La réhabilitation des nationalistes bretons collaborateurs des nazis bat son plein. Après Roparz Hemon, Youenn Drezen, Polig Monjarret et tant d’autres, voici que l’IDBE (autrement dit la Fondation Fouéré qui se trouve à Guingamp) organise un hommage à l’abbé Jean-Marie Perrot qui fut exécuté le 12 décembre 1943 par la Résistance et donna son nom au Bezen Perrot, rassemblant des nationalistes bretons enrôlés sous uniforme SS pour combattre la France et le venger.
Comment Yann Fouéré qui fut un agent de la Gestapo peut-il avoir une fondation chargée de diffuser son idéologie en toute impunité ?
Comment cette nouvelle opération publicitaire destinée à faire la promotion du dernier livre de l’indépendantiste breton Yves Mervin peut-elle se dérouler au nom du « devoir de mémoire » sans susciter l’indignation ? Les productions d’Yves Mervin, autoéditées (mais diffusées par la Coop Breizh), entendent démontrer que la Résistance a fait plus de tort aux Bretons que les nazis. Son dernier livre est intitulé Jean-Marie Perrot, un crime communiste.
Son premier livre, Arthur et David, avait pour but de nier et banaliser l’antisémitisme du mouvement breton, en dépit des textes accablants qui ont été largement diffusés sous l’Occupation (et parfois réédités depuis par des éditeurs nationalistes comme ce fut le cas pour les textes racistes et antisémites de Youenn Drezen). Il m’a fallu perdre un temps considérable à traduire ces textes ignobles qu’aucun militant breton de l’UDB ou autre parti nationaliste dit de gauche n’aurait eu à cœur de traduire et dénoncer. Au contraire, le secret était bien gardé – on lave son linge sale en famille, l’important étant précisément la famille, la famille nationaliste, la familia qui n’exclut que l’étranger – autrement dit, en l’occurrence, le Breton ordinaire, soucieux de connaître une histoire qui ne soit pas falsifiée.
À présent, ce même Mervin mène campagne pour réhabiliter l’abbé Jean-Marie, dit Yann-Vari, Perrot, un autre militant nationaliste, un curé de choc, fanatique au point d’avoir été mis en pénitence par son évêque à Scrignac, paroisse rouge, dans le but de calmer un peu ses ardeurs séparatistes.
.L’ABBÉ PERROT AU SERVICE DU REICH
Loin de se calmer, l’abbé s’empressa de cacher dans le jardin de son presbytère les armes du « débarquement de Locquirec », autrement dit les armes livrées secrètement par les services secrets nazis aux nationalistes bretons investis de la mission de combattre sur place en faveur du Reich.
Complice de Célestin Lainé, d’Olivier Mordrel et de son cousin Bricler, qu’il recevait dans son presbytère, considéré par les habitants de Scrignac comme un « nid de vipères », l’abbé fut accusé d’avoir remis à Bricler le nom de résistants de Scrignac. Bricler, affairiste délateur, fut exécuté par la Résistance. L’abbé Perrot le fut aussi. Alors que l’essence était rationnée et les déplacements surveillés, l’abbé disposait d’une grosse Peugeot noire et d’un ausweis, ce qui lui permettait de surveiller les alentours et, entre autres, de participer au Comité consultatif de Bretagne mis en place par Fouéré et d’autres nationalistes.
En 1943, la revue de l’abbé Perrot, Feiz ha Breiz (Foi et Bretagne), publie des articles très violents intitulés (en breton) « La main de Moscou », « Le charnier de Katyn » et « Un pays dirigé par un prêtre » (ce dernier célébrant Mgr Tiso, le chef de l’état slovaque qui allait plus loin que les nazis dans la politique d’extermination des juifs). Perrot avait d’ailleurs publié dès 1940 un article violemment antisémite encourageant la politique raciale du Reich : à l’en croire, grâce à Dieu, le duc Jean le Roux avait chassé les juifs de Bretagne, ce qui avait délivré le pays de ce fléau.
Ces articles, en plus des provocations constantes, des sermons menaçants et des risques que l’abbé faisait courir à la Résistance expliquent son exécution.
Le moins qu’on puisse dire est qu’il ne fut pas pleuré par ses ouailles. En témoigne un entretien filmé avec les habitants de Scrignac lorsque, en 1985, la (très mauvaise) pièce de théâtre Yann Vari Perrot, la mort d’un prêtre, mise en scène par le (très consternant) Goulc’han Kervella (depuis décoré du collier de l’hermine par les nationalistes de l’ICB) fit polémique. On pourra apprécier le breton parlé par les habitants du bourg que Perrot entendait soumettre au règne du zh en même temps qu’à celui du Reich.
Pour venger l’abbé, il n’y eut pas seulement le Bezen Perrot mais le Kommando de Landerneau qui fut créé dans le but de combattre la Résistance (il comptait entre autres les frères Caouissin, Édouard Leclerc, le futur épicier, et divers tortionnaires). Les membres de ces deux formations n’ont généralement pas tardé après la Libération à reprendre le « combat breton » en se faisant passer pour des martyrs.
FEIZ HA BREIZ ATAO !
La conférence organisée par la Fondation Fouéré au nom de Mignoned Feiz ha Breiz (Les amis de Feiz ha Breiz, la revue fondée par l’abbé Perrot), le diocèse de Quimper et l’association Ar Gedour doit se tenir dans la chapelle Saint-Laurent à Quimper. Elle sera suivie d’une cérémonie avec messe et hommage public au lieu-dit La Croix rouge de Scrignac et fera l’objet d’un colloque à l’abbaye de Landévennec.
L’association Ar Gedour a été fondée par Efflamm Caouissin. Catholicisme intégriste et nationalisme breton : Youenn Caouissin, le fils de Herry Caouisssin, membre du Kommando de Landerneau, a publié aux éditions Via Romana une apologie de l’abbé Perrot. Il collabore à la revue nationaliste d’extrême droite War Raok, fondée par le terroriste et fondateur d’Adsav Patrick (alias Padrig) Montauzier, partisan d’une indépendance de la Bretagne sur base ethnique.
Il est à noter que depuis de longues années, Scrignac, ancienne paroisse rouge, est devenue un haut lieu de la fachosphère qui s’y assemble pour commémorer son martyr, le bon abbé qui n’aimait ni les juifs ni les Français.
Le maire (de gauche ?) semble trouver ça très bien et le curé aussi : le curé retraité Peter Breton participe à l’hommage en tant que « modérateur » (ne rions pas) avec la bénédiction du diocèse et la messe sera célébrée à Scrignac par le père Davy, ex-cuisinier, ex-instituteur Diwan et ex-patron du bar le Klud-Noz de Morlaix (où, d’après ses dires, « la dominante bretonne était très présente »). Le passage du bar de type associatif dans la mouvance gauchisante à la célébration de la messe en l’honneur d’un nazi donne à mesurer les fabuleux glissements dont le mouvement breton est spécialiste.
Quant à l’ANACR et autres associations de défense de la mémoire de la Résistance, leur silence à ce jour est assourdissant. Les communistes, pourtant désignés à la vindicte publique, se taisent. Cette étrange soumission s’accorde avec l’égale docilité de l’église catholique, apparemment prête à défendre une idéologie pourtant peu compatible avec l’amour du prochain qu’elle entend prêcher.
Françoise Morvan