comme l’extrême-droite : l’injonction au débat. C’est une arme extrêmement puissante qui joue sur nos valeurs progressistes pour les retourner contre nous.

Si on accepte, on a perdu car on leur donne une tribune. Si on refuse, ils érigent le débat comme la valeur suprême de la démocratie (ou plutôt font semblant, comme on va le voir). La démocratie vient donc d’être mise en péril par ce refus de débattre. Ils crient à la censure, jusqu’à ce qu’on finisse par accepter.

Par exemple : Booba et Jean Messiha. Booba était venu faire la promotion de son album. Il a accepté une séquence de débat avec quatre personnes avec pour règle : si, à un moment, tu ne veux plus débattre, tu appuies sur un bouton et on passe à la personne suivante.

Vient donc le moment où il se retrouve face à Jean Messiha pour débattre du sujet suivant : le rap est-il dangereux pour la jeunesse ?

Jean Messiha est une figure de l’extrême-droite. Il faisait partie du Rassemblement National, jusqu’à ce qu’il claque la porte parce que Marine Le Pen est, selon lui, trop indulgente avec l’Islam.

Jean Messiha commence donc en accusant Booba de racisme antifrançais. Booba appuie sur le bouton, signifiant la fin du débat.

S’ensuit alors une phase de négociation qu’on peut résumer ainsi :

 Tu veux pas parler avec lui ?

 Avec le Front National ? Mais POUR QUOI FAIRE ?

 Il veut parler de rap avec toi…

 Mais il écoute pas de rap !

 T’es sûr que tu veux pas discuter ?

 Mais il est du Front National !

Le débat s’est donc arrêté et Jean Messiha a crié partout “c’est ça la démocratie” ?

Oui. C’est ça, la démocratie.

Avant, ça nous paraissait évident. Rappelle-toi, Chirac en 2002 qui refuse de débattre avec Jean-Marie Le Pen au second tour. À cette époque, personne ne trouvait à y redire.

Mais les choses ont changé. Aujourd’hui on a désormais énormément de personnes qui se plaignent en disant que c’est un manque de respect et qu’il aurait fallu accepter le débat.

On va donc voir ensemble pourquoi, il ne faut quand même jamais débattre avec l’extrême-droite. Pourquoi il faut la laisser se plaindre de la censure sans bouger une oreille.

Attention, avant de commencer, il faut qu’on se mette d’accord : à chaque fois que je vais parler de “débat”, je vais parler de débat public. Débattre en privé avec l’extrême-droite ne comporte pas les mêmes dangers. Car, les dangers qu’on va étudier viennent exclusivement du fait que l’on tienne ce débat devant un public.

Deuxième précision : je pars du principe que je ne suis pas lu par des têtes d’affiche de parti (sinon coucou Jean-Luc ? Marine ? Manu ?). Mon propos serait un brin différent dans cette situation.

Principe #1 | L’extrême droite n’est ni inculte, ni stupide, ni méchante

Une des erreurs les plus courantes est de croire qu’il faut être bête, inculte ou méchant pour être d’extrême-droite. D’ailleurs, ça ne se limite pas à l’extrême-droite. Les gens de gauche ont tendance à croire que les gens de droite sont bêtes. Les gens de droite ont tendance à croire que les gens de gauche sont bêtes.

Parce qu’ils ignorent que les valeurs et l’intelligence sont des variables globalement indépendantes. Il y a des gens de droite intelligents, des gens de droite bêtes, des gens de gauche intelligents et des gens de gauche bêtes.

De la même manière qu’on peut être extrêmement intelligent et vouloir une monarchie car ça s’accorde avec nos valeurs.

Il ne suffit donc pas de leur montrer qu’ils ont tort

L’extrême-droite n’a pas la science comme valeur. Bien au contraire. Par conséquent, leur montrer qu’ils ont scientifiquement tort n’a aucun impact sur eux.

Sinon, plus personne ne serait d’extrême-droite puisque toutes leurs thèses ont été invalidées par les sciences sociales.

C’est d’ailleurs pour ça qu’ils sont aussi virulents envers les universitaires

Cet échange entre Clément Viktorovitch et Charlotte d’Ornellas, le montre à la perfection.

 200 000 personnes qui arrivent légalement par an, appelez ça comme vous voulez…

 Sur les 200 000 personnes qui rentrent chaque année sur le territoire (…) on a un tiers d’étudiants qui vient en Erasmus dont une grande partie d’européens, on a de nombreux étrangers expatriés qui viennent travailler en France et il y a par ailleurs des enfants et des conjoints de français qui étaient à l’étranger et qui viennent en France. On peut continuer avec cette fake news qui consiste à dire 200 000 personnes par an, un million en 5 ans, c’est tout simplement faux.

 Effectivement on va pas aller sur le terrain des chiffres : vous les connaissez mieux que moi.

 C’est important quand même

 Mais qu’est-ce que ça change au fond du débat ? Les gens qui nous regardent rigolent enfin ! Quand vous allez à château rouge, il y a une africanisation culturelle de la France.

