Demain Le Grand Soir
NI DIEU, NI MAITRE, NI CHARLIE !

Le Site de Demain le Grand Soir est issu de l’émission hebdomadaire sur "Radio Béton", qui fut par le passé d’informations et de débats libertaires. L’émission s’étant désormais autonomisée (inféodé à un attelage populiste UCL37 (tendance beaufs-misogynes-virilistes-alcooliques)/gilets jaunes/sociaux-démocrates ) et, malgré la demande des anciens adhérent-es de l’association, a conservé et usurpé le nom DLGS. Heureusement, le site continue son chemin libertaire...

Le site a été attaqué et détruit par des pirates les 29 et 30 septembre 2014 au lendemain de la publication de l’avis de dissolution du groupe fasciste "Vox Populi".

Il renaît ce mardi 27 octobre 2014 de ses cendres.

" En devenant anarchistes, nous déclarons la guerre à tout ce flot de tromperie, de ruse, d’exploitation, de dépravation, de vice, d’inégalité en un mot - qu’elles ont déversé dans les coeurs de nous tous. Nous déclarons la guerre à leur manière d’agir, à leur manière de penser. Le gouverné, le trompé, l’exploité, et ainsi de suite, blessent avant tout nos sentiments d’égalité.
(....)Une fois que tu auras vu une iniquité et que tu l’auras comprise - une iniquité dans la vie, un mensonge dans la science, ou une souffrance imposée par un autre -, révolte-toi contre l’iniquité, contre le mensonge et l’injustice. Lutte ! La lutte c’est la vie d’autant plus intense que la lutte sera plus vive. Et alors tu auras vécu, et pour quelques heures de cette vie tu ne donneras pas des années de végétation dans la pourriture du marais. "

Piotr Kropotkine -

Interview des anarcho-syndicalistes Russes : pas de guerre sauf la guerre de classe
Article mis en ligne le 25 mars 2022
dernière modification le 24 mars 2022

par siksatnam

Nous avons traduit l’échange entre les anarchosyndicalistes de la KRAS-AIT (section en Russie de l’Association Internationale des Travailleurs) et le groupe anarchoféministe de Moiras (Espagne). Ce texte donne un éclairage de classe et géopolitique sur la guerre menée par la Fédération de Russie en Ukraine, en remplaçant ce conflit dans le contexte général des luttes de pouvoir dans l’espace post-soviétique. Il donne aussi des informations sur le résistance contre la guerre en Russie.

Compte tenu de la rapidité avec laquelle les événements de la guerre en Ukraine avancent et de la fragmentation, de la confusion et de la partialité des informations qui nous parviennent à travers les différents médias, le groupe anarcoféministe espagnol Moiras a décidé d’adresser quelques questions cette semaine à la section russe de l’AIT, avec afin d’obtenir une perspective libertaire sur le conflit qui nous aide à nous positionner et à prendre des décisions basées sur vision plus ample de la situation.

Dans le texte qui suit, ces questions sont rassemblées avec les réponses envoyées par KRAS, que nous remercions d’ici pour leur réponse rapide et éclarante.

Grupo Moiras (GM) : Dans votre déclaration à l’AIT sur la guerre en Ukraine, vous désignez les marchés du gaz comme la principale raison du conflit. Nous aimerions que vous nous en disiez plus sur les intérêts capitalistes spécifiques derrière cette guerre, tant du côté russe que du côté pro-OTAN, et que vous nous parliez de l’évolution récente de la politique dans votre région, basée sur ces marchés et leur influence sur l’économie des pays occidentaux. Cette information reste généralement au second plan dans la version du média ici, très focalisée sur l’actualité quotidienne, mais où il y a peu d’analyses.

KRAS-AIT : Tout d’abord, il faut comprendre qu’il existe différents niveaux de conflit et différents niveaux de contradictions inter-capitalistes.

