De vendredi à dimanche se tenait en région parisienne le 5e Congrès du NPA. Un congrès où 3 plateformes étaient présentées : la A, 6% des voix aux AG électives, avec 13 déléguéEs, la B, 48%, avec 102 déléguéEs, et la C, 46%, 95 déléguéEs.
J’étais délégué de la plateforme B, ou PFB. Je vais tenter de vous expliquer, le plus factuellement possible, ce qui s’est passé lors de ce week-end. Et je vais commencer par du contexte.
Le NPA n’est pas une organisation monolithique. Initié en 2007, fondé en 2009, héritier de la Ligue Communiste Révolutionnaire, ce parti avait pour ambition de rassembler les anticapitalistes dans une organisation large, avec une stratégie révolutionnaire
Ouvert, démocratique, le parti a permis à ses militants de s’organiser en tendances, et même sous la forme de fractions publiques, moyennant un texte expliquant les causes de leur création, et sous réserve de renouveler ce texte en cas de maintien après un congrès.
L’étincelle, une fraction expulsée de Lutte Ouvrière, a rejoint le NPA sans s’y dissoudre. Elle a gardé des cotisations propres (double-cotisation, au parti & à la fraction), des militants non-membres du NPA, des congrès de fraction, une activité autonome du parti.
D’autres fractions ont été créées, comme le CCR ou A&R. Elles se sont autonomisées, avec une activité indépendante, parfois concurrente du parti ou des autres fractions. C’est ainsi qu’on a pu avoir 3 cortèges NPA dans une même manif.
Petit à petit, de parti politique, le NPA a commencé à ressembler de plus en plus à un front d’organisations autonomes, dans lesquelles la direction de l’organisation ne parvenait plus à prendre des décisions et mener une politique commune.
En 2020 et 2021, des alliances locales avec la FI, aux municipales à Bordeaux, et aux régionales en Nouvelle-Aquitaine et Occitanie, ont conduit à des accusations envers la majorité (relative) de l’organisation : le désir de se fondre dans la FI.
En vue des présidentielles, le CCR a décidé que le meilleur candidat était un de ses militants, Anasse Kazib, et a entrepris de mener campagne en-dehors de l’organisation pour imposer celui-ci comme prochain candidat du NPA. En vain.
6 plateformes, dont la leur, ont été présentées à la Convention Nationale chargée d’organiser ces élections. MécontentEs des conditions de cette CN, les camarades du CCR ont décidé de quitter l’organisation, et ont prétexté une exclusion fictive.
A chacun ses mythes fondateurs, on ne jugera pas, ce n’est pas pire qu’être allaité par une louve. La campagne a eu lieu, les fractions se sont diversement investies dedans (à Toulouse, l’Étincelle a fait le job) et les contacts des meetings sont devenus un enjeu fort.
Par « enjeu fort », j’entends qu’une course s’est engagée, dans laquelle l’Étincelle a brillé, pour récupérer d’une manière ou d’une autre ces contacts, et surtout tenter d’amener les jeunes à adhérer à sa fraction, selon diverses méthodes.
Tout de suite après les présidentielles, législatives, discussions avec la FI, négociations sur les conditions pour intégrer la Nupes, levées de bouclier dans le parti, y compris d’une partie de la majorité, pour ne pas y aller, échec des négociations.
Décision nationale : le NPA soutient officiellement la Nupes dans beaucoup de circonscriptions, plusieurs candidatures du NPA aux législatives ont lieu, plus ou moins cohérentes, parfois face à des gens de la FI, notre positionnement est moyen clair.
Arrive le congrès, avec des tensions grandissantes dans l’orga, et 3 plateformes sont présentées aux AG locales, dans lesquelles les votes permettent de dégager des orientations pour le congrès et la représentativité de chaque plateforme.
Chaque plateforme dresse une analyse politique de la situation, des bilans, des perspectives pour l’orga. La majorité sortante (PFB) demande d’acter une séparation qui existe déjà de fait, ou de prendre des mesures pour reconstituer un vrai parti.
La plateforme A, qui, comme la PFB est sur une ligne ouverte, intégrant les oppressions spécifiques au cœur du projet révolutionnaire du parti, refuse et la scission et le marasme du status quo, et propose de relancer un travail programmatique de fond.
La PFC, qui regroupe des tendances et fractions ayant beaucoup de désaccords, tente de produire une synthèse allant à chaque groupe la constituant : un projet ouvriériste, flou sur la guerre en Ukraine, opposé à toute scission, à tout changement, à la FI.
