Il convient de préciser d’emblée dans notre bulletin que nous ne souhaitons pas la création d’un Etat palestinien, ni donner une quelconque préférence à ce dernier par rapport à l’Etat sioniste d’Israël. Nous ne soutenons pas les négociations de paix et nous ne souhaitons pas non plus l’autonomie palestinienne : la seule autonomie qui vaille la peine d’être défendue est celle de notre lutte de classe contre le capitalisme.
Partout dans le monde, la bourgeoisie présente l’Intifada comme une lutte nationaliste entre Palestiniens et Israéliens ou Arabes et Juifs. De Tel-Aviv à Alger, de Rome à New York, la bourgeoisie internationale, par l’intermédiaire de ses médias, décrit la lutte dans les mêmes termes.
Le conflit n’est pas entre Palestiniens et Israéliens ; il est entre deux classes aux intérêts divergents : la bourgeoisie et le prolétariat.
Le soulèvement de la classe ouvrière palestinienne a été utilisé par certaines fractions bourgeoises comme preuve du désir d’un État palestinien qui serait dominé par le « porte-parole officiel » du peuple palestinien, l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), une organisation bourgeoise.
Les luttes de libération nationale sont traditionnellement soutenues par les maoïstes, les staliniens et d’autres partis de la gauche de la bourgeoisie. L’argument repose généralement sur l’idée fausse que le socialisme peut être construit dans un seul pays. L’histoire nous montre la folie de cette idée : même si des gouvernements sont mis en place dans le but de défendre les intérêts des travailleurs, ils ne peuvent pas l’espérer compte tenu de la nature impérialiste du capital. Les États-nations doivent fonctionner selon les règles du marché mondial. La seule réponse à l’exploitation mondiale est le communisme mondial.
Dans ce que l’on appelle les luttes de libération nationale, ou dans les luttes qui sont détournées pour devenir des luttes de libération nationale, il y a toujours à l’origine une lutte des classes : en Irlande du Nord, au Cachemire, en Israël. La création d’un nouvel État n’offre rien d’autre à la classe ouvrière que la possibilité d’être gouvernée par une classe dirigeante qui partage une partie de son héritage culturel et linguistique.
Les gauchistes du monde entier prennent fait et cause pour l’OLP et ses politiques « progressistes » de libération nationale. De la même manière qu’ils ont défendu le Congrès National Africain, les Khmers Rouges et le Viêt-Cong. Lorsque l’OLP est critiquée, c’est sur la base de « son étatisme, sa hiérarchie, son avant-gardisme, son terrorisme » – le fait que l’OLP soit l’ennemi de classe du prolétariat est passé sous silence.
Les gauchistes affirment qu’une alliance de la classe ouvrière avec des éléments « progressistes » de la bourgeoisie est nécessaire contre le plus grand mal qu’est l’État d’Israël. Nous rejetons cette notion dangereuse et fallacieuse. Une alliance avec une fraction ou un élément de la bourgeoisie, loin de renforcer l’Intifada, la désarme irrévocablement. Par exemple, en 1979, une vague massive de lutte des classes en Iran a balayé le Shah. En l’espace d’un an, « l’alliance avec les éléments progressistes de la bourgeoisie » a désarmé la lutte des classes : les grèves et les conseils ouvriers ont été dissous et réprimés. Le résultat fut un massacre de militants et l’instauration d’une république islamique virulemment hostile à la classe ouvrière.
Pourquoi n’y a-t-il pas d’alliance possible entre la bourgeoisie et la classe ouvrière ? Parce que les intérêts de classe de la bourgeoisie et de la classe ouvrière sont diamétralement opposés. La seule façon pour la classe ouvrière de se défendre est de mener une lutte de classe autonome, indépendante de toutes les forces qui tenteraient de la détourner ou de la restreindre à des objectifs capitalistes ; la lutte de classe autonome est en guerre contre toutes les forces de division telles que les syndicats, les partis de gauche, les fronts de libération nationale ou les mouvements religieux.
L’histoire a prouvé que la construction d’un État n’apporte rien à la classe ouvrière. Les nouveaux États n’offrent qu’à une nouvelle fraction de la classe dirigeante la possibilité de nous exploiter à la place de l’ancienne, mais nos intérêts s’opposent à tous les gouvernements.
Arafat et Sharon sont dans le même camp : Contre la classe ouvrière
Dans les limites géographiques de la Palestine historique, il existe une forte tradition de lutte des classes qui est entrée dans une phase militante en décembre 1987 avec une grève générale sauvage. Les magasins, les rues et les lieux de travail des territoires occupés étaient déserts et 120.000 travailleurs ne se sont pas présentés à leur travail en Israël. C’est la première grève générale depuis 1936. La bourgeoisie palestinienne et israélienne en étaient stupéfaites.