On voit que le fait d’avoir tort ne perturbe pas Charlotte d’Ornellas. Peu importe ce qu’en disent les chiffres ou la sociologie : elle voit de ses yeux que la France s’africanise culturellement.

C’est très perturbant pour les progressistes. Parce qu’une des valeurs du progressisme est de se reposer sur des études pour appuyer le changement qu’il veut emmener. Beaucoup de progressistes sont donc totalement démunis de voir que l’extrême-droite se fiche bien de la réalité scientifique.

Dire à quelqu’un d’extrême-droite qu’il a tort scientifiquement revient à dire à un platiste que la science a montré que la Terre est ronde. Ça glisse sur lui sans le moindre effet. Sinon il ne serait pas platiste.

Les gens d’extrême-droite ne le sont pas par accident. Je ne parle pas d’un ami à toi qui répèterait un délire d’extrême-droite sans faire exprès et que tu peux alors corriger. Je te parle des figures d’extrême-droite. Personne n’est une figure d’extrême-droite par accident ou ignorance. Charlotte d’Ornellas ne dit pas ça par accident. Donc ça ne change absolument rien de lui donner les faits. Elle ne va pas répondre “oups, j’avais pas vu ! J’arrête immédiatement d’être d’extrême-droite, dans ce cas”.

Les gens d’extrême-droite ne sont pas stupides

Ce serait si simple si le racisme était le fait de personnes stupides ou pas éduquées. Mais, si c’était le cas, on l’aurait déjà refoulé, comme on a refoulé l’illettrisme.

Martin Luther King le note :

Généralement on croit que l’idéologie de suprémacie blanche prend racine chez les illettrés, les défavorisés, les classes blanches les plus pauvres. Mais les gynécologues obstétriciens qui ont supervisé la naissance du racisme faisaient partie de l’aristocratie : de riches commerçants, des hommes d’église influents, des hommes de science médicale, des historiens et des politologues venant des plus brillantes universités de la nation.

Avec une compagnie si distinguée des élites qui travaillaient à disséminer leurs vues racistes avec assiduité, qu’est-ce qui restait pour inspirer le pauvre, l’illettré, le démuni fermier Blanc à penser autrement ?

Si les Nazis n’étaient pas intelligents, ils n’auraient pas pu mettre au point un système complexe de génocide. Il a fallu des penseurs, des intellectuels à leur tête.

D’ailleurs, lors du procès de Nuremberg, on a pris les 21 officiers nazis les plus haut gradés et on les a soumis à divers test psychologiques. Devine quoi ? Le second d’Hitler (Hermann Göring) possède le troisième plus haut QI du groupe. Avec un QI de 138. Pour rappel : la moyenne du QI est de 100. On estime qu’un individu est d’intelligence moyenne entre 90 et 109 de QI. Au-dessus de 130 on estime que l’individu a une intelligence très supérieure. Voici la liste des QI des 21 :

Schacht, Hjalmar 143

Seyss-Inquart, Arthur 141

Dönitz, Karl 138

Göring, Hermann 138

Papen, Franz von 134

Raeder, Erich 134

Frank, Hans 130

Fritzsche, Hans 130

Schirach, Baldur von 130

Keitel, Wilhelm 129

Ribbentrop, Joachim von 129

Speer, Albert 128

Jodl, Alfred 127

Rosenberg, Alfred 127

Neurath, Konstantin von 125

Frick, Wilhelm 124

Funk, Walther 124

Hess, Rudolf 120

Sauckel, Fritz 118

Kaltenbrunner, Ernst 113

Streicher, Julius 106

On a donc une moyenne de 128 ! Avec une seule personne d’intelligence moyenne. Sachant que ces tests ont été fait dans un contexte où on rêvait précisément de prouver qu’ils n’étaient pas intelligents.

D’ailleurs Hermann Göring était si charismatique et intelligent qu’il a commencé à avoir une influence sur ses gardiens de prison. Au point qu’il fallu l’isoler. Il s’est suicidé deux heures avant d’être exécuté, avec une pilule de cyanure. On ne sait pas qui lui a donné, mais on pense que c’est un des gardiens qu’il avait réussi à influencer.

Morale de l’histoire ? Il n’y a pas de raison que la figure d’extrême-droite qui veut débattre soit plus bête que la moyenne. Je dirais même que c’est l’inverse : comme ce sont des idées restées longtemps marginales, les porte-paroles sont souvent plus intelligents et plus doués en débat que ceux des autres mouvements politiques.

Mais oublions ça. Réfléchissons à comment débat l’extrême-droite. Les progressistes voient le débat comme une manière de trouver ensemble la vérité. Ils croient qu’il suffit donc d’avoir raison pour gagner le débat.

C’est ignorer le fonctionnement de nos cerveaux émotionnels. L’extrême-droite comprend très bien qu’il suffit de passer son temps à lancer des accusations ou des trucs faux courts, sur un ton confiant. De manière à générer en face de longues justifications.

