Pour celles et ceux qui s’intéressent à la psychothérapie, un message d’un collectif de soignantes toulousaines investies dans la reprise de la mythique clinique de la Chesnaie, dans le Loir-et-Cher. N’hésitez pas à vous renseigner, à partager et à participer au projet !
Josephine Kalache
En mars dernier, le directeur de la clinique psychiatrique de la Chesnaie dans le Loir-et-Cher, a annoncé sa mise en vente par appel d’offre fixé au 18 juillet 2022. Un collectif de soignants s’est mobilisé pour répondre à cette annonce brutale de plusieurs manières dont l’une fut de proposer une coopérative pour répondre à cet ultimatum. L’échéance étant courte, il nous semblait important de soutenir cette initiative.
La clinique de la Chesnaie s’inscrit dans une histoire politique du soin et de sa pratique. Dans les lieux où la psychothérapie institutionnelle est à l’oeuvre, le statut, la place et le rôle du patient dans son parcours de soin peuvent prendre différentes formes visant à l’encourager, à s’éprouver en tant que sujet inclus dans un collectif. Contrairement à la posture attentiste dans laquelle, trop souvent, l’hôpital psychiatrique actuel le positionne, il trouve dans ces lieux de soin la possibilité de circuler librement entre des espaces différenciés, proposant des modalités d’accueil et d’inscription plus respectueuses de la temporalité, la singularité et du vécu de chacun. Aussi, il est soutenu dans l’expérience de la responsabilisation aussi bien individuelle que collective.
A l’heure actuelle, l’accès au soin est de plus en plus difficile quand il est encore possible et les soignants subissent une désappropriation totale de leurs outils de travail. Heureusement, il n’y a pas que de l’indifférence face à cette situation, les grèves ces derniers mois ne cessent de se multiplier aux urgences comme ailleurs. Et si la désertion devient le seul horizon de beaucoup de soignants, l’idée de coopérative comme moyen de résistance face à la privatisation de l’hôpital est à saluer. Car ce ne sont pas des managers ni le pouvoir décisionnaire incarné par une seule personne qui pourrait donner du sens au travail entamé.
Nous sommes certaines à être passées par des lieux de soins qui pratiquent de différentes manières les outils de la psychothérapie institutionnelle et nous voulons continuer à nous former et nous nourrir de ces pratiques où nous ne nous sommes pas assignées à la blouse et au badge, où les patients ne sont pas évincés de ce qui les concernent en premier lieu.
Aujourd’hui ces espaces sont tout autant menacés que l’hôpital, le nombre de soignants et de lits diminue et la numérisation s’invite de plus en plus dans la question du soin ; leurs directions ne dérogeant pas à la politique des ARS et des coupes budgétaires.
Si cette aventure s’avère complexe et courageuse, elle a du sens dans ce qu’elle peut permettre de rencontres et de questionnements sur la possibilité de réappropriation des outils de travail dans le soin que ce soit par les soignants et les patients. Comme fut la visée première des clubs thérapeutiques qui était de lutter contre les rigidités fonctionnelles et hiérarchiques et les forces d’inertie inhérantes à toute institution. Si nous pouvons soutenir un collectif qui souhaite reprendre la clinique, ces questions-là ne seront pas la seule décision d’une ou d’un directeur.
Nous soutenons aujourd’hui le collectif des Amis de la Chesnaie par une solidarité de diverses formes et notamment par celle de la prise de parts dans la coopérative créée pour répondre à l’appel d’offre de cet été.
Nous soutiendrons, s’il venait, tout mouvement de grève afin de faire pression pour que cette clinique revienne à ceux qui y travaillent et s’y soignent et non qu’elle soit vendue au plus offrant.
Si c’est bien une condition commune que nous éprouvons, peu importe là où nous bossons ou là où nous sommes soignés, nous espérons que cette initiative puisse inspirer et essaimer dans d’autres lieux, une résistance à la hauteur de l’offensive libérale qui continue de nous emmerder.
Nous sommes beaucoup à lutter pour la nécessité de soigner les institutions ; il nous faut également soigner la résistance. Car c’est bien par la peur et la répression que cette offensive libérale nous rend si souvent impuissants et silencieux, nous divise et démultiplie la paranoïa. Lutter ne peut pas devenir une exception ni la répression une banalité.