La grève générale de 1936 a été le point culminant de trois années de lutte de classe intense contre les propriétaires fonciers : britanniques, sionistes et palestiniens. Les ports et la raffinerie de pétrole de Haïfa sont paralysés pendant six mois. La bourgeoisie mondiale s’alarme : l’État britannique envoie 30.000 soldats pour écraser la lutte. Il arme et organise les colons sionistes locaux et, ensemble, ils s’emploient à terroriser la classe ouvrière pour l’obliger à se soumettre. Pendant ce temps, les sionistes organisent des travailleurs juifs pour briser les grèves. La bourgeoisie arabe locale de Jordanie et d’Irak a appelé la classe ouvrière à capituler. La lutte a finalement été réprimée par l’exécution de 5.000 grévistes et l’arrestation de 6.000 autres dans un effort combiné des armées britannique, arabe et sioniste.
Aujourd’hui, la classe ouvrière palestinienne est à nouveau confrontée à une bourgeoisie mondiale unie dans son opposition à l’Intifada. Les stratégies de la bourgeoisie ont été doubles : détourner la lutte et la réprimer.
La bourgeoisie palestinienne a tenté de prendre la direction de l’Intifada en la détournant vers le nationalisme ou le fondamentalisme islamique et en la confinant aux « territoires occupés », voire parfois aux camps de réfugiés. Elle a toujours défendu ses propres intérêts, en tentant de limiter le nombre de jours de grève pour protéger l’infrastructure capitaliste dont elle espère hériter.1
L’objectif de la bourgeoisie palestinienne est de présenter l’Intifada comme un mouvement de libération nationale. La presse bourgeoise s’y est soumise dans le monde entier. La bourgeoisie palestinienne a besoin d’un État ; elle a besoin de l’Intifada tant qu’elle lui fournit suffisamment de cadavres pour maintenir cette possibilité à l’ordre du jour des Nations-Unies. Elle a sa propre police, ses propres gangs terroristes, ses propres camps de prisonniers ; elle a juste besoin d’une reconnaissance officielle dans la famille bourgeoise internationale – l’ONU.
La bourgeoisie israélienne et ses forces armées supportent le poids de l’intifada. Elles ont réagi en adoptant des techniques de répression fascistes : punitions collectives, couvre-feu, démolitions de maisons, profanation de terres agricoles, fermeture forcée d’écoles et d’hôpitaux et emprisonnements massifs, souvent dans des camps de concentration situés dans le désert du Néguev (par exemple Ansar, surnommé « le camp de la mort lente » par les détenus). Dans les rues, des travailleurs non armés – hommes et femmes, jeunes et vieux – sont abattus avec des balles en caoutchouc. Des gaz lacrymogènes sont lancés dans les maisons, les écoles et les hôpitaux. De même, dans sa tentative de dissimuler la nature de l’Intifada, la bourgeoisie palestinienne a envoyé d’innombrables personnes dupées dans des attentats suicides. Des milliers de personnes sont mortes.
La bourgeoisie jordanienne a également été alarmée par l’Intifada. Quelques semaines après son déclenchement, le roi Hussein a rencontré secrètement les dirigeants israéliens et a exigé qu’elle soit écrasée immédiatement. Hussein craignait que l’intifada ne s’étende à la rive orientale du Jourdain, où la classe ouvrière vit dans une pauvreté tentaculaire semblable à celle de ses frères et sœurs de la rive occidentale.
La réaction du roi Hussein est typique de celle de la bourgeoisie du monde arabe. Le soutien de la classe ouvrière arabe à l’Intifada a contraint la classe dirigeante arabe à exprimer publiquement son soutien. Les chefs d’État arabes ont donné des millions pour « aider au fonctionnement de l’Intifada ». En réalité, cet argent a été dilapidé par l’OLP, qui a acheté des limousines et s’est dotée de consulats/ambassades dans plusieurs capitales un peu partout dans le monde, et une grande partie a été acheminée vers les « territoires occupés » pour tenter d’acheter le militantisme de la classe ouvrière. Cette politique a échoué pour deux raisons : premièrement, en raison de la corruption personnelle des fonctionnaires soutenus par l’OLP et deuxièmement, parce qu’une grande partie de l’argent s’est tarie depuis que l’OLP est tombée en disgrâce après la guerre du Golfe. La bourgeoisie palestinienne réclame de l’argent et avertit les pays arabes qu’ils doivent « soutenir un programme d’aide économique visant à améliorer les conditions de vie en Cisjordanie… Cela réduirait les risques d’une nouvelle radicalisation infectieuse de la pensée populaire, qui menace la stabilité de l’ensemble du Moyen-Orient. »2
La bourgeoisie arabe a tenté de canaliser le soutien populaire à l’Intifada vers la haine de ses homologues israéliens. Mais cette politique a également échoué. À plusieurs reprises, l’Intifada est sortie de son cadre géographique. En Jordanie, en 1988, lors des émeutes, des manifestations et des grèves contre les mesures d’austérité, les travailleurs ont adopté les méthodes de leurs camarades palestiniens, utilisant des lance-pierres et se couvrant le visage de keffiehs.
De même, en Algérie, le sultan Ben Jahid a écrasé sa propre « Intifada » en novembre 1988, juste à temps pour accueillir le Conseil national palestinien et, soucieux d’améliorer une image bien ternie, baigner son régime dans une rhétorique « révolutionnaire et anti-impérialiste ».
Si la bourgeoisie israélienne concède des territoires, c’est parce qu’elle veut se débarrasser d’une classe ouvrière militante incontrôlable. C’est pour la même raison que le roi Hussein de Jordanie a renoncé à ses prétentions sur la Cisjordanie.