Quand la personne a fini de se dépêtrer on lance une autre accusation.

Et ainsi de suite.

C’est exactement ce qu’a commencé à faire Jean Messiha en disant “je n’aime pas le racisme dans votre musique : racisme antifrançais, racisme contre les femmes, racisme contre les homosexuels”.

Répondre c’est avoir l’air de se justifier. Surtout si on commence à bégayer de surprise. Alors que la personne l’a assené avec assurance.

Booba le comprend bien quand il dit “mais j’ai pas à me justifier ! C’est lui qui est du Front National et c’est moi qui dois me justifier ?”. Alors que Jean Messiha venait de lancer une accusation grotesque et que les autres commençaient à prendre la défense de Booba.

La personne qui accuse, donne une impression de certitude. Celle qui se justifie donne l’impression d’être en faute. Or, le cerveau juge sur deux variables : la vérité et la posture.

Malheureusement, ça veut dire qu’on peut gagner un débat en ayant tort. On peut même gagner un débat en disant très peu de mots. Juste en énervant l’autre pour dire qu’il a perdu ses nerfs.

Remarque : personne ne fait ça en privé. Parce que ça n’aurait aucun sens. On fait ça uniquement quand il y a un public à rallier. Déjà parce que dans la vraie vie, l’interlocuteur n’est pas bloqué, donc il peut beaucoup plus facilement s’en aller face à des accusations stériles. Ensuite parce que ça ne sert à rien si personne ne regarde.

Le débat public est donc une configuration très particulière. D’ailleurs, normalement, le simple fait de passer par un débat public suppose qu’on accepte que l’idée inverse n’est pas si stupide que ça.

On ne fait pas de débats publics pour savoir si 1+1=3, ou pour savoir si la Terre est ronde. Parce que sinon ça veut dire qu’on accepte qu’il est possible que 1+1=3 ou que la Terre soit plate. Débattre avec quelqu’un d’extrême-droite sous entend que, si ça se trouve, il a raison.
Personne n’organise de débat “pour ou contre assassiner le président de la République”. Alors pourquoi on organise un débat “pour ou contre l’islamogauchisme” ?

Booba a raison de demander “mais pour quoi faire ?”. C’est exactement la bonne question. Pour quoi faire ? On ne débat pas de rap avec quelqu’un qui n’y connaît rien. De la même manière qu’on ne débattrait pas de la qualité des livres de Victor Hugo avec quelqu’un qui ne les a pas lu. Quelqu’un qui n’y connaît rien sur un sujet, soit on l’éduque, soit on l’ignore. Mais en aucun cas on n’organise un débat public.

Qui imaginerait un débat “pour ou contre le nouveau train d’atterrissage qui a été mis dans le dernier Airbus” avec des personnes qui n’y connaissent rien en aéronautique ? Ou “pour ou contre la décision d’Apple n’abandonner les processeurs Intel pour mettre les siens” ? Avec d’un côté un ingénieur d’Apple et de l’autre un quidam au hasard qui ne sait pas ce qu’est un processeur ?

Non, ce qu’il faudrait c’est un cours. L’ingénieur Apple pourrait faire une conférence ou le quidam vient pour écouter et apprendre. Mais en aucun cas ça peut être un débat. Soit on éduque, soit on ignore.

Là c’est pareil : Booba pourrait lui faire un cours de rap. Mais pour ça il faudrait qu’il ait envie d’apprendre.

Principe #2| Comprendre les mécaniques d’audience

Les personnes qui n’ont jamais eu d’audience, ont du mal à comprendre qu’il ne faut jamais répondre à un adversaire qui a une audience significativement inférieure à la sienne.

L’extrême-droite le sait pertinemment, mais elle feint de l’ignorer pour mieux se plaindre.

Voilà un exemple : Tatiana Ventôse exige qu’Usul débatte avec elle.

Ou en tout cas elle sous-entend qu’il lui doit un débat.

Mais elle refuse de débattre avec Le Bouseux.

Ici, l’argument est de dire qu’il ne faut pas donner de visibilité à ce troll.

Usul et le Bouseux sont pourtant des vidéastes de gauche radicale assez similaires. Alors, pourquoi une telle différence de traitement ? Facile : Usul a 125 000 abonnés sur Twitter, alors que Le Bouseux n’en a que 10 000. Tatiana, en a 40 000.

Elle comprend donc très bien que répondre au Bouseux lui donnerait énormément de visibilité. Alors, qu’à l’inverse, elle aimerait bien avoir la visibilité que donnerait un débat avec Usul.

Elle ne croit donc pas en ce principe du débat comme nécessité. Elle n’y croit que si elle y a un intérêt. J’ai envie de dire qu’elle est hypocrite. Mais en vrai c’est de bonne guerre. Je fais pareil. Quand quelqu’un qui a une audience plus petite que la mienne m’attaque, je ne lui réponds pas. Alors que si la personne a une plus grande audience, je réponds immédiatement.