Au niveau régional, la guerre d’aujourd’hui n’est que la continuation de la lutte entre les castes dirigeantes des États post-soviétiques pour le redécoupage de l’espace post-soviétique. Contrairement au mythe populaire, l’effondrement de l’Union soviétique n’est pas le résultat de mouvements de libération populaire, mais plutôt celui des actions d’une partie de la nomenklatura soviétique alors au pouvoir, qui a divisé les territoires et les zones d’influence entre eux, alors que les méthodes habituelle et établies de leur pouvoir étaient en crise. Depuis cette division initiale, qui était basée sur l’équilibre des forces hérité de l’époque [soviétique], une lutte constante pour la redistribution des territoires et des ressources s’est développée, conduisant à des guerres constantes dans toute la région post-soviétique. Dans le même temps, les classes dirigeantes de tous les États post-soviétiques (qui sont toutes, à un degré ou à un autre, issues de la nomenklatura soviétique ou de ses successeurs) ont adopté le nationalisme militant comme l’idéologie, le néolibéralisme dans l’économie et les méthodes de gestion autoritaires. en politique.

Le deuxième niveau de conflit est la lutte pour l’hégémonie dans l’espace post-soviétique entre d’une part l’État le plus fort de la région, la Russie, qui se dit puissance régionale et considère l’ensemble de l’espace post-soviétique comme une zone de ses intérêts hégémoniques, et d’autre part les États du bloc occidental (même si, ici aussi, les intérêts et les aspirations des États-Unis et des États européens individuels de l’OTAN et de l’UE peuvent ne pas être exactement les mêmes). Les deux parties cherchent à établir leur contrôle économique et politique sur les pays de l’ex-Union soviétique. D’où l’affrontement entre l’élargissement de l’OTAN à l’Est et la volonté russe de sécuriser ces pays sous son influence.

Le troisième niveau de contradictions est de nature économico-stratégique. Ce n’est pas un hasard si la Russie moderne est appelée "un appendice du gazoduc et de l’oléoduc". La Russie joue aujourd’hui en premier lieu sur le marché mondial le rôle de fournisseur de ressources énergétiques, de gaz et de pétrole. La classe dirigeante prédatrice et complètement corrompue, purement parasitaire dans son essence, n’a pas commencé à investir dans la diversification de la structure économique, se contentant des surprofits de l’approvisionnement en pétrole et en gaz. Pendant ce temps, le capital et les États occidentaux entament la transition vers une nouvelle structure énergétique, la soi-disant « énergie verte », visant à réduire la consommation de gaz et de pétrole à l’avenir. Pour le capital russe et son économie, cela signifiera le même effondrement stratégique que la chute des prix du pétrole a provoqué autrefois pour l’économie soviétique. Par conséquent, le Kremlin cherche à empêcher ce retournement énergétique, ou à le ralentir, ou du moins à se créer des conditions plus favorables dans la redistribution du marché de l’énergie. Par exemple, rechercher des contrats d’approvisionnement à long terme et de meilleurs prix, repousser les concurrents, etc. Si nécessaire, cela peut impliquer une pression directe sur l’Occident de diverses manières.

Enfin, le quatrième niveau (global / mondial) est celui des contradictions entre les principales superpuissances capitalistes, les États-Unis – qui sont sur le recul - et la Chine qui elle avance, [deux blocs] autour desquels se forment des blocs d’alliés, de vassaux et de satellites. Les deux pays se disputent désormais l’hégémonie mondiale. Pour la Chine, dans le cadre de sa stratégie des « nouvelles routes de la soie » ( « one belt, one road ») et de la conquête progressive des économies d’Asie, d’Afrique, d’Amérique latine et la pénétration de l’Europe, la Russie est un partenaire certes mineur mais important. La réponse des États-Unis et de leurs alliés occidentaux est l’expansion de l’OTAN vers l’Est, s’étendant à travers l’Ukraine et la Géorgie vers le Proche et le Moyen-Orient et ses ressources. Cette expansion est également d’un projet de type "ceinture". Elle se heurte à la résistance de ses rivaux impérialistes : la Chine et la Russie, qui dépendent de plus en plus de l’un de l’autre.

Dans le même temps, l’aspect politique interne ne doit pas être négligé. La crise du Covid a mis à nu la profonde instabilité interne de la structure politique, économique et sociale de tous les pays du monde. Cela vaut également pour les États de l’Ouest, la Russie, l’Ukraine, etc. La détérioration des conditions de vie, la croissance des prix et des inégalités sociales, l’indignation massive de la population face aux mesures et interdictions sanitaires coercitives et dictatoriales ont suscité un mécontentement généralisé dans la société. Et dans de telles situations, les classes dirigeantes ont toujours eu recours à des méthodes éprouvées pour restaurer la fameuse "unité nationale" et la confiance de la population dans le pouvoir : en créant l’image d’un ennemi et attisant l’hystérie militaire, voire [en provoquant] une "petite guerre victorieuse ". »

Grupo Moiras : Dans les pays de l’Union européenne, les médias, faisant écho aux gouvernements, ne cessent de nous répéter que Poutine est le seul responsable de cette guerre. Connaissant l’histoire de l’OTAN, avec les États-Unis en tête, nous pensons que ce n’est pas le cas. Comment expliquer cela à nos populations sans donner l’impression que nous justifions l’attaque russe et que nous nous rangeons du côté du gouvernement Poutine ?