Quelle que soit la (ou les) fraction(s) bourgeoise(s) qui hérite(nt) des territoires, la première tâche sera de détruire la classe ouvrière autonome. Il faudra une répression forte et brutale et l’assimilation rapide de la classe ouvrière palestinienne au marché mondial :
« Nous aurons besoin d’un secteur industriel capable d’absorber 6.000 travailleurs et nous devrons nous concentrer sur des industries de haute qualité. Nous devons nous concentrer sur l’utilisation des matières premières locales et tenir compte de la méthode japonaise de production rapide. »3
Nous publions ici dans son intégralité la traduction d’un article publié pour la première fois en arabe dans El Oumami (L’Internationaliste), numéro 10, juillet 1980, par le groupe bordigiste Parti Communiste International. En raison de nos difficultés à traduire l’arabe vers l’anglais, certaines parties du texte peuvent être difficiles à comprendre. Le texte est inédit.4
La traduction, la reproduction et la mise à disposition de tels documents constituent une part importante du travail de notre groupe.
Cet article est un compte-rendu et une évaluation de la lutte des classes généralisée au Liban dans les années 1970 et, en particulier, de la bataille de Tel-al-Zatar.
En mémoire des prolétaires de Tall-el-Zaâtar
Il y a quatre ans, entre le 22 juin et le 2 août 1976, le camp de Tall-el-Zaâtar vivait les plus durs moments de sa lutte. Il résistait avec un héroïsme qui rappelle celui des communards à la sauvagerie des bourgeoisies syrienne et libanaise, malgré la trahison des chefs de la résistance qui marchandaient la chair des masses. Ces masses exploitées ont gravé de leur sang une héroïque épopée de résistance acharnée, durant 52 jours d’encerclement, face à la droite libanaise, l’armée syrienne et ce qui restait de l’armée libanaise (l’armée de Barakat). Les masses travailleuses ont relevé le défi malgré la grande disproportion des forces et malgré la soif, la faim et les maladies qui les ont assaillies durant deux mois.
Les années 75-76 de la guerre civile ne sont qu’un maillon de la longue chaîne de la lutte de classe quotidienne des habitants du camp contre le pouvoir libanais. Cette lutte s’est aiguisée et a pris un caractère violent à partir des années 68-69 avec l’entrée de la résistance palestinienne au Liban. Avant, la dimension de Tall-el-Zaâtar n’était pas préoccupante pour la bourgeoisie libanaise, puisqu’il ne comptait que 400 réfugiés palestiniens. La position du camp au centre de la zone industrielle en a fait le lieu de rassemblement de tous ceux qui quittaient les terres arides. C’est ainsi qu’en 1972, il y avait 14.000 personnes et au début de la guerre civile leur nombre atteint 30.000, dont 60% de palestiniens, le reste étant composé de Libanais et de travailleurs syriens et égyptiens.
Du point de vue économique, Tall-el-Zaâtar se situe dans une région qui englobe 29% des usines libanaises, 23% des capitaux investis dans l’industrie et 22% d’ouvriers d’industrie. La grande majorité des habitants du camp sont des prolétaires qui subissent les pires formes de l’exploitation et de l’oppression capitalistes parce qu’ils sont en majorité étrangers. Ainsi le travailleur palestinien ne peut être employé dans les grandes industries s’il n’a pas une autorisation lui permettant de travailler dans une seule entreprise. Et cette autorisation lui coûte un mois de salaire tous les ans ! Bien évidemment il n’a aucune assurance sociale, etc., bien qu’il cotise régulièrement. Dans les petites entreprises, le travailleur palestinien se heure directement au patron et ne se voit jamais rembourser ses frais, ni ses congés payés. Enfin il n’a pas le droit de se syndiquer.
Quant aux travailleurs syriens, ils ne sont pas mieux lotis. La plupart fuient les campagnes syriennes en passant clandestinement la frontière, ce qui offre aux patrons l’occasion de les exploiter à fond, de les faire travailler 12 heures par jour et de les ramener à la frontière à la moindre incartade. De là, ils croupiront quelques mois en prison pour n’avoir pas respecté la loi de leurs maîtres.
Le camp est un agglomérat de bâtisses en tôle bordées de cours d’eau insalubres, unique terrain de jeu pour les enfants de l’exil. Dans chaque « logement » s’entassent six à huit personnes, tandis qu’à côté un autre monde de maisons modernes et de luxueux palais s’élève comme pour encercler la misère totale du camp.
Sur une période de 20 années, jusqu’en 69, le camp vivait un état de siège permanent sous le contrôle des gendarmes et des services secrets : interdiction des discussions politiques ou de visites d’invités sans autorisation du 2° Bureau ; interdiction d’aller dans un autre camp sans autorisation spéciale ; interdiction de rassemblements de plus de cinq personnes ; couvre-feu à 21h…
L’année 69 a ouvert une nouvelle période dans la vie du camp. C’est en effet à cette période qu’on installa des camps militaires d’entraînement qui cohabitaient avec la résistance palestinienne armée, qui n’a pu s’imposer qu’au prix de durs combats de rue dont le plus marquant fut celui du 23 avril 69, où de nombreux Libanais succombèrent pour avoir défendu l’existence de la résistance palestinienne.