Quel intérêt de débattre avec quelqu’un qui a une audience plus petite ? L’amour de la vérité ? C’est un peu court sachant la conséquence.

Imaginons qu’elle accepte de débattre avec Le Bouseux. Elle va donc exposer ses 40 000 abonnés, pendant que lui expose ses 10 000 abonnés. On a donc une audience fusionnée de 50 000 personne. Imagine que 60% des gens estiment que Tatiana a été plus convaincante dans le débat.

C’est déjà énorme. Le débat Sarkozy-Royal de 2007 a été estimé comme largement gagnant pour Sarkozy. Ce qu’on retrouve dans ce sondage : 53% des Français ont jugé Sarkozy “plus convaincant” que Royal. Pour Hollande-Sarkozy en 2012 on avait des sondages qui donnaient 52% de français davantage convaincus par Hollande, et on a dit que c’était une victoire large de François Hollande.

Donc, je disais : imagine qu’elle fasse une prestation légendaire. Ça voudrait dire que 30 000 personnes sont convaincues par elle, et 20 000 par Le Bouseux. Sauf que… à la base…Le Bouseux il n’a que 10 000 abonnés ! Il a donc doublé sa surface.

Sachant que, encore une fois, une victoire à 60% c’est vraiment écrasant. Quand Macron s’est baladé face à Le Pen en 2017 pendant le débat, 63% des français ont été convaincus.
Or, même à 63%, ça ferait 31 500 abonnés convaincus par Tatiana et 18 500 par Le Bouseux.
Elle n’a donc vraiment aucun intérêt à accepter un tel débat. Alors que ce serait l’effet inverse si elle débattait avec Usul et ses 125 000 abonnés.

On voit donc que fusionner les audiences par un débat est une manoeuvre suicidaire pour la personne qui a une audience beaucoup plus grosse.

Voilà pourquoi Marine Le Pen a refusé de débattre avec Mélenchon en 2012 dans une émission. À l’époque il avait beaucoup moins d’intentions de vote, qu’elle.

Pour la même raison, Sarkozy a refusé de débattre avec Le Pen en 2015, après l’échec relatif du Front National aux départementales, lui retirant temporairement la position de premier parti de France.

Ce principe des audiences est mal compris par le grand public, mais tout à fait intégré par les personnes qui ont des audiences. Même dans des champs qui n’ont rien à voir avec la politique, comme le rap. Voilà ce qu’Eminem dit à propos d’un de ses détracteurs :

“Tu me mentionnes : des millions de vue, des articles de journaux. Je te mentionne :

perdant-perdant pour moi, gagnant-gagnant pour toi”.

Remarquons au passage qu’Eminem parle probablement de Joe Budden. Mais il ne le mentionne pas. Justement pour ne pas déclencher la fusion des audiences.

Principe #3| L’extrême-droite n’est pas sincère quand elle appelle à la liberté d’expression ou à la démocratie

Si tu ne devais retenir qu’une chose : retiens ça. La libre expression et la démocratie ne sont pas des valeurs d’extrême-droite. Elle s’en contrefiche. En revanche, elle sait que ce sont des valeurs chères aux autres camps politiques.

Quand elle dit “on me refuse le débat, c’est pas démocratique !” elle nous parodie. Elle n’y croit pas un mot. C’est comme quand elle traite Rokhaya Diallo (militante antiraciste) de raciste, en jubilant.

Le racisme, habituellement, elle s’en fout. Mais elle sait que, nous, non. Donc elle retourne notre valeur contre nous, avec malice.

Pour m’amuser, j’ai tapé “Jean Messiha monarchie” dans Google. Je n’espérais pas grand chose, c’était une bouteille à la mer. Mais… j’ai obtenu un résultat au-delà de mes attentes :
“On a constaté que ceux qui ont incarné la France en la rapprochant le plus d’un régime monarchique, la France a été un grand pays et à chaque fois que ceux qui ont dirigé la France l’ont éloigné de ce modèle monarchique, et bien la France s’est perdue dans des divisions et a été déclassée”

Bingo. Il est favorable aux idées monarchiques. Il considère même que quand on s’éloigne d’un modèle monarchique on s’englue dans des divisions (le concept même de la démocratie). Quand il est avec des gens de son camp, il ne cache donc pas son mépris de la démocratie.

Il en va de même pour la liberté d’expression. Zemmour n’arrête pas de dire qu’on entrave sa liberté d’expression, mais quand un rappeur le met en cause, il intente un procès ! Procès qu’il a d’ailleurs perdu en appel.

Il suffit d’observer les pays où l’extrême-droite prend le pouvoir pour observer que c’est le camp politique qui déteste le plus la liberté d’expression. Poutine ou Orban ne sont pas connus pour leur amour du pluralisme.