Voyant la catastrophe venir, au moins 2 initiatives émergent : des camarades du Tarn imposent la création d’une commission paritaire sur le fonctionnement du parti, et une motion « Continuer le NPA », qui propose de ne rien changer, est présentée à plusieurs AG.
Arrive le congrès. Désaccord sur l’ordre du jour, la B voudrait plus de temps pour faire des réunions de plateforme (n’ayant ni structure parallèle au parti, ni délégation en petit nombre, c’est compliqué d’élaborer ensemble une position commune).
Avant l’ouverture des travaux, les camarades de la B au bureau annoncent donc que nous demanderons des suspensions de séance, pour pouvoir nous réunir. Les travaux commencent, et pour beaucoup de camarades de la PFB, c’est un véritable choc.
Il faut vous dire que les camarades viennent de toutes les régions de France, qu’il y a des jeunes, des moins jeunes, des retraitéEs, que dans certains coins aucune fraction n’est présente, dans d’autres une seule, parfois ça se passe bien, parfois très mal.
Notre niveau de compréhension de la situation globale du parti est différent, nos espoirs dans ce congrès sont différents, nous avons des divergences tactiques entre nous, mais nous sommes uniEs, malgré parfois des inimités personnelles, par une camaraderie.
Mais celles et ceux qui, comme moi, s’engageaient dans ce congrès avec un refus par principe de la scission, et une ferme volonté de se mettre autour d’une table et de trouver, en bonne intelligence, les moyens de continuer ensemble, ont vite déchanté.
Le niveau de violence des interventions ! Je pense que si vous n’étiez pas dans la salle du congrès, vous ne pouvez pas vous le figurer. Le vendredi, j’ai pas mal discuté avec un observateur de l’UCL, assis derrière moi, outré comme moi de ce qui s’est dit.
Accusations permanentes de vouloir rejoindre la FI, et de chercher à péter l’orga parce qu’on n’a pas une majorité pour le faire (alors que nombre d’entre nous étaient opposéEs à tout accord aux législatives avec la FI), plusieurs interventions lunaires ou mensongères.
Un débat sur le bilan ? On subit invectives, accusations, on se défend et on tente de parler du bilan. Un débat sur la situation politique ? On subit invectives, accusations, on se défend et on tente de parler de la situation politique. Un petit miracle survient.
Ce petit miracle, c’est le débat sur l’orientation féministe. Pour la première fois, un débat qui ressemble à un débat, c’est vachement intéressant, et puis ça dérape, on repart dans la même dynamique pourrie. L’ambiance des réunions de PFB évolue aussi.
Pendant l’interruption de séance du début d’aprem, première réunion de la B, on est loin d’avoir un consensus sur la marche à suivre. Un camarade affirme haut et fort qu’il refusera de voter une séparation (spoiler : si). Le soir, plus grand-monde n’y croit.
On fait encore des propositions, de lister tout ce qu’on est prêtEs à accepter pour maintenir l’unité de l’orga. La commission de fonctionnement, dans un ultime effort de conciliation, va se réunir le lendemain de 8 à 9 pour éviter le drame.
Pendant ce temps, les camarades, qui sont arrivéEs tard vendredi, nous rejoignent, avec une lueur d’espoir qui nous a quittéEs depuis des heures. On comprendra plus tard qu’on est en train de passer par toutes les phases du deuil, chacunE à son rythme.
Samedi matin, débat sur quel parti voulons-nous. On découvre que Poutou, invité la veille au soir sur BFMTV, a été interrogé sur le congrès, et on écoute ce qu’il dit. Rien de transcendant, pas d’attaque, on se dit qu’on va avoir 4-5 interv’ sur ce thème. LOL.
Et que c’est intolérable, et qu’on n’a pas de mandat, et que la motion « continuer le NPA » est majoritaire, en tout cas dans les AG où elle a été présentée donc ça compte, et qu’on veut casser le parti pour rejoindre la FI, et Poutou, et Poutou, et Poutou.
Rapport de la commission des mandats, à partir de laquelle des votes pourront avoir lieu. Rapport de la commission paritaire de fonctionnement. On découvre les concessions de la PFC. Meilleure proposition : écrire l’édito hebdo, pas ensemble, mais à tour de rôle.