Dès le début, chaque partie avait des positions claires quant à l’utilisation des armes : c’est ainsi que la direction de la résistance ne voulait en aucun cas toucher aux lois de l’Etat bourgeois libanais sous prétexte que « étendre la lutte nationale contre Israël à l’intérieur du Liban » serait « créer les dissensions entre les frères d’un même peuple ». (Quelle fraternité peut-il y avoir entre exploiteurs et exploités ?)
En même temps les travailleurs amenaient les armes à l’intérieur des usines pour s’élever avec force contre l’exploitation et la répression sauvages qu’ils subissaient. Les affrontements armés commencèrent, ainsi que la mise en place de comités de défense de la grève. Les travailleurs savent que les augmentations de salaire s’arrachent par la force des armes. Cette situation s’est généralisée à l’ensemble des quartiers populaires de la bande Est de la ceinture de misère : Nabâa, l’Abattoir, Bordj Hamoud, la Quarantaine, etc. Sentant le danger, la bourgeoisie exigeait le cantonnement du camp dans ses « dimensions » antérieures. Les chefs des phalanges déclaraient dans les années 70 que les travailleurs débordaient l’autorité et les limites de la résistance elle-même : « L’Etat libanais est réduit au silence. Il existe à l’intérieur du pays, des petits Etats et des armées non régulières et non disciplinées dont on ignore même l’identité. Pire, il existe des endroits et des quartiers entiers, abritant des « hors-la-loi » sur le sol libanais, qui échappent entièrement à toute autorité et tout contrôle même celui de la résistance palestinienne. »
Le chef militaire des phalanges, Béchir Gemayel, précisait le but poursuivi par la droite libanaise, l’encerclement de Tall-el-Zaâtar : « La présence du camp de Tall-el-Zaâtar et de la Quarantaine ont créé des zones interdites à l’armée et à l’Etat libanais. Ils sont devenus un centre d’action des organisations terroristes arabes, libanaises et internationales. La région de Tall-el-Zaâtar est vitale pour l’économie libanaise car c’est une région industrielle : plus de 40% de nos industries sont cantonnées dans la région de Mekalles-Tall-el-Zaâtar. »
En réalité les prolétaires de Tall-el-Zaâtar et les masses ouvrières de tous les quartiers de misère qui entourent Beyrouth se rebellaient non seulement contre le patron mais aussi contre le droit et les lois de l’Etat bourgeois : ils refusaient de payer tout impôt ou taxe à l’Etat. Pour s’installer, le prolétaire qui fuyait la campagne construisait sans autorisation son « abri » sur les propriétés de l’Etat ou du clergé.
Tout au long des années 70, l’Etat tentait de mettre la main sur ce qu’il appelle les « hors-la-loi » et d’arrêter la prolifération des maisonnettes en tôle dont le nombre a doublé entre 72 et 75. En 1970, quand le leader de la gauche libanaise, Kamal Joumblat, était ministre de l’intérieur, l’Etat libanais a rasé dans la région du Mekalles en bordure de Tall-el-Zaâtar, toutes les huttes en tôle construites par les masses qui avaient fui le Sud.
En 1974, les tentatives de l’Etat de couper l’électricité dans les quartiers de Amroussia ont entraîné des affrontements armés auxquels les femmes prolétaires prirent part à l’aide de bâtons. Toutes ces tentatives ont littéralement échoué grâce à la riposte des masses ouvrières de plus en plus armées. Objectivement, l’introduction de la résistance palestinienne sur la scène libanaise leur a été bien utile, mais ils l’ont dépassée en portant le conflit sur le terrain de la lutte de classe.
Les armes cachées dans les modestes huttes en tôle ont donné à l’effervescence sociale du prolétariat un caractère militaire très net. Une liste publiée par le parti des phalanges sur la présence militaire dans le camp donnait : « 3.000 guerriers professionnels à Tall-el-Zaâtar auxquels s’ajoutent 2.471 guerriers à Nabâa (important quartier populaire voisin du camp) et une milice de 7.000 personnes dans le camp », ce qui fait « des bases militaires et des entrepôts de munitions et d’armes qui alimentent les grèves et les conflits qui sapent toute vie normale dans une région comprenant la richesse industrielle du Liban. »
Avec le déclenchement de la guerre civile, la haine de la bourgeoisie s’est abattue sur la « ceinture de misère ». Tous les quartiers ouvriers tombèrent l’un après l’autre : Sabnié, Haret el Gaouamé, Al-Sabahia, l’Abattoir, la Quarantaine, « le quartier de tôle », Nabâa, Bordj Hamoud, El Mekalles, Horch Tabet et enfin Tall-el-Zaâtar.
