J’avais toutes les raisons du monde d’aimer ce film : il parle d’anarchie, il parle de Kropotkine, il parle de soulèvement des ouvrières et ouvriers de l’industrie horlogère naissante à l’aube du capitalisme de masse.
Mais ce qui est le plus étonnant c’est qu’on présente ce film comme une ode à l’anarchie alors qu’il est au fond une ode à la Suisse éternelle. Celle qui a sue, par la votation citoyenne, soit disant abolir tous les problèmes et les tensions sociales. Celle qui justement s’est débarrassée des anarchistes et en a dévoyé l’idée de démocratie directe pour créer une citoyenneté suisse molle.
Et au fond c’est cela le film : tout va mieux une fois que Kropotkine a fuit. Une fois en fait que l’idée anarchiste est loin, qu’elle est digérée et recrachée vidée de toute envie de lutte ou de renversement.
Bon en prime, le film est esthétique pour rien, les plans sont pensés pour montrer que Cyril Schäublin sait faire du cinéma autrement (on dirait un exercice de fin d’étude d’école de cinéma), les acteurs et actrices non professionnels surjouent et sont théâtraux au point d’avoir l’impression d’être devant le spectacle de fin d’année de la kermesse du village.
La palme de l’absurde revient aux scènes de licenciement dans l’usine, totalement ridicules.
Bref, ce film a enthousiasmé les critiques, et cela se comprends : c’est un film tombeau qui cherche à enterrer définitivement la plus belle des idées, l’anarchie. Comment ne pas plaire dans l’époque actuelle avec un tel film ?
Fabien Mallet