Sur TikTok, Millésime K publie ses freestyles à ses quelque 570.000 abonnés. Malgré des textes engagés à l’extrême droite, le Lyonnais se tient éloigné des mouvements fafs et des stars de la fachosphère.
Tiktok – Engoncé dans son costume Zara, les cheveux soigneusement coiffés, Millésime K commence chacun de ses freestyles quasi-hebdomadaires par un : « Je fais du rap, mais j’viens pas de la rue ». Son credo ? Redonner au « vrai » rap français ses lettres de noblesse, sans auto-tune ni glorification des crimes selon lui. Le jeune homme d’une vingtaine d’années conchie les rappeurs des quartiers, qui paient « des clips avec la thune des allocs » et reprend les gimmicks de l’extrême droite. « Ça vient crier dans la rue que tous les Français sont racistes, ils vont bientôt nous proposer de faire nos bagages », rappe-t-il dans le son « Jeanne d’Arc ». Il poursuit dans le même morceau :
« La flamme de la France s’affaiblit, je vais la raviver. […] Je pars en croisade, appelle moi Jeanne d’Arc. »
Et ça cartonne. Sur TikTok, le rappeur d’extrême droite est suivi par plus de 570.000 abonnés. Il a aussi plus de 70.000 abonnés sur YouTube et presque 50.000 sur Instagram.
Star discrète de la fachosphère
Millésime K ne fait pas mystère de son orientation politique à l’extrême droite. Sur le canal Telegram qu’anime le rappeur, il partage régulièrement à ses 500 abonnés des contenus chers à la fachosphère : qualifie de « FC Ouin Ouin » un militant qui parle de racisme systémique, se « régale » quand « Bardella dézingue les socialistes un par un » sur Cnews. Sous un post parlant d’une personne s’identifiant comme non-genrée, un certain Clément répond avec une photo de Zemmour tenant un fusil de sniper et le commentaire : « Sur les travelos ». Bonne ambiance. Et dans la chanson « Jeanne d’Arc », il prévient :
« Bientôt une guerre civile, on va finir par craquer. »
S’il est clair sur ses valeurs, rien ne filtre sur l’engagement politique de ce Lyonnais. Anthony (c’est son prénom) ne laisse rien dépasser. Tout juste apprend-on qu’il a été arbitre de foot dans sa jeunesse. Il n’apparaît dans aucun mouvement politique, ne donne aucun signe de préférence pour une Marine Le Pen ou un Zemmour, dans une ville, Lyon, connue pourtant pour être la capitale de l’extrême droite française. Et ce n’est pas lui qui nous en dira plus. Contacté, le jeune homme n’a pas répondu à nos demandes d’interviews.
Il semble s’être fait tout seul sans l’appui des pontes de la fachosphère. Les Papacito, Baptiste Marchais ou Georges Jordi, il les suit, bien sûr, mais ils n’ont pas eu la politesse de lui rendre la pareille. Une seule photo ressort, prise dans les travées du stade de Nice cet été avec une des responsables de Reconquête, le parti d’Eric Zemmour, dans les Alpes-de-Haute-Provence. Signe, peut-être, d’un intérêt, la marque Terre de France – qui finance pléthore de vidéastes d’extrême droite – le suit sur les réseaux sociaux.
Il a la cote chez les policiers
En mai dernier, il lançait son nouveau projet intitulé : « Je suis gaulois ». Dans la vidéo d’annonce, il explique :
« Vous le savez comme moi qu’on est en train de perdre nos belles valeurs françaises, je m’engage personnellement à tout faire pour les retrouver. »
Le concept ? Une série de freestyle autour des métiers qui seraient méprisés en France aujourd’hui. Ainsi incarne-t-il un pompier ou un chauffeur routier, en passant par l’agriculteur et l’artisan. Enfin, bien sûr, un policier :
« On a supprimé nos droits de pourchasser des criminels et après ça vient pleurer qu’il y a de plus en plus de déviants. »
Pour accompagner son freestyle, il réalise une interview avec un membre des forces de l’ordre, qui, visage caché et voix trafiquée, regrette que les flics n’aient plus le droit d’utiliser leur arme au risque « de finir en prison ». En face de lui, Millésime K acquiesce. Visiblement très copain avec les forces de l’ordre, le jeune homme a posté sur son compte Instagram une photo de lui tout sourire avec des membres de la BRI de Versailles. « Tu es cette jeunesse patriote qui nous motive à poursuivre nos actions quotidiennes », commente sous la photo l’Amicale de la brigade.
Lucas Chedeville