La situation des camps et des quartiers ouvriers pauvres qui regorgeaient d’armes en tous genres, constituait un obstacle pour jeter les bases d’un Etat fort au Liban. Aussi, pour créer les conditions nécessaires à la réalisation de sa charte constitutionnelle afin d’en finir une fois pour toutes avec le confessionalisme politique et unir objectivement les rangs de la bourgeoisie libanaise dans un Etat structuré et fort, le pouvoir syrien devait inévitablement anéantir ce ferment prolétarien qui entravait l’exécution de ses plans. Hafedh el Assad déclarait durant l’encerclement de Tall-el-Zaâtar que « l’entrée des troupes syriennes au Liban n’est pas une violation de sa légitimité, car il n’existe pas d’Etat au Liban. Et le rôle des troupes syriennes est précisément de mettre fin à la rébellion que l’Etat par sa forme actuelle n’est pas capable de maintenir, et surtout à la multiplicité des pouvoirs à l’intérieur du pays et notamment le pouvoir de la résistance ». Ce qui veut dire d’après le régime syrien que la résistance « s’immisce dans les affaires intérieures du Liban, ce qui est contraire à la charte de l’Organisation de libération de la Palestine qui stipule de ne pas s’immiscer dans les affaires intérieures d’un pays arabe ».
Les organisations de la droite libanaise ont mis tout leur poids militaire dans la bataille de Zall-el-Zaâtar. Même les chars du régime syrien et ses fusées modernes sont intervenus massivement pour anéantir le camp. Seulement les masses ouvrières de Tall-el-Zaâtar ont décidé de résister jusqu’à la dernière goutte de sang. Elles ont formé une direction militaire interne et ont envoyé ce message au bureau des opérations militaires à la direction de la résistance : « Nous avons pris notre décision, c’est une décision définitive, nous lutterons jusqu’à la dernière goutte de notre sang, nous n’avons le choix qu’entre deux issues : soit résister jusqu’à la dernière goutte de notre sang avant de succomber, soit nous brisons l’attaque fasciste (le parti des phalanges). Nous résisterons jusqu’à épuisement de toutes nos forces. Les masses ici ont le grand espoir que vous puissiez leur venir en aide pour faire avorter les plans des ennemis de nos peuples palestinien et libanais, les fascistes et les dirigeants de Damas. »
La direction de la résistance palestinienne et le mouvement national libanais (partis et forces de gauche) considéraient que c’était « une sale guerre qui n’est pas dans notre intérêt, parce qu’elle est secondaire et qu’elle nous fait oublier la lutte contre l’ennemi principal, Israël, et qu’il faut donc la cesser à n’importe quel prix… Si nous arrêtions le feu de notre côté, les phalanges cesseraient leur guerre contre nous. » Et, alors que les combattants exigeaient une stratégie militaire pour la défense de Tall-el-Zaâtar en occupant les zones populaires alentour telles Nabâa et Selaf, la direction du Fatah répondait que « Nabâa, Selaf et Harch Chabet n’étaient pas Akka, Haïfa ou Jérusalem pour vouloir les conquérir ».
Au moment où les masses de Tall-el-Zaâtar nageaient dans le sang pour avoir tenu courageusement pendant 52 jours, n’ayant pour nourriture que des lentilles et presque pas d’eau, les dirigeants de la résistance palestinienne négociaient avec les régimes arabes dont l’histoire est synonyme de trahisons et de répression, ou aux traditions de réaction et de subordination à l’impérialisme mondial, comme les régimes de Khaled en Arabie Saoudite et Sadate en Egypte. Même plus, elle est allée jusqu’à lécher la botte de Assad qui était trempé jusqu’au cou dans le sang des martyrs de Tall-el-Zaâtar, et négocier autour d’une table tout près du siège de la droite phalangiste. Et, au moment où les combattants du camp déclaraient que parmi les obus qu’ils recevaient sur la tête beaucoup portaient la marque « Royaume d’Arabie Saoudite », Arafat palabrait du 23 au 25 juin à Ryad dans un sommet avec Sadate et le roi Khaled. Sans parler de toutes les négociations avec la Syrie, avec les phalanges, et toutes les forces qui combattaient les masses.
Le manque de place nous empêche de montrer en détail comment l’OLP a délaissé la lutte armée pour négocier la tête des masses palestiniennes avec les Etats arabes ; comment elle a constamment refusé d’aider les masses encerclées, mais les a isolées face à leurs ennemis.
La tragédie de Tall-el-Zaâtar n’est pas simplement une défaite dans la lutte armée, c’est le résultat de la trahison des masses travailleuses par l’OLP. Pour que l’héroïsme militant des masses ne soit pas perdu, malgré l’issue tragique, il faut tirer les leçons de cet épisode de la lutte de classe. Les travailleurs se lancent dans la lutte avec une abnégation totale, mais pour que leur sacrifice ne soit pas vain, pour que leur sang ne soit pas versé pour rien, il n’y a qu’une seule voie, celle de la lutte de classe, avec ses principes et son programme propres, autour du parti de classe.
L’Intifada : Soulèvement nationaliste ou de classe ?
L’Intifada a débuté le 8 décembre 1987. Ça a commencé dans le camp de réfugiés de Jebalya à Gaza, la région la plus pauvre des « territoires occupés » et la plus densément peuplée de la planète. Elle a été déclenchée par l’assassinat de travailleurs à un poste de contrôle de l’armée israélienne. Elle n’avait pas d’autre but immédiat que de briser les forces de police de la bourgeoisie israélienne qui, depuis vingt ans, maltraitaient, battaient, torturaient et tuaient régulièrement les réfugiés. Elle a pris la forme d’émeutes et d’une grève générale sauvage.
