Demain Le Grand Soir
NI DIEU, NI MAITRE, NI CHARLIE !

Le Site de Demain le Grand Soir est issu de l’émission hebdomadaire sur "Radio Béton", qui fut par le passé d’informations et de débats libertaires. L’émission s’étant désormais autonomisée (inféodé à un attelage populiste UCL37 (tendance beaufs-misogynes-virilistes-alcooliques)/gilets jaunes/sociaux-démocrates ) et, malgré la demande des anciens adhérent-es de l’association, a conservé et usurpé le nom DLGS. Heureusement, le site continue son chemin libertaire...

Le site a été attaqué et détruit par des pirates les 29 et 30 septembre 2014 au lendemain de la publication de l’avis de dissolution du groupe fasciste "Vox Populi".

Il renaît ce mardi 27 octobre 2014 de ses cendres.

" En devenant anarchistes, nous déclarons la guerre à tout ce flot de tromperie, de ruse, d’exploitation, de dépravation, de vice, d’inégalité en un mot - qu’elles ont déversé dans les coeurs de nous tous. Nous déclarons la guerre à leur manière d’agir, à leur manière de penser. Le gouverné, le trompé, l’exploité, et ainsi de suite, blessent avant tout nos sentiments d’égalité.
(....)Une fois que tu auras vu une iniquité et que tu l’auras comprise - une iniquité dans la vie, un mensonge dans la science, ou une souffrance imposée par un autre -, révolte-toi contre l’iniquité, contre le mensonge et l’injustice. Lutte ! La lutte c’est la vie d’autant plus intense que la lutte sera plus vive. Et alors tu auras vécu, et pour quelques heures de cette vie tu ne donneras pas des années de végétation dans la pourriture du marais. "

Piotr Kropotkine -

« Ils sont partout », une plongée vertigineuse dans les méandres du complotisme
Article mis en ligne le 15 mars 2022
dernière modification le 13 mars 2022

par siksatnam

Très documenté, le roman graphique Ils sont partout (Les Arènes BD), en librairie depuis le 10 mars, propose une fiction à la lisière de la réalité sur les nouveaux visages du complotisme, entre dérives sectaires, arnaques financières et recrutement pour le terrorisme d’extrême-droite.

Sans vouloir alimenter un complot autour du complot, force est de reconnaître que l’on parle encore assez peu du terrorisme d’extrême-droite. Il y a quelques temps de cela, les services secrets intérieurs britanniques, le MI5, reconnaissaient pourtant que la radicalisation de jeunes néo nazis adeptes de la théorie du suprématisme blanc était à l’origine de 13 % des tentatives d’attentat dans le pays – une hausse exponentielle.

Décomplexés par le mandat de Trump, les milices suprématistes américaines comme les Proud Boys étaient à la manœuvre lors de l’assaut mi pieds-nickelés mi coup d’État contre le Capitole, le 6 janvier 2021. Rappelons également les attentats de Christchurch perpétrés par Brenton Tarrant contre deux mosquées en Nouvelle Zélande – qui ont causé 51 morts et 49 blessés, en 2019, et qui étaient menés au nom de cette même idéologie.

Un panorama exhaustif de l’écosystème complotiste

Ils sont partout brosse un panorama exhaustif de ce nouvel écosystème par le biais d’un récit fictif où l’on croise, notamment, un grand nombre de figures majeures de la sphère complotisme française- de Thierry Casanovas à Alain Soral en passant par Dieudonné. Il déroule également avec beaucoup d’habileté la mécanique de recrutement savamment orchestrée de leurs petits soldats.

Car le carburant commun derrière chacun de ces personnages à l’influence croissante, ce sont des croyances occultes voire complètement folles : les platistes côtoient ainsi les antivax, les tenants du Nouvel ordre mondial ou encore les adeptes de QAnon – le méta-complot ultime de l’ère Trump. Et de l’adhésion à des idées radicales au passage à des actions extrêmes, il n’y malheureusement parfois qu’un pas.

Mais revenons sur l’intrigue principale : Claire, jeune journaliste issue d’une famille d’intellectuels rennais, observe de loin la fascination de son petit frère décrocheur scolaire pour les vidéos de Thierry Casanovas et autres adeptes du crudivorisme. Alors qu’il se rend à une fête organisée par des amis de Dieudonné où toute la complosphère échange, débat et discute, la grande sœur s’inquiète de l’état mental de son frère et la réponse de ce dernier n’est pas pour la rassurer : « Il y a deux grandes erreurs avec les complots : en voir partout… et n’en voir nulle part ».

S’il est le premier à se moquer de certaines théories comme le platisme ou le fait de boire de l’urine pour se guérir, il n’en demeure pas moins persuadé que les Occidentaux sont à la solde de Big Pharma. « L’industrie pharmaceutique agit comme Bil Gates avec Microsoft, elle crée le virus pour te vendre l’anti-virus derrière : le vaccin  ! ».

Les juifs comme ennemi commun

Surtout, entre les récits, un dénominateur commun : les juifs. Ils n’auraient pas été présents dans les tours du 11 septembre, ils auraient inventé les chambres à gaz et se victimiseraient à outrance pour obtenir la concession de l’État d’Israël. Ils seraient également à l’avant-garde du « Nouvel Ordre Mondial », projet secret de domination planétaire fomenté parfois par les francs-maçons, les illuminati, et donc, les juifs…

Le frère de Claire disparaît et se radicalise dans des stages de préparation à un projet d’attentat visant un grand nombre de figures juives célèbres en France. Claire tente alors de le retrouver en se faisant aider par un ancien journaliste spécialiste des réseaux d’extrême-droite qui l’envoie faire des stages survivalistes pour essayer de retrouver des indices. Dans leur quête commune, on croise des agents de la DGSI qui surveillent des amis de Jean-Marie le Pen soutenant financièrement les terroristes. On voit aussi l’émulation liée à l’internalisation de leur lutte depuis quelques années avec l’offensive suprématiste menée dans le sillage de Steve Banon.

Une analyse jamais manichéenne

Parmi les quatre autrices et auteurs (Igounet, Schwartzmann, Lara, Navarro) de Ils sont partout, on retrouve la patte de Valérie Igounet, directrice adjointe de Conspiracy Watch et déjà autrice de L’Illusion nationale (Les Arènes, 2017) longue plongée dans des villes dirigées par le Front National. Maîtrisant parfaitement ces univers, elle les analyse de façon non-manichéenne : sans jugement de valeur, elle cherche à comprendre pourquoi leurs mouvements aspire autant de personnes non racistes ou antisémites à l’origine. Manque de reconnaissance, peur de la relégation, défiance dans les discours des médias traditionnels sont autant de porte d’entrée pour basculer dans des groupuscules violents.

Le livre s’achève sur un discours d’Éric Zemmour, premier candidat à la présidentielle avec un socle électorat conséquent qui colporte ouvertement l’un des complots les plus anciens et les plus dangereux : celui du Grand Remplacement. Cette thèse, naguère employée uniquement par les plus marginaux des militants d’extrême-droite, n’est plus tabou du tout. Zemmour en fait un de ses grands axes de campagne, le Rassemblement National ne l’esquive plus et même Valérie Pécresse l’évoque, candidate LR, l’évoque dans ses meetings.

Résolument inquiétante car elle montre la facilité de l’endoctrinement, la lecture d’Ils sont partout est à conseiller à toutes celles et ceux qui s’inquiètent de voir des gens débattre autour d’eux de théories dont le caractère irrationnel ne constitue plus du tout un garde-fou.

Vincent Edin - 11 mars 2022