Quand Assa Traoré est condamnée pour diffamation, ils jubilent. Quand c’est Marine Le Pen, ils s’insurgent. C’est un double standard.

L’extrême-droite est pour la liberté d’expression uniquement quand elle est marginale ou en conquête du pouvoir. Une fois qu’elle l’a, elle réduit l’opposition au silence. Elle a raison : elle comprend très bien que sa meilleure manière de prendre le pouvoir est de profiter d’une faille de la “démocratie”. C’est-à-dire que si on arrive à convaincre une majorité d’électeurs, on peut prendre le pouvoir et ensuite détruire la “démocratie” de l’intérieur.

Je mets des guillemets à démocratie car le mot correct ici est plutôt république
L’extrême-droite joue sur notre bienveillance. Bien sûr qu’une société saine a une pluralité des idées. Bien sûr que la dictature commence toujours par la censure. On a donc en permanence peur d’y tomber.

C’est notre kryptonite. Ça marche tellement bien que, même quand elle obtient la parole, l’extrême-droite continue à clamer partout qu’elle n’a pas la parole. Zemmour ne voit-il donc pas le paradoxe à clamer partout que ses idées n’ont pas la parole alors qu’il est à la télévision, dans les journaux et dans les librairies ?

Bien sûr qu’il le voit. Mais il fait semblant. Ça peut paraître ridicule, mais ça ne l’est pas. C’est ridicule uniquement si on se place du point de vue de la recherche de la vérité. Mais l’important n’est pas d’avoir raison, l’important est de gagner. Or, cette stratégie est ultra-gagnante. Plus Zemmour crie qu’il est censuré et plus on lui offre des tribunes. Pourquoi arrêterait-il ?

Non seulement l’extrême-droite appelle à la liberté d’expression de manière hypocrite mais en plus elle a une conception du débat très loin de l’objectif démocratique. Pour, elle, le but du débat d’humilier l’adversaire. Une épreuve de force. Une question d’honneur.

“C’est une pitoyable dégonflade. Moi je lui offrais un duel et quand un adversaire d’un duel est considéré comme s’étant retiré, il est déshonoré. Ce sont les règles de l’honneur, une matière que connaît mal Jacques Chirac”

Voilà comment a réagi Jean-Marie Le Pen face au refus de Chirac de débattre avec lui. On dirait un argument de cour de récréation et pourtant c’est très courant à l’extrême-droite.
Parce qu’ils n’imaginent pas le débat comme un exercice de recherche de vérité mais un duel qui permet de prouver la puissance du chef.

Principe #4| La loi de Brandolini

Loi de Brandolini : certaines bêtise prennent vingt secondes à dire, mais des heures à réfuter. Par exemple, la phrase “le patriarcat n’existe pas car la plupart des personnes agressées physiquement sont des hommes” est très simple et rapide à dire. La première fois que j’ai entendu ça, je n’ai pas su quoi répondre. Je suis retourné chez moi et je suis tombé sur une vidéo d’une demi-heure qui réfutait cette phrase.

10 secondes pour le dire, 30 minutes pour le démonter. Terrible.

Voilà pourquoi l’extrême-droite est si redoutable en débat. Elle a une explication simple du monde. On peut parler de n’importe quoi : c’est la faute de l’Islam. Le concept du bouc émissaire est consubstantiel au logiciel de l’extrême-droite et il est super pratique.

Débattre avec l’extrême-droite c’est comme vouloir faire un match de boxe avec quelqu’un qui s’autorise l’utilisation d’un couteau.

Le débat, comme la boxe, sous-entend qu’on est d’accord sur certaines règles. L’une d’elle étant de ne pas volontairement dire des bêtises.

Car le souci c’est que dans un débat en direct, il est impossible de dire “attends, je vais chercher la réfutation dans une vidéo de 20 minutes”. D’ailleurs, même quand on connaît la réfutation, c’est quasiment impossible de la déployer en direct. L’autre va nous couper la parole, nous empêcher de dérouler…

Au final, le débat c’est aussi un concours de réthorique, de capacité à faire rire, de phrases percutantes.

Prenons par exemple la proposition choc de Donald Trump en 2016 : “je vais construire un mur entre les USA et le Mexique et c’est Le Mexique qui va le payer”.

C’est une énorme bêtise. Parce que ça ne sert à rien, parce que ça prend trop de temps à construire et que le Mexique ne paiera pas.

Ça a donné quoi de débattre avec Trump sur ce mur ? Ça l’a fait passer d’un candidat que tout le monde donnait perdant dans les primaires, au vainqueur des primaires. Cette proposition du mur a joué un énorme rôle. La plupart des humains de cette planète ont entendu parler de Trump pour la première fois grâce à cette proposition-choc. Mais personne n’a entendu les réponses de ses contradicteurs. La télévision a joué en boucle sa proposition à lui, pas les réponses.

L’avenir a montré que c’était bel et bien une proposition impossible à réaliser. C’était donc un argument de campagne nul sur le plan des faits. Mais c’était un super argument sur le plan de la victoire électorale. Là encore, l’important n’est pas d’avoir raison mais de gagner une élection.