En analysant l’Intifada au début de 1988, il était facile d’y voir un mouvement prolétarien homogène contre la pauvreté de la vie quotidienne, une attaque violente contre l’ennemi naturel et immédiat, la bourgeoisie.
Les Forces de défense israéliennes (FDI) ont interrogé les cent premiers émeutiers qu’elles ont arrêtés ; les résultats ont choqué la bourgeoisie mondiale :
« … pratiquement aucun des détenus ne connaissait les propositions du Conseil national palestinien ou ne savait qu’il existait. Ils étaient incapables de répéter les slogans les plus courants utilisés par la propagande habituelle de l’OLP et même le concept central de la lutte palestinienne – le droit à l’autodétermination – leur était totalement étranger. Aucun d’entre eux n’écoutait les émissions du soir de la radio de l’OLP depuis Bagdad. Ils ignoraient que la question palestinienne n’avait pas été inscrite à l’ordre du jour du sommet Reagan-Gorbatchev de Washington et d’ailleurs ne s’en inquiétaient pas. Pour la plupart, il s’agissait d’ouvriers, employés pour faire le sale boulot en Israël. Dans toute la bande de Gaza, les centres de détention se remplissent de jeunes hommes désabusés qui se considèrent comme les victimes des gouvernements et des politiciens de tous bords. Ils ne se considéraient pas comme des fantassins de la lutte nationale palestinienne et ce n’est pas de cette classe de rebelles instinctifs que l’OLP tirait son soutien. »5
Mais aujourd’hui, en 1992, après cinq années de lutte continue et cinq années d’opposition à l’Intifada de la part de la bourgeoisie israélienne, palestinienne et mondiale, quel est le potentiel de ce mouvement ? L’Intifada a-t-elle été « submergée par les sables mouvants du nationalisme » ? Le prolétariat est-il toujours militant et enragé ? Nous devons écouter l’Intifada car elle porte en elle les germes d’une défaite tragique et sanglante, mais aussi les germes de la victoire et du progrès de la classe ouvrière mondiale et de sa lutte.
Les germes de la victoire
L’Intifada a commencé comme une lutte totalement autonome. Elle a franchi les limites que la bourgeoisie palestinienne avait fixées et a commencé par une hostilité ouverte à l’égard de toutes les fractions bourgeoises. Elle a été déclenchée par une polarisation de classe, et non par une polarisation raciale. Entre 1977 et 1985, l’OLP a injecté un demi-milliard de dollars dans les territoires ; les travailleurs ont vu leurs voisins bourgeois – les maires, les entrepreneurs et les dirigeants autoproclamés – s’enrichir grâce à ces pots-de-vin.
« Lorsque l’enfer de Gaza s’est transformé en pandémonium, la frénésie n’était pas dirigée uniquement contre les Israéliens. Depuis Al-Bourej, Nuseirat et Ma’azi, des milliers de personnes sont descendues dans les champs des résidents de ces régions, piétinant et pillant leurs récoltes. Jebalya résonnait des cris de « d’abord l’armée, ensuite Rimal », Rimal étant l’un des quartiers les plus aisés de Gaza. »6
Les propriétaires ont également été la cible de la foule, ce qui a conduit nombre d’entre eux à publier des déclarations publiques annonçant des baisses de loyer spectaculaires.
La bourgeoisie palestinienne locale a exhorté les FDI à mettre en place des barrages routiers pour contenir les émeutes et protéger leurs propres biens des pillages et des excès de la foule.7
Les formes traditionnelles de contrôle social de faible intensité, habituellement capables d’aplanir les antagonismes de classe – la famille, le patriarcat et l’école – ont perdu leur pouvoir. Des enfants de douze ans, parfois plus jeunes, défient leurs mères et leurs pères et sortent pour se livrer à des émeutes ; lors d’un incident à Ramallah, un groupe de filles a lapidé leurs propres parents qui tentaient de mettre un frein à leurs activités dans le cadre de l’Intifada. Les enseignants sont entraînés par leurs élèves dans les zones d’émeute, on leur tend des pierres et ils sont poussés devant les soldats israéliens. Les femmes de la classe ouvrière ont été à l’avant-garde de la lutte : les deux cinquièmes des victimes des trois premiers mois étaient des femmes, bien que les FDI s’efforcent de ne pas tirer sur les manifestantes.
L’intifada a débuté sans revendications, oripeaux ou caractères nationalistes. Les nationalistes et les gauchistes de l’OLP dans les territoires sont restés chez eux pendant que l’intifada faisait rage, attendant les ordres de Tunis (siège de l’OLP à l’époque) ; leur seule fonction dans les rues était d’apparaître devant les caméras de télévision pour déformer la nature des événements. Lorsque les ordres arrivent, ils sont clairs : où sont les drapeaux palestiniens ? Où sont les affiches d’Arafat ? Où sont les graffitis de l’OLP ? Pendant que les prolétaires combattants exprimaient leur besoin d’armes, l’OLP distribuait des drapeaux et des affiches et sabotait les funérailles des morts.