KRAS-AIT : Malheureusement, l’opinion publique de masse a tendance à rechercher des réponses simples et grossières aux questions [complexes]. Nous n’avons aucune raison de sympathiser avec le propriétaire du Kremlin et son administration. Ses politiques néolibérales ont mené à un véritable effondrement des systèmes de santé et d’éducation, à la pauvreté des retraités et des travailleurs du secteur public en province. Les salaires dans le pays sont monstrueusement bas, le mouvement ouvrier est vraiment paralysé... Mais, quoi qu’il en soit, nous comprenons que tout cela est le produit d’un certain système basé sur l’Etat et le Capital. Nous ne vivons pas au XVIIe siècle, ni à l’ère des monarchies absolutistes. Considérer tout ce qui se passe dans le monde comme l’œuvre de quelques « héros » ou « anti-héros » individuels est pour le moins naïf, mais c’est en fait une des formes de la théorie du complot elle-même. C’était pardonnable au XIXe siècle quand c’était l’œuvre du romantique Thomas Carlyle ou de l’écrivain Alexandre Dumas. Mais à notre époque, il est nécessaire de comprendre que le monde est beaucoup plus compliqué et que le capitalisme, en tant que système social, fonctionne différemment. Par conséquent, notre tâche est d’expliquer aux gens la conditionnalité systémique des problèmes qui secouent le monde aujourd’hui. Y compris les guerres de ce monde. Et que la seule façon de résoudre ces problèmes est de détruire le système social qui les crée.

Grupo Moiras : Les schémas de la guerre froide sont reproduits, de sorte qu’il semble que si vous critiquez un camp, c’est parce que vous êtes avec l’autre. Les anarchistes trouvent cela très problématique, surtout quand nous n’avons pas de force sociale. Nous voulons agir, mais nous craignons d’être entraînés et utilisés par les armées des États. Dans les manifestations qui se déroulent dans nos villes, la proclamation du « non à la guerre » se mêle aux demandes d’intervention de l’OTAN. Le journalisme lié au gouvernement du parti socialiste espagnol, le PSOE, nous présente la nécessité d’intervenir, établissant parfois un parallèle historique avec la guerre civile espagnole et les conséquences de la non-intervention des pays européens, ou la participation des exilés espagnols en France, parmi lesquels beaucoup d’anarchistes, dans les Forces Françaises Libres contre les nazis. Que faire ? Pacifisme et non-intervention, comme l’était la position majoritaire de l’anarchisme contre la Première Guerre mondiale, ou soutien à la résistance ukrainienne contre l’invasion des troupes russes ? Cette deuxième option peut-elle être considérée comme une action internationaliste contre l’impérialisme ?

KRAS-AIT : De notre point de vue, il n’y a pas de comparaison avec la situation de la guerre civile en Espagne [qui était d’ailleurs une révolution et pas une guerre]. Les anarchistes espagnols prônaient une révolution sociale. De même, il ne peut y avoir de comparaison entre, disons, le mouvement makhnoviste en Ukraine et la défense de l’État ukrainien moderne. Oui, Makhno s’est battu contre les envahisseurs étrangers, les Austro-Allemands, et contre les nationalistes ukrainiens, et contre les Blancs et, à la fin, contre les Rouges. Mais les partisans makhnovistes ne se sont pas battus pour l’indépendance politique de l’Ukraine (à laquelle, en fait, ils étaient complètement indifférents), mais pour la défense de leurs acquis sociaux révolutionnaires : pour la terre aux paysans et la gestion ouvrière de l’industrie, pour des soviets libres. Dans la guerre actuelle, on parle exclusivement de l’affrontement entre deux États, deux groupes de capitalistes, deux nationalismes. Ce n’est pas aux anarchistes de choisir entre eux le « moindre mal ». Nous ne voulons pas la victoire de l’un ou de l’autre. Toute notre sympathie va aux travailleurs ordinaires qui meurent aujourd’hui sous les projectiles, les roquettes et les bombes.