Principe #5| La fenêtre d’Overton

La fenêtre d’Overton est l’ensemble des propos acceptés en public par la société sur un sujet donné.

Par exemple, aujourd’hui en France, le propos “il est sain que les Noirs et les Blancs puissent se marier” est dans la fenêtre d’Overton. Alors que le propos inverse ne l’est pas. Je devrais dire “ne l’est plus”. Car la fenêtre d’Overton se déplace en permanence.

En 1961, les français étaient majoritairement hostiles aux mariages entre Noirs et Blancs. Ils pouvaient l’exprimer à la télévision sans souci.

On ne débat en public que des choses qui sont dans la fenêtre d’Overton. Sinon les téléspectateurs zapperaient immédiatement. Par exemple, si on faisait aujourd’hui un débat sur France 2 qui s’intitulerait “pour ou contre le mariage entre un Noir et une Blanche”… ça déclencherait un tollé.

On ne débat que des idées dont les deux réponses sont dans la fenêtre d’Overton. Par exemple, en 2017, il y avait autant de gens en France qui approuvaient la suppression de l’ISF, que de gens qui la désapprouvaient. On pouvait donc en débattre. Être pour cette suppression était un propos acceptable en public. Mais être contre également.

Pour être élu, un politicien est obligé de tenir des propos qui sont dans la fenêtre d’Overton. L’extrême-droite comprend donc qu’il lui faut d’abord déplacer la fenêtre dans son sens, pour espérer faire élire un des siens.

Voilà pourquoi il est si important d’imposer des thèmes. Quand Jean-Marie Le Pen a inventé le terme “racisme antiblanc”, il était hors de la fenêtre d’Overton. Le dire en public vous exposait à une condamnation immédiate. Quelques dizaines d’années plus tard et c’est désormais une idée à l’intérieur de la fenêtre d’Overton. On peut en débattre sur une grande chaîne.

Ce processus s’appelle “la normalisation”. Il est utilisé par tous les camps politiques. Par exemple, il fut un temps où le mariage homosexuel était impossible à envisager. Dans les années 90 l’homosexualité était encore listée dans les maladies mentales par une institution aussi respectable que l’OMS.

Voilà pourquoi en 2008, Obama et Clinton ont refusé de se prononcer en faveur du mariage homosexuel.

En revanche, en 2012, la fenêtre s’était déplacée et l’idée du mariage homosexuel était désormais majoritaire. Obama a donc, cette fois, fait des déclarations pour le défendre.

De la même manière, Chirac en 1991 parlait de bruit et d’odeur en parlant de Noirs. Sous les applaudissements du public. Ce propos était controversé mais encore dans la fenêtre. Aujourd’hui, même Marine Le Pen ne s’y risquerait pas : c’est devenu un propos bien en dehors de la fenêtre.

Car, quand la fenêtre bouge, elle emporte tout avec elle : l’opinion, les lois, la culture… comme un tsunami. On ne peut pas continuer à interdire le mariage homosexuel quand l’immense majorité des français y est favorable et qu’une partie est prête à se battre pour.

Parce que la normalité est une puissance écrasante. Plus écrasante que la morale. On peut toujours convaincre une partie de la population d’être végétarienne. Mais la majorité des gens feront comme … la majorité des gens. La plupart des gens mangent de la viande parce qu’ils sont nés dans une société où c’est normal. Il ne faut pas chercher plus loin que ça.
Ce n’est donc pas anodin : faire bouger la fenêtre de normalité est un jackpot. Il suffit d’ouvrir n’importe quel manuel d’activisme politique de gauche pour s’en convaincre. La gauche a normalisé l’idée d’un revenu universel. En 2010 c’était une blague, une idée peu crédible pour les médias mainstream. En 2017 c’est devenu une idée acceptable, une idée dans la fenêtre, même si c’était encore au bord de la fenêtre et non pas au centre.

Voilà pourquoi l’extrême-droite veut être de tous les débats, même quand il s’agit de parler de rap. Parce que ça lui permet de déplacer la fenêtre d’Overton. De banaliser ses idées.

Quand Charlotte d’Ornellas dit qu’à Château rouge il y a une africanisation culturelle, elle essaie de déplacer la fenêtre. Elle sait qu’elle ne peut pas dire “africanisation” car on comprendrait trop facilement qu’elle veut dire “y’a trop de Noirs”. Alors elle rajoute “culturelle” et ça passe. Puis un jour elle dira juste “africanisation” pour tester. Et ainsi de suite.