Pour que l’Intifada réussisse en termes de gains réels pour la classe ouvrière, elle ne doit pas seulement déborder ce carnaval nationaliste bourgeois, elle doit lui déclarer la guerre. Certes, la crédibilité de l’OLP n’a jamais été aussi risible dans les territoires, mais cette suspicion et cette méfiance doivent être focalisées et dirigées avec force. L’OLP sait qu’il s’agit d’une possibilité réelle. Elle a, à plusieurs reprises, empêché la circulation d’armes dans les territoires, craignant qu’elles ne soient retournées contre leurs propres représentants locaux.
La lutte nationaliste palestinienne est née en exil, dans les banlieues bourgeoises des villes européennes et dans les universités du monde arabe. Les réfugiés palestiniens ont été jetés dans des camps avec d’autres travailleurs excédentaires indésirables provenant de tout l’Orient : Liban, Irak, Pakistan. Ils reconnaissent que leur ennemi c’est la bourgeoisie mondiale et tous ses gouvernements. Ce n’est pas l’idée de mourir pour une nation qui alimente l’Intifada. L’hostilité envers les perspectives nationalistes est la véritable force du mouvement, mais le nationalisme n’est pas la seule arme idéologique de la bourgeoisie.
Les germes de la défaite
La bourgeoisie palestinienne a été contrainte d’adopter de nombreux nouveaux visages dans ses tentatives d’adaptation à l’Intifada : gauche, droite, islamiste, chrétien, pro-Irak, anti-Irak – autant de fractions diverses que n’importe quel parlement bourgeois. La perspective internationaliste de l’Islam s’est avérée capable de gagner le soutien de nombreux jeunes réfugiés à Gaza.
La bourgeoisie palestinienne a également prouvé récemment qu’elle était capable de consolider son contrôle dans les territoires : les gangs gauchistes de l’OLP constituent une force de police palestinienne ; ils empêchent les antagonismes de classe de se transformer en guerre de classe ouverte, en protégeant les biens de la bourgeoisie contre les pillards et les prolétaires affamés. Ceux qui volent les riches et se font prendre, ou les militants de la lutte des classes, sont qualifiés de « collaborateurs » et sont publiquement fouettés, passés à tabac, pendus ou tués par balles.
La bourgeoisie tente également de dissimuler les antagonismes de classe ; parfois, elle essaie même de se déguiser elle-même ! Les riches marchands troquent leurs Mercedes contre des jeeps déglinguées. En même temps, ils s’organisent dans leur propre intérêt.
De même que l’Intifada a créé des comités de travailleurs pour organiser la lutte, la bourgeoisie a réagi en créant ses propres comités : comités de marchands, de commerçants, etc. Ils se réunissent pour discuter des moyens d’étouffer la lutte et de défendre leurs propres intérêts. Ces comités sont relativement impuissants sans le soutien des bandes gauchistes qui ont les armes pour les défendre.
Un nouveau proverbe arabe est apparu dans les territoires : « walad bisaqa’a bilad », « un enfant peut fermer une ville ». Les enfants se tiennent devant les magasins, ouverts au mépris des jours de grève, et ils jouent avec des allumettes au vu du commerçant jusqu’à ce que le magasin ferme. Pendant les huit semaines de couvre-feu de la guerre du Golfe, des jeunes ont attaqué les magasins qui pratiquaient des prix trop élevés. Les commerçants avaient le choix : soit ils baissaient leurs prix en fonction de ce que les gens pouvaient payer, soit ils étaient pillés et incendiés. La peur du prolétariat et de son pouvoir l’emporte largement sur la peur des Israéliens au sein de la bourgeoisie palestinienne.
L’expérience du prolétariat est internationale. Au Soudan, des squatters ont été expulsés des camps situés à la périphérie de Khartoum et conduits sous la menace des armes dans des « camps de réfugiés » où ils vivent aujourd’hui sous le contrôle de soldats armés de matraques électriques et de mitrailleuses. Les travailleurs du camp cyniquement appelé « Al Salem » (la paix) se lèvent à quatre heures du matin pour marcher vingt kilomètres afin de rejoindre leur lieu de travail en ville.
Si un État palestinien était accordé, les conditions matérielles et les antagonismes de classe à l’origine de l’Intifada ne changeraient pas. L’exploitation capitaliste se poursuivrait sous un autre drapeau.
L’Intifada s’est montrée capable de développer une autonomie de classe ; les antagonismes de la société de classes font partie de la vie quotidienne, et se transforment constamment en une lutte des classes visible, avec le lynchage d’un ou deux propriétaires terriens.
Dans la lutte, les deux classes de la société sont séparées de force. Arafat ne peut vendre le mensonge selon lequel « nous sommes tous des Palestiniens égaux dans la lutte » lorsque, au cours de l’Intifada, les intérêts de classe opposés des propriétaires et des locataires, des patrons et des travailleurs, sont exposés de manière si flagrante.
Alors que l’Intifada fait rage, le mouvement doit développer cette autonomie pour balayer tous ceux qui s’opposent à lui, pour intensifier son attaque et assurer sa défense.
L’Intifada contient, dans sa lutte, des perspectives qui menacent la fragile paix sociale du monde entier. Au fur et à mesure que l’Intifada devient de plus en plus autonome, la réaction de la bourgeoisie sera prévisible : elle s’unira dans ses efforts pour l’écraser. Seule une généralisation de la lutte peut contrer cette menace : POUR UNE INTIFADA MONDIALE !