En même temps, il convient de rappeler que la position de la plupart des anarchistes pendant la Première Guerre mondiale n’était pas simplement pacifiste. Comme indiqué dans le manifeste anti-guerre de 1915, c’est un chemin pour transformer la guerre impérialiste en une révolution sociale. Quelles que soient les chances d’y parvenir à l’heure actuelle, les anarchistes, à notre avis, devraient constamment formuler et propager une telle perspective.

Grupo Moiras : D’autre part, nous recevons des images d’internet de groupes armés qui se présentent comme un bataillon anarchiste de l’armée ukrainienne, savez-vous s’ils sont vraiment anarchistes et quelle est leur façon de voir le conflit ? Et quant au recours aux armes occidentales pour combattre l’attaque russe, cela ne conditionne-t-il pas trop la possibilité de bataillons libertaires dans l’armée ou d’une guérilla anarchiste ukrainienne indépendante ? Savez-vous ce qu’il reste de la Makhnovichina, la révolution anarchiste d’il y a un siècle, dans la mémoire du peuple ukrainien ? Existe-t-il un mouvement anarchiste en Ukraine aujourd’hui ?

KRAS-AIT : En 2014, le mouvement anarchiste ukrainien était divisé entre ceux qui soutenaient la protestation libérale-nationaliste de Maïdan et qui ensuite ont aidé le nouveau gouvernement contre les séparatistes du Donbass et ceux qui essayaient d’adopter une position plus internationaliste. Malheureusement, les seconds était moins nombreux, mais ils existaient.

Aujourd’hui la situation est similaire , mais encore plus aiguë. En gros, il y a trois positions. Certains groupes (comme les groupes « Nihiliste » ou « Revolutionary Action » à Kiev) considèrent ce qui se passe comme une guerre contre l’impérialisme russe et la dictature de Poutine. Ils soutiennent pleinement l’État nationaliste ukrainien et ses efforts militaires dans cette guerre. La tristement célèbre photo des combattants « anarchistes » en uniforme montre exactement les représentants de cette tendance : elle montre en particulier les supporters du club de football « antifasciste » Arsenal et les participants de « l’Action révolutionnaire ». Ces « antifascistes » ne sont même pas gênés par le fait que des formations armées ouvertement profascistes, comme Azov, figurent parmi les troupes ukrainiennes.

La deuxième position est représentée, par exemple, par le groupe « Drapeau Noir » de Kiev et Lvov. Avant la guerre, il menaient un critique sévère de l’État ukrainien, de la classe dirigeante, de ses politiques néolibérales et de son nationalisme. Avec le déclenchement de la guerre, le groupe a déclaré que le capitalisme et les dirigeants des deux côtés étaient à blâmer pour la guerre, mais a en même temps il a appelé à rejoindre les forces de la soi-disant "autodéfense territoriale" - des unités militaires volontaires d’infanterie légère. , qui sont formés sur une base territoriale, sur le terrain.

La troisième position est exprimée par le groupe « Assemblée » à Kharkov. Il condamne également les deux côtés du conflit, bien qu’il considère l’État du Kremlin comme la force la plus dangereuse et la plus réactionnaire. Il n’appelle pas à rejoindre des formations armées. Les militants du groupe organisent désormais une assistance à la population civile et aux victimes des bombardements de l’armée russe.

La participation des anarchistes à cette guerre dans le cadre des formations armées opérant en Ukraine, nous la considérons comme une rupture avec l’idée et la cause de l’anarchisme. Ces formations armées ne sont pas indépendantes, elles sont subordonnées à l’armée ukrainienne et exécutent les tâches fixées par les autorités. Elles ne possèdent pas de programmes [politique] et n’ont pas de revendications sociales. L’espoir de mener une agitation anarchiste parmi ces formations armées est douteux. Il n’y a pas de révolution sociale à défendre en Ukraine. En d’autres termes, ces personnes qui se disent anarchistes sont simplement envoyées pour "défendre la patrie" et l’État, jouant le rôle de chair à canon pour le Capital et renforçant les sentiments nationalistes et militaristes parmi les masses.