Suite à ces rapports, nouvelle suspension de séance. Les locaux le permettant, la PFB va se réunir dans une autre salle, la PFA, de ce que je sais, encore une autre, la PFC reste dans la même salle. De notre côté, tout le monde a compris vers quoi on allait.
Il y avait 3 sorties possibles à ce congrès : réforme en profondeur du fonctionnement du parti, maintien du status quo, ou séparation. La PFC a fermé la porte à la première option, nous décidons de fermer la porte à la seconde. On débat du texte adressé aux PFA&C.
Nous franchissons le Rubicon. Nous informons nos camarades que nous ne pouvons plus être dans le même parti que celles et ceux qui refusent un changement des règles de fonctionnement. Nous actons une séparation qui est déjà effective dans plein de villes.
Des camarades vont lire notre texte dans les salles qu’occupent respectivement les PFA&C. Certains dont moi vont jeter un œil. Pendant la suspension de séance, la PFC, puisqu’elle occupe la salle de congrès, s’est auto-proclamée congrès du NPA : nous sommes sidérés.
Les camarades de la PFA, ayant échoué dans leur mandat, annoncent la fin du congrès. C’est un énorme coup dur pour elles et eux. Je ne peux qu’imaginer que, devant l’ampleur de leur tâche et leur faible nombre, ils et elles avaient refusé d’envisager cette issue.
La PFB, désormais, va continuer ses travaux dans la même salle, pour discuter de la suite. La PFC refuse notre séparation, et décide de « continuer le congrès du NPA » dans la salle où elle se réunit. Le lendemain, pour éviter toute tension, nous irons au local du NPA.
Bien entendu, à l’issue de ce WE, la PFC, auto-proclamée « congrès du NPA », a publié son texte de fin de congrès. Nous avons poursuivi nos débats, tenu une AG non-mixte, débattu, voté et publié notre propre texte de fin de congrès, puis tenu une conférence de presse.
Depuis ce week-end, nous faisons partie de deux organisations politiquement séparées, et nous avons initié des points de contact pour discuter de la séparation administrative. Chaque entité revendique l’héritage, le nom et le drapeau du NPA, bien entendu.
Je vous ai listé là les faits tels que je les ai observés. Je ne prétends pas à l’impartialité, mais je me suis montré le plus honnête possible, sans verser dans les attaques gratuites ni le dénigrement de personne. Quelles conclusions en tirer ?
Pour ma part, j’estime que nous avons fait tout notre possible pour aller vers une réforme du parti en profondeur, seule solution, pensons-nous, pour lui redonner une pertinence politique et un rôle dans la période politique actuelle.
Nous avons notre responsabilité dans ce qui s’est produit ce week-end. Déjà, parce que c’est nous qui, au lieu de subir un lent pourrissement, avons choisi une rupture nette. Ensuite parce que nous n’avons pas su par le passé faire respecter des limites de fonctionnement.
Samedi, nous avons fait un saut dans l’inconnu. Nous ne savons pas lire dans l’avenir, et c’est bien l’avenir qui déterminera si nous avons eu tort ou raison de préserver tout ce qui pouvait l’être du NPA en actant une séparation claire et nécessaire.
Bien sûr, une interprétation concurrente, c’est que la direction majoritaire sortante du NPA, qui veut en fait intégrer la FI avec le plus de monde possible, a manipulé les déléguéEs de la PFB pour les amener à péter une orga dans laquelle elle est minoritaire.
Voilà, j’espère avoir pu vous éclairer sur ce que j’ai vu de ce week-end de congrès, qui a amené à l’éclatement de l’organisation politique du nom de NPA en 2 orgas qui revendiquent toutes deux le nom, l’héritage et le drapeau du NPA.
Et oui, si vous voulez pinailler, à partir du moment où la PFA a quitté le congrès, techniquement, c’est la B qui avait la majorité, mais politiquement, ça n’a pas beaucoup de sens. A ce moment-là, le congrès du NPA tel que nous le connaissions a pris fin.
Grosse pensée aux camarades de la PFA, et à une, en particulier, qui se reconnaîtra et qui m’a fait rentrer au NPA. En votant le texte de séparation, on vous a fait du mal. Ce n’était pas dans le but de vous blesser, mais une décision politique nécessaire. Désolé.
Une nouvelle page de nos vies militantes s’ouvre. Souhaitons-nous le meilleur, et essayons de nous comporter en bonne intelligence avec touTEs les camarades ou ex-camarades avec qui nous avons partagé une organisation. FIN.
Conall