Glossaire
Intifada (arabe) – anarchie, chaotique, ébranler, grondement d’en bas, soulèvement. Le mot implique un son. Il a été adopté par ceux qui se trouvaient à l’intérieur et à l’extérieur des « territoires occupés » pour décrire le soulèvement contre l’armée israélienne ; un soulèvement pour la transformation de la situation du prolétariat palestinien, en particulier ; pour secouer le joug bourgeois dans le monde entier, en général [pour l’ébranler et s’en défaire].
Hafez Assad – Président de la Syrie
Sultan Ben Jahid – Président de l’Algérie
Ariel Sharon – Premier ministre d’Israël
Roi Hussein – Roi de Jordanie
Fatah – « conquérir », la plus grande fraction nationaliste au sein de l’OLP
Sionisme – mouvement nationaliste du « peuple juif ». Bien qu’Israël soit décrit comme « l’État sioniste d’Israël » dans notre bulletin, nous ne considérons pas l’État israélien comme le simple rejeton de l’idéologie sioniste, car « il a fonctionné tout au long de son existence selon la logique du capitalisme ». Par exemple, l’expulsion des Palestiniens de leurs terres et leur transformation de paysans en prolétaires se comprend mieux comme une forme d’accumulation primitive. Ce processus de pillage et d’accaparement des terres a été une caractéristique du développement capitaliste partout dans le monde (voir, par exemple, les Highland Clearances [NdT : les évacuations des Hautes terres] en Écosse au XIXe siècle). Cependant, il ne suffit pas de s’attaquer à des cadres particuliers d’exploitation tels que le sionisme ; nous devons nous attaquer à la base même de ces phénomènes – le capital et l’État.
Conseil national palestinien – Parlement palestinien en exil, composé de diverses fractions bourgeoises : religieuses, nationalistes et de gauche.
Publié pour la première fois [en anglais] à l’été 1992, sous le titre Worldwide Intifada, #1 ; réédité en 2002 ; cette édition [anglaise] a été publiée en 2016.
Traduction française : Les Amis de la Guerre de Classe
Postface : à propos du groupe El Oumami
Nous considérons le document du groupe El Oumami comme un témoignage important de la lutte de classe du prolétariat contre la fraction bourgeoise « palestinienne », organisée politiquement en groupes de « libération nationale palestinienne » (en concordance avec les groupes « libanais », « syrien » et « israélien »), ainsi que de l’antagonisme de classe existant à l’intérieur de ce « mouvement national ». Cela dit, il faut mentionner que le groupe El Oumami a souvent quitté le terrain de la lutte de classe pour se ranger de manière « critique » du côté de toute « lutte de libération nationale », et notamment de la lutte « palestinienne ». Dans ce texte, on peut voir que les critiques formulées à l’encontre des organisations de la lutte armée palestinienne restent contraintes de dénoncer l’absence de soutien prolétarien de la part de sa direction, son « opportunisme » et sa « trahison de la lutte des classes ». L’objectif principal de ces organisations – la « lutte contre Israël » au lieu de la lutte de classe contre « la bourgeoisie locale » (dont elles représentent en fait les intérêts) – n’est jamais remis en question.
Comme le dit le slogan du groupe El Oumami : « Pas de paix sans la destruction d’Israël ». Les communistes ne luttent pas pour la « paix », qui n’est rien d’autre que la phase d’entre-deux-guerres du capitalisme, mais s’opposent à tous les États du monde (ou plutôt aux fractions territoriales de l’État capitaliste mondial) – « Israël » et « Palestine » inclus.
Pour cette raison, le groupe El Oumami a été expulsé de son organisation internationale, le PCInt, ce qui est ironique, étant donné que son seul « crime » a été de déclarer ouvertement des positions qui étaient déjà présentes au sein du PCInt lui-même, même si elles n’étaient pas exprimées de cette manière.
Le PCInt lui-même a maintenu des positions de soutien « critique » à la « lutte populaire » des « peuples de couleur » ou des pays du « tiers monde », y compris l’OLP. Cette idéologie est issue du concept historique social-démocrate selon lequel le capital n’est pas un mode de production qui englobe nécessairement la planète entière, mais la somme des capitalismes nationaux. Pour eux, la société n’est pas seulement divisée en deux classes antagonistes, mais aussi entre les différents capitalismes et le reste du monde, qui ne le connaît pas encore. De même, ils ne considèrent pas le développement du mode de production capitaliste comme polaire, contradictoire ; ils n’en voient que le pôle positif, l’assimilant à la richesse et à la croissance industrielle et niant les conséquences inévitables de l’appauvrissement et de la destruction. Selon cette position, le prolétariat de ces régions doit aider la bourgeoisie « autochtone » à « s’émanciper » de l’impérialisme pour développer le « progrès », ce qui revient à développer sa propre exploitation.
Pour nous, la lutte se déroule globalement, entre deux classes opposées : la classe des exploiteurs – la bourgeoisie – et la classe des exploités – le prolétariat ! Et il n’y a pas de « si » ni de « mais » !!!
Guerre de Classe