Notre compagnon Martín Arnal, l’un des derniers acteurs et témoins de la Révolution espagnole de 1936, nous a quitté. Les compagnons de la CNT-AIT de Montauban qui ont été présents à ses côté jusqu’aux derniers instants lui rendent hommage.
Martín Arnal Mur est né le 12 novembre 1921 à Angües en Espagne. Jeune paysan aragonais et fils de paysan, très peu scolarisé mais d’une grande curiosité a appris très vite à lire et écrire. Élevé dans les valeurs de partage, de solidarité et de liberté il devient vite membre des jeunes libertaires dès 1936. Curieux de tout, aux contacts des athénées libertaires, il s’ouvre à tout événement culturel populaire. Théâtre, musique, lecture, histoire, etc. Ses frères aînés dans les « giras » de la CNT-AIT, les dimanches, lui montrent la voie. Il devient anarchiste et anarchosyndicaliste très tôt.
Militant pacifiste et anarchiste il a en horreur la guerre et les armes. Et c’est bien malgré lui qu’il se retrouvera plus tard en uniforme et portant une arme. Loin d’être un « Guerrillero », Martín est un farouche défenseur de la vie, et parce qu’anarchiste il s’affirme comme militant de la paix,
Mais l’histoire le rattrape avec les arrestations et les assassinats de ses deux frères ainés, fusillés par les franquistes. – Jose mort le 23 aout 1936, Roman mort en février 1937-. Anti fasciste, et ardent défenseur de la liberté il va alors lutter et rentrer en résistance.
En juillet 1936, il participe à la Révolution sociale qui éclate en Espagne [1] dans la « colectividad de Angües » et prône le Communisme libertaire : collectivisation des terres et des biens communs (troupeaux, matériel, récoltes), abolition de l’argent… autant de réalisations concrètes et non d’utopies…
A la rupture du Front de Huesca il bat en retraite et passera une première fois, en mars 38, les Pyrénées . Envoyé en convoi à Angoulême il s’évade et à pied regagne le Sud-Ouest pour rejoindre par la suite sa famille arrivée en Catalogne espagnole. Puis avec la défaite, c’est la seconde « retirada » en 1939, On le retrouve dans le camp de concentration d’Argelès sur mer.
Après 4 mois Il en sort en intégrant la 180ème division compagnie de travailleurs étrangers CTE et est envoyé pour fortifier la ligne Maginot. Lors d’un bombardement en 1940 il s’évade et part de nouveau à pied rejoindre Lisle sur Tarn où sont ses parents.
Là, il va travailler à l’organisation clandestine de la CNT-AIT [2], et rejoint, en 1942, la résistance sur le secteur Salvagnac Gaillac groupe 11 de la 7ème brigade des Guérilleros espagnols rattaché aux Forces Françaises de l’Intérieur. Il participera aux actions qui ont évité la présence allemande à Gaillac, et aussi, à la libération d’Albi en 1944.
En septembre 44 il part avec le 186 ème bataillon FFI participer aux opérations de pénétration organisées par la « UNE » ; en octobre 44, son groupe composé de 5 hommes basé à Saint Lary Soulans aura pour mission la surveillance et la reconnaissance du territoire frontalier, le passage ou l’exfiltration de guérilleros.
Il le dira bien plus tard : « Nous avons commis une seule erreur : notre participation à la guerre au lieu d’assoir et confirmer l’œuvre de la révolution sociale. »
Dès la fin de la guerre on le retrouve comme bûcheron, journalier agricole puis paysan artisan maçon .Avec sa Compagne Angela, jeune Andalouse, qui sera de tous ses combats, il fonde une famille sans oublier sa terre natale. Il va alors consacrer ses efforts à la reconstruction de la CNT Espagnole en exil sur Toulouse (MLE-CNT de l’exil). Martín, sachant l’importance qu’il faut accorder aux faits, n’aura de cesse de lutter pour la justice et la vérité historique loin des manipulations et des tentatives de réécriture partisanes. Il est un des co-fondateurs du Centre Toulousain de L’Exil Espagnol. Militant de la CNT-AIT, toujours du côté des plus fragiles, la solidarité et l’appui mutuel chez lui n’étaient pas de vains mots.
De retour en 1968 à Angūes dans son village natal, il rentrera définitivement dans celui-ci après la mort de Franco.
Depuis il concentra ses efforts quotidiens au travail de mémoire historique, ouverture des fosses communes afin de rendre justice et dignité aux victimes assassinées. En 2018 il retrouve les restes de son frère Roman dans le cimetière de « los martires »à Huesca, 81 ans après son assassinat.
Mais Martín ne vivait pas que dans le passé. Combien de fois intervenant en milieu scolaire, lieux alternatifs ou villages occupés, Martín par sa présence s’intéressant toujours à un autre futur, prenait tout son temps pour échanger avec la jeunesse. Au- delà de son combat pour la mémoire, Martín a été un pédagogue convaincu portant aussi grand intérêt à la transmission.
Autodidacte érudit, il apprit très vite l’espagnol, l’aragonais le français l’occitan et l’espéranto. Par ses lectures incessantes – Martín depuis 1949 lisait et écrivait tous les jours après le travail – il enrichissait sa réflexion d’été humain engagé.
Martín a été aussi un homme qui aimait la rencontre et un passeur d’idées et de valeurs. Son regard sur le monde loin des idéologies, sa philosophie, nous ont donné une belle leçon de vie, humble et digne mais déterminée sans dieu ni maitre.
Martín était un « gran Compañero ».
Hasta siempre Martín !
Ses compagnons de la CNT-AIT de France
Bibliographie de Martín Arnal Mur :
Memoria de un anarquista de Angües 2009.2018 ed comuniter
Ecos de un lugar cualquiera 2018 ed comuniter
Sin romper el hilo de nuestra historia 2021 ed Zoila Acasibar
A lire aussi son interview donnée au Salto :
https://www.elsaltodiario.com/memoria-historica/entrevista-martin-arnal-habr%C3%ADa-matado-franco