“L’idée de la fenêtre d’Overton, c’est qu’il y a un ensemble d’opinions qu’on peut assumer dans les médias, en public, sans être immédiatement disqualifié. Ce qu’il y a derrière […] c’est qu’on peut élargir cette fenêtre progressivement. En élargissant la fenêtre d’Overton, une idée qui semblait auparavant radicale, extrémiste, excessive, peut soudain sembler parfaitement modérée au regard d’une autre idée nouvelle qui serait plus radicale encore.”
L’extrême-droite a vu avec horreur la fenêtre s’éloigner de plus en plus d’elle. Elle est donc en train de réagir. Depuis une dizaine d’années on assiste à une contre-offensive pour réhabiliter certaines de ses positions.

L’extrême-droite a vu avec horreur la fenêtre s’éloigner de plus en plus d’elle. Elle est donc en train de réagir. Depuis une dizaine d’années on assiste à une contre-offensive pour réhabiliter certaines de ses positions.

Zemmour repousse toutes les limites, se félicite en off en un chef de file de génération identitaire. C’est la seule personne qui peut parler de pétainisme sans qu’on puisse dire qu’il est antisémite. C’est un brise glace car il n’est pas français de souche, il peut aller très loin.” Grâce à lui, l’extrême-droite est sortie de la clandestinité elle qui s’est longtemps cantonné à des espaces de débats marginaux

Le graal du graal étant qu’un membre d’un parti de gouvernement reprenne ses idées. Voilà pourquoi l’irruption du mot “islamogauchisme” dans le débat public, via une ministre est une aubaine inespérée.

Quand on est vraiment en dehors de la fenêtre d’Overton, il n’y a pas de mauvaise publicité. En effet, si 2% des français pensent que l’islamogauchisme existe, le simple fait de présenter le concept aux 98% restant suffit à faire exploser l’adhésion. Même si seuls 30% y adhèrent, on se retrouve avec une idée 15 fois plus acceptée que précédemment.

Le débat a donc un effet d’aubaine incroyable similaire à ce qu’on décrivait sur les fusions de deux audiences de tailles différentes.

Si un chroniqueur d’extrême-droite débat et introduit un concept que 99% des gens ignorent… même s’il subit une défaite à 60% pendant le débat… il a multiplié par 40 le nombre de personnes qui acceptent désormais le concept. C’est vraiment le jackpot.
Voilà pourquoi il est suicidaire de proposer une tribune à l’extrême-droite. Normalement, déplacer la fenêtre d’Overton demande des années de travail. Au début on est peu nombreux, dans l’espace privé à défendre une idée inacceptable. Puis petit à petit on rallie des personnes. Jusqu’à avoir une petite tribune, par exemple dans un club local. Puis, une petite chaîne YouTube. Jusqu’à un jour avoir l’idée exposée dans un média mainstream.
Mais si quelqu’un, pour une raison ou une autre, décide d’offrir une tribune mainstream à une idée marginale, il accélère drastiquement le processus.

Pourquoi il est efficace de refuser le débat public voire même de les bannir de certains médias

Remarquez que, jusqu’ici, je n’ai parlé que de refuser le débat public. Ce qui invalide, en soi, l’argument du pluralisme et de la liberté d’expression. Les gens d’extrême-droite sont libres d’avoir leur petits espaces d’expression, sans qu’on soit obligé de leur offrir nos grands espaces, volontairement.

Manoeuvre que, d’ailleurs, eux ne ferait pas en retour. On l’a vu. Car, ils n’ont pas notre point faible. Nous qui avons sincèrement des inquiétudes quand la liberté d’expression est menacée.

Mais il faut résister à ces sirènes. Si tu as déjà lu Dragon Ball, tu connais le piège. Le héros affronte un ennemi sanguinaire et sans pitié. À un moment, il prend le dessus. L’ennemi est au sol. Il se met alors à implorer et appeler aux bons sentiments du héros. Parce qu’il sait que le héros a des valeurs de respect de la vie. Il sait que le héros n’aime pas prendre inutilement des vies. Le héros (Goku) épargne donc l’ennemi (Freezer), puis s’en va… et ce dernier essaie de le frapper par derrière.

Morale de l’histoire : quand l’adversaire pleure on n’est pas censé lui donner ce qu’il demande. Au contraire, c’est le signe que notre combat fonctionne.

C’est très étrange de se dire “oh non…ils pleurent parce qu’on leur donne pas la parole. Il faut donc leur donner la parole”.

L’extrême-droite se plaindra qu’on lui refuse le débat, jusqu’à ce qu’on accepte. Mais si on accepte jamais…elle est dans l’impasse.

On a parlé du débat, donc. Parlons désormais du bannissement pur et simple. Cette fois ci, il ne s’agit plus de refuser nos tribunes à l’extrême-droite, mais bien de détruire ses propres espaces de communication.

Bien entendu, ce mouvement est réservé à la frange la plus extrême de l’extrême-droite. Au moment où j’écris, il serait totalement inacceptable de supprimer le compte Twitter de Marine Le Pen.

En revanche, des gens comme Dieudonné ou Alain Soral ont subi ces bannissements, avec succès. Car oui, le bannissement fonctionne.

Ça a été étudié par les sciences sociales avec notamment l’exemple du mouvement “Britain First”.

