Alors que nous commémorions les 16 et 17 juillet dernier l’arrestation par la police française de 13152 Juives et Juifs à leur domicile à Paris et la proche banlieue, leur enfermement au Vélodrome d’Hiver, puis dans les camps français du Loiret, et leur déportation vers le camp d’Auschwitz, une cacophonie assourdissante est venue entacher ce moment de recueillement et de mémoire.
Dans son discours, le président du Conseil représentatif des Institutions juives de France (Crif) a attaqué La France Insoumise (LFI), reprochant à ce mouvement de "s’égarer dans la complaisance avec l’islamisme, avec Poutine ou les partisans des appels aux émeutes, de semer une confusion idéologique, meilleur allié de l’extrême-droite".
Yonathan Arfi attribue les errements antisémites de Jean-Luc Mélenchon a un prétendu "clientélisme électoral et communautaire" ce qui pose un double problème : d’une part c’est une négation de l’histoire française de l’antisémitisme car Jean-Luc Mélenchon dans ses sorties problématiques s’inscrit bel et bien dans une histoire française, y compris à gauche. D’autre part cette approche s’inscrit dans une tendance raciste qui fait de l’antisémitisme un produit d’importation et une spécificité communautaire alors qu’il touche toutes les sphères de la société et tous les courants politiques. Nous déplorons ces propos ne pouvant apporter que de la confusion dans la juste lutte contre l’antisémitisme. De plus, contrairement à Yonathan Arfi, nous ne pouvons qu’être heureux·ses que LFI se positionne contre l’islamophobie et apporte son soutien aux victimes de violences policières. Le lien établi par Yonathan Arfi entre la lutte contre les violences policières et l’antisémitisme est particulièrement déplacé alors que nous commémorons une rafle dans laquelle la Police nationale née sous Vichy a joué un rôle central, rôle passé sous silence par une majorité des politiques dans leurs prises de position.
Néanmoins, les réponses apportées au Crif par certains membres de LFI ou de la gauche radicale ne sont pas acceptables.
Les déclarations de la part de la France insoumise et du Crif se sont succédées sur twitter dans une indécence et un sans gêne incroyables. De nombreux politicien·nes opposé·es à LFI ont également profité de l’occasion pour ajouter leur grain de sel, leur opportunisme masquant souvent bien mal leur profond désintérêt pour la mémoire des déporté·es.
Jean-Luc Mélenchon a assimilé le Crif à l’extrême-droite, ce qui est très simplificateur étant donné l’importance de cette institution dans la vie associative communautaire et la diversité des associations qui la composent. Adrien Quatennens a également cru opportun de tweeter "Les pauvres victimes (ndlr : de la Shoah) ont aujourd’hui de bien piètres "représentants" autoproclamés". Notre diaspora est encore bien vivante, pensante, et nourrie d’opinions politiques diverses vis à vis du Crif ou de quelconque institution. Si la récupération de cet événement historique est une honte, cette inquiétude déplacée vis à vis "des représentants de la communauté juive" l’est également.
Le combat contre l’antisémitisme d’extrême droite est immense alors que le RN, créé par des waffen SS, possède 89 députés au parlement et est plus que jamais banalisé, que le chef de l’État n’a pas hésité à tenter de réhabiliter Pétain. La lutte contre l’antisémitisme doit être intransigeante plutôt que d’être instrumentalisée a des fins politiciennes et le combat et contre l’extrême droite ne doit pas devenir un argument ou une carte magique prémunissant notre camp social de toute critique ou remise en question.
Nous invitons la France Insoumise et le Crif à la retenue et à arrêter immédiatement l’instrumentalisation de notre histoire et de notre communauté. Nous invitons tout le monde au discernement. Nous invitons notre camp politique à se former sur l’antisémitisme, d’où qu’il vienne, au lieu de s’en croire les boucliers ou de se penser de fait immunisés.
La mémoire de celles et ceux qui ont été livrés par la police française à la barbarie nazie mérite mieux.
juifs et juives révolutionnaires