Le gouvernement devrait légaliser les « écoutes » informatiques. Un volet de la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure autoriserait la police à installer des chevaux de Troie.
A l’instar des téléphones, les ordinateurs seront bientôt mis sur écoute. La Police devrait obtenir le droit de mettre sous surveillance les machines des particuliers ou des entreprises dans le cadre d’affaires criminelles ou de délinquance en bande organisée. Le projet soutenu par la ministre de l’Intérieur, Michèle Alliot-Marie, devrait figurer dans la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (lopsi 2) qui sera présentée en conseil des ministres début 2008. Le texte sera ensuite débattu au Parlement et son entrée en vigueur ne devrait pas intervenir avant plusieurs mois.
L’information révélée ce week-end par Le Figaro a été confirmée à l’ AFP par une source gouvernementale pour laquelle il s’agit « d’étendre aux données informatiques ce qui est déjà prévu pour le son et l’image ».
En effet, l’article 706-96 du code de la procédure pénale permet « la mise en place de dispositifs techniques ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, la captation, la fixation, l’enregistrement de paroles prononcées par une ou plusieurs personnes (..) ou l’image d’une ou plusieurs personnes dans un lieu privé ».
L’espionnage des ordinateurs serait accordé par la justice dans le cadre d’affaires les plus graves comme la pédophilie, le meurtre, ou les trafics d’armes, de stupéfiants, ou le blanchiment d’argent, etc. Les juges d’instruction et celui des libertés et de la détention auraient la possibilité d’accorder ce pouvoir à la Police dans le cadre d’enquêtes préliminaires.
Un espionnage encadré par la Cnil
L’espionnage électronique pourrait revêtir plusieurs formes. Les policiers pourraient au travers d’e-mails infectés installer des spywares (logiciels espions) sur les ordinateurs suspects et ainsi surveiller à distance les informations stockées sur le disque dur ou les échanges passant par messageries électronique ou instantanée. Les agents pourraient également s’introduire au domicile ou dans l’entreprise et placer un cheval de Troie ou « des clés de connexion, souvent semblables à des clés USB » pour ausculter les machines, rapporte Le Figaro .
Avant que la loi ne soit appliquée, la Commission nationale de l’informatique et des libertés devrait être saisie pour se prononcer sur le sujet. « Lorsque nous avons auditionné Michèle Alliot-Marie il y a quelques jours, elle nous a fait part de son intention de saisir la Cnil pour tous les dossiers concernant la lopsi 2 , commente Yann Padova, secrétaire générale de la CNIL. Nous serons amenés à nous prononcer sur la proportionnalité de la mesure, entre les moyens mis en oeuvre et le but recherché. Nous pourrons également émettre un avis sur les destinataires des informations ou la durée de conservations de ces données ».
La France n’est pas le seul pays européen à souhaiter accéder aux informations stockées sur les ordinateurs des particuliers ou des entreprises. Le gouvernement autrichien a ainsi donné en octobre 2007 un accord de principe à sa Police afin qu’elle puisse espionner les machines de suspects. Un groupe de travail a été mis en place, pour définir les critères d’application de cette loi qui pourrait être appliquée d’ici à l’été 2008.
Ici comme en France, plusieurs questions restent encore sans réponse : les logiciels de la police pourront-ils passer à travers les mailles du filet des outils antispyware ? Enfin, en cas de désactivation de ces derniers, quelle sera la responsabilité des forces de l’ordre si des données sensibles ou personnelles sont dérobées par un pirate informatique pour une utilisation frauduleuse ?
Hélène Puel , 01net.