Ils avaient obtenu 2 millions de likes sur Facebook, ce qui en faisait la deuxième page Facebook politique la plus likée du Royaume-Uni, derrière la page de la famille royale, lui donnant ainsi une influence monstre.

Le groupe propageait notamment du contenu foncièrement islamophobe. D’ailleurs, il avaient peu d’impact avant que Donald Trump retweetent trois de leurs tweets à son énorme audience de l’époque.

Ils disaient que le Coran devait être interdit et que toute personnes en faisant la promotion devait être emprisonnée.

La justice a fini par condamner le groupe pour incitation à la haine raciale. Facebook a alors décidé de supprimer la page.

“La décision de Facebook a réussi à atomiser l’activité numérique du groupe, le poussant à construire une nouvelle page sur Gab, un réseau social beaucoup plus petit. Il n’a, dès lors, plus été en mesure de réunir un nombre massif d’activitistes dans les rues (…) le groupe n’a plus que 11 000 followers sur Gab (…) ce qui a joué indubitablement un rôle clé dans le déclin de Britain First, qui était une force dangereuse au Royaume-uni”.

D’ailleurs, les membres de l’extrême-droite ont parfaitement conscience de l’importance de pouvoir accéder à des plateformes mainstream.

Milo Yiannopoulos disait que l’homosexualité est une « aberration » et un « choix de vie qui voue avec certitude les homosexuels à la souffrance et au malheur ». Il a été banni de YouTube. En privé, sur son compte Telegram (un équivalent de Whatsapp) il a écrit :

“J’ai perdu 4 millions de fans dans les derniers rounds de bannissements (…) J’ai passé des années à développer ma fanbase et ils l’ont détruite en un instant”

Il explique ensuite qu’il est impossible d’obtenir la même audience sur Telegram et Gab. Qu’en plus de ça, l’audience sur Telegram, ne lui achète rien et ne lui permet donc pas de vivre.

Que retenir de ces études de cas ? Le bannissement fonctionne. Principalement car il freine énormément le recrutement de nouveaux membres.

Il a un inconvénient majeur cependant : il est plus difficile pour les autorités de surveiller les mouvements d’extrême-droite une fois qu’ils sont sur une plateforme plus petite.

Mais, tout le reste est un avantage. De sorte que sur la balance coût/bénéfice, on penche clairement du côté bénéfice.

Il faut le garder à l’esprit. D’autant plus que pour certaines populations, cette manie de tendre des tribunes à l’extrême-droite a des conséquences néfastes très concrètes. En 2020 on estime que les actes islamophobes ont augmenté de 53%, en même temps que se multipliaient les débats avec des gens d’extrême-droite sur tous les grands plateaux télé.

Il y a 10 ans Éric Naulleau nous affirmait que son devoir était de continuer à débattre avec Zemmour pour montrer à ceux qui l’écoutent qu’il a tort. 10 ans plus tard… as-tu l’impression que contredire Zemmour en prime time a ralenti la propagation de ses idées ? Non, c’est l’inverse. Moi-même je n’aurais jamais connu les idées de Zemmour si Laurent Ruquier ne me l’avait pas exposé dans une émission grand public.

Conclusion

On devrait plutôt réfléchir à quels groupes d’extrême-droite il faut bannir ou dissoudre, plutôt que de passer notre temps à vouloir débattre avec les mouvements les plus “modérés” de l’extrême-droite.

Parce que c’est un piège dans lequel elle nous enferme avec malice. Quand l’extrême-droite crie au déni de démocratie il faudrait lui demander “mais, tu es pour la démocratie ?”. On ne pense pas à le faire car ça nous paraît évident que tout le monde est pour la démocratie. C’est pour ça que le piège fonctionne. Pourtant, énormément de membres de l’extrême-droite sont, en privé, en faveur d’un rétablissement de la monarchie.

Elle retourne nos valeurs contre nous et nous la laissons faire.

J’aimerais finir avec le détournement ultime. La phrase “on peut rire de tout” de Desproges. Parfois on complète “on peut rire de tout mais pas avec tout le monde”. Sauf qu’on oublie de redonner le contexte de ce “tout le monde”.

Une des premières fois où Desproges a prononcé cette phrase, c’était face à Jean-Marie Le Pen (encore lui). En 1982, il fait face à l’homme politique dans une chronique de France Inter.
C’est une chronique de 5 minutes. Il y dit en substance qu’on peut rire de tout, mais pas avec l’extrême-droite. Ça ne s’invente pas.

Alors, bien sûr, c’est Desproges donc il le dit avec son style ampoulé et emphatique :

“La présence de Monsieur Le Pen en ces lieux voués plus souvent à la gaudriole parajudiciaire pose problème (…) Près d’un terroriste hystérique, je pouffe à peine, et la présence à mes côtés d’un militant d’extrême droite assombrit couramment la jovialité monacale de cette mine réjouie (…)”

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Nicolas Galita