En France, plus personne ne croit les médias dominants. Une étude révèle qu’à peine 30% de la population déclare encore « faire confiance aux médias ». Un taux comparable à celui de la Slovaquie et la Hongrie. Dans notre pays, la quasi-totalité des journaux et chaines de télévision sont possédés par une poignée de milliardaires, majoritairement d’extrême droite. Dans ce contexte, un banquier mégalomane est propulsé au pouvoir. Un chroniqueur pétainiste monopolise le temps d’antenne. La femme d’un ministre anime une émission sur son propre mari. La police et l’extrême droite habitent quasiment sur les plateaux de télévision. On nous impose au quotidien des débats sur la possibilité de tirer sur les Gilets Jaunes, la façon la plus brutale de traiter les musulmans ou de laisser mourir les non-vaccinés, la manière la plus efficace de détruire ce qu’il reste de conquêtes sociales. Nous subissons, collectivement, une entreprise de conditionnement, un lavage de cerveau, un affaissement de nos imaginaires extrêmement violent.
Mais pour les tenants du pouvoir, cela n’est jamais assez. Il faut encore faire taire les voix, minuscules, qui tentent de faire vivre une information indépendante. De faire entendre d’autres paroles. Le ministre Gérald Darmanin annonce sa volonté de dissoudre Nantes Révoltée. En 10 ans d’existence, ce média indépendant a mené un travail quotidien de journalisme, réalisé des milliers d’articles, de reportages, d’analyses, publié dix revues. Nantes Révoltée documente avec sérieux les violences d’État, et joue un vrai rôle de contre-pouvoir local et national. Leurs articles sont lus par plusieurs millions de personnes chaque mois. Sans Nantes Révoltée, il n’y aurait sans doute pas eu d’affaire Steve, en 2019. Et puisque Nantes Révoltée donne la parole à celles et ceux qu’on n’entend pas, qu’on exploite, qu’on réprime, elle relaie aussi les appels à manifester. C’est sur ce point que le gouvernement veut dissoudre ce média.
Si relayer des appels à manifester est un motif de dissolution, alors le gouvernement va devoir dissoudre plusieurs dizaines d’organisations, syndicats, pages Facebook. Si s’opposer aux violences d’État comme le fait Nantes Révoltée est un motif de dissolution, il va falloir « dissoudre » aussi des centaines de journalistes, de pages Facebook, de médias qui travaillent sur ces questions. Et après ?
Un ministre accusé de viol, un député amateur de homard, un président banquier élu grâce au chantage électoral, une élue proche de l’escroc condamné François Fillon : voilà le pedigree des individus qui prétendent nous faire taire au nom de l’ordre et de la légalité. Cette procédure administrative vise à asphyxier les oppositions, les contre-pouvoirs. C’est une attaque en règle contre la liberté de la presse et la liberté d’expression de la part d’une minuscule caste qui ne représente plus qu’elle même.
En 2022, le régime politique semble avoir atteint un niveau d’illégitimité et de faiblesse si élevé qu’il se sent menacé par un petit média indépendant et local. En 24h, une poignée d’élus de droite et d’extrême droite auront obtenu du ministre de l’Intérieur une procédure de dissolution, formulée à l’Assemblée Nationale, et applaudie par des dizaines de députés. Nous avons une bonne nouvelle : un régime aussi faible, aussi fébrile, aussi grotesque, est un régime sur le point de tomber.
Nous, lecteurs et lectrices, médias indépendants, soutenons Nantes Révoltée et nous opposons à la dissolution de médias indépendants, et comptons bien faire bloc contre l’offensive autoritaire du gouvernement à l’égard des voix divergentes.
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