Des grèves massives suivies même dans les boîtes privées, une multiplication des assemblées d’organisation, des manifestations gigantesques (jusqu’à 40 000 personnes à Rennes) posent un refus massif d’une énième réforme dont l’objectif n’est autre que de nous faire bosser plus avec des salaires insultants.
A Rennes, et dans d’autres villes, dès mars, le mouvement commence à être plus offensif dans la rue.
Des manifs sauvages incontrôlables à plusieurs milliers, des blocages à des centaines de déters toutes les semaines qui paralysent les artères de la ville, un blocage de 3 semaines de ramassage des poubelles qui inonde la ville d’ordures, des pillages de magasins et auto-réductions, l’ouverture de bâtiments suivie d’émeutes dans le centre-ville avec comme point de ralliement la place Sainte Anne et la casse systématique et la fermeture des commerces.
Un commisariat, un centre des congrès (le couvent des Jacobins) et une mairie ont pris feu dans des moments de rage et de liesse collective. Chaque jour en allant bosser ou en traversant Rennes on découvre une ville destroy et transfigurée par le mouvement, qui sent le plastique cramé et qui pue un peu moins la bourgeoisie.
Une ambiance de folie, la rencontre de plein de gens habités par un commun de révolte, une rupture dans la quotidienneté qui a traversé toute la ville et au-delà de manière inédite.
Le passage en force du 49.3 marque un moment d’intensification et de contamination du mouvement partout en France. En réponse à cet élan combatif, l’Etat renforce son appareil répressif pour casser les grèves dans les secteurs dits stratégiques, blesser et arrêter de plus en plus de gens, déloger les blocages et empêcher les assemblées.
Le week-end du 25 mars, un rendez-vous national est donné à Sainte Soline contre l’accaparement de l’eau par les plus gros agriculteurs. La police massacre les manifestants. Beaucoup en sortent mutilés et un camarade est toujours proche de la mort. Quelques jours plus tard, les « soulèvements de la terre » – après avoir pris la direction de la manifestation envoyée à la défaite militaire – mettent en scène leur alliance avec toute la gauche du capital sous couvert d’union contre la répression.
Dans le même temps et sur des logiques peu éloignées, les directions syndicales lâchent les dernières grèves reconductibles et offensives qu’elles ont soutenu et se remettent en piste pour les différentes échéances électorales.
Les prolos en lutte, syndiqués de base, autonomes, se retrouvent mis de côté par leurs directions syndicales et politiques qui, après les avoir envoyés au charbon utilisent le mouvement pour se tailler une place dans la bourgeoisie. Mais le risque pour eux, et c’est déjà une séquence largement ouverte depuis les gilets jaunes qui continue d’une certaine façon aujourd’hui, c’est que la base en lutte s’auto-organise à la fois hors et contre les directions bourgeoises.
A présent, même si la réforme est passée, même si les cortèges faiblissent et les quelques grèves qui ont pu émerger s’arrêtent, les manifestations sauvages continuent. Car une partie des gens en lutte refusent un retour à la « normale ». Une volonté émerge, celle de renouveler un mouvement qui s’essouffle.
Aux travailleurs en lutte en conflit à la fois avec le patronat et les directions syndicales,
à tous les communistes, conscients que le communisme n’a encore jamais existé, aux anarchistes sortis de l’opportunisme du spectacle, ainsi que tous celles et ceux qui verront un intérêt dans les émergences des formes d’organisations de classe en rupture avec les directions bourgeoises.
Notre but ici n’est pas d’enterrer le mouvement parti du refus de la réforme retraite, mais par la critique radicale, d’en comprendre ses forces et ses limites.
Si la grève a été un échec et que même les secteurs dit stratégiques n’ont pas réussi à tenir de reconductible ; si les blocages d’entreprises, les occupations, les sabotages ont été extrêmement rares et isolés ; questionner la stratégie syndicale est nécessaire mais pas suffisant, il faut se demander comment se structurent les entreprises, comment s’agence la production sur les territoires, pour pouvoir lutter et s’organiser dans nos tafs.
Si la manif et le blocage de flux ont été une nouvelle fois la centralité de l’organisation prolétarienne, on peut clairement s’interroger sur pourquoi le mouvement a échoué à bloquer la production nationalement et pourquoi les manifestations n’ont pas réussi à prendre les lieux de production, les lieux de pouvoir, des bâtiments, des logements, des médias…
Pour avancer nous avons besoin de faire des bilans dans tous les espaces de lutte, se questionner sur ce qu’on a réussi et les murs auxquels on fait face, car dans la lutte des classes, il y a des moments d’intensification qui nécessitent ensuite qu’on repose les questions stratégiques pour gagner.
Notre but ici n’est pas d’enterrer le mouvement parti du refus de la réforme retraite, mais par la critique radicale, d’en comprendre ses forces et ses limites.
En soit prendre du recul.
Nous proposons donc aux camarades de se réunir le vendredi 28 avril 2023 pour débattre et s’organiser en esquissant collectivement un début de bilan et en ouvrant des perspectives de structuration au long cours.
Maintenant, on fait quoi ?