Grupo Moiras : Dans nos villes, les communautés de travailleurs migrants ukrainiens, avec la collaboration des organisations humanitaires et des municipalités, organisent la collecte et l’envoi vers l’Ukraine de nourriture, de vêtements chauds, de médicaments... La population espagnole est très solidaire mais ni la guerre ni la pandémie de covid semble avoir servi nos sociétés à s’interroger sur les dépendances aux ressources énergétiques et aux matières premières, dépendances qui entretiennent le néo-colonialisme et détruisent l’équilibre naturel de la planète. Compte tenu de la rareté des ressources, un retour au charbon et une relance du nucléaire sont attendus. Peut-être que la société russe est plus consciente des dangers et du besoin d’alternatives ? Existe-t-il un plan d’action en ce sens de la part des mouvements sociaux ?

KRAS-AIT : Malheureusement, l’état des mouvements sociaux dans la Russie moderne est déplorable. Il est vrai que, ces dernières années, il y a eu plusieurs protestations environnementales actives et persistantes au niveau local : contre les décharges, les incinérateurs de déchets ou la destruction de l’environnement par l’industrie minière, y compris l’extraction du charbon. Mais ces luttes n’ont jamais abouti à un mouvement puissant au niveau du pays dans son ensemble. Quant à la lutte contre l’énergie atomique et les centrales nucléaires, qui a atteint son apogée en Union soviétique et en Russie à la fin des années 1980 et dans les années 1990, il n’y a pratiquement plus de mobilisations de ce type.

Grupo Moiras : Les manifestations des Russes contre la guerre aident à comprendre aux peuples européens que ce ne sont pas les Russes qui attaquent l’Ukraine, mais l’armée de l’Etat qui gouverne la Russie. Cela se reflète dans les médias de nos pays, et nous savons qu’il y a des milliers de détenus là-bas en Russie à la suite des manifestations, comment cela affecte-t-il l’anarchisme russe ? Qu’est-ce que cela signifiera pour votre liberté d’expression et d’action dans votre pays ?

KRAS-AIT : Les manifestations et diverses autres actions contre la guerre n’ont pas cessé tous les jours depuis le premier jour. Des milliers de personnes y participent. Les autorités interdisent leur célébration sous prétexte de "restrictions anticovid" et les dispersent brutalement. Au total, jusqu’au 8 mars, quelque 11 000 personnes ont été détenues lors de manifestations dans plus de 100 villes du pays. La plupart encourent des amendes de 10 000 à 20 000 roubles pour avoir organisé des manifestations « non autorisées ».

Cependant, il y a déjà des accusations plus graves : 28 personnes ont déjà été accusées de vandalisme, d’extrémisme, de violence contre les autorités, etc., pour lesquelles elles risquent des peines pouvant aller jusqu’à plusieurs années de prison.

Les autorités utilisent clairement la guerre comme une opportunité pour « serrer la vis » à l’intérieur du pays. Les médias critiques sont fermés ou bloqués. Une campagne de guerre hystérique est menée dans les médias officiels. Une loi a été votée selon laquelle la diffusion de « fausses informations » sur les activités de l’armée et le « discrédit de l’armée », ainsi que la résistance à la police, sont passibles d’une peine pouvant aller jusqu’à 15 ans de prison. Un projet de loi a même été déposé au parlement qui permettrait d’envoyer au front les opposants à la guerre arrêtés. Des gens sont licenciés de leur travail, des étudiants sont expulsés des universités pour des discours anti-guerre. La censure militaire a été introduite.

Dans cette situation, le petit mouvement anarchiste divisé en Russie fait ce qu’il peut. Certains participent à des manifestations de protestation. Ainsi, deux de nos collègues ont également été arrêtés et condamnés à de lourdes amendes. D’autres critiquent ces manifestations, car les appels en leur faveur viennent souvent de l’opposition libérale de droite et sont souvent moins anti-guerre que pro-ukrainiens (et parfois même pro-OTAN). Reste la possibilité d’aller aux manifestations avec nos slogans et banderoles (certains anarchistes le font), ou d’entreprendre de petites actions indépendantes et décentralisées. Les anarchistes écrivent des slogans anti-guerre sur les murs, peignent des graffitis, collent des autocollants et diffusent des tracts, accrochent des banderoles anti-guerre. Il est important de transmettre au peuple notre position particulière et indépendante, à la fois anti-guerre, anticapitaliste, anti-autoritaire et internationaliste.