Ce n’est pas tous les jours que l’on gagne un combat politique. Eh bien aujourd’hui, réjouissons-nous : Julian Assange est libre ! Le fondateur de WikiLeaks a résisté à 14 ans de persécution par Washington. Sa libération, même si elle est obtenue via un accord de plaider-coupable, représente aussi une victoire pour les idéaux démocratiques, en premier lieu le droit d’informer (et d’être informé).
Ce fut une réelle surprise, une excellente surprise, de celles que l’on n’oublie pas. Julian Assange a quitté la prison de Belmarsh à Londres lundi matin. Il y a passé 1901 jours dans une cellule de deux mètres sur trois, à l’isolement 23h/24.
Le journaliste australien a signé le 19 juin un accord de « plaider-coupable » avec le département de la Justice des États-Unis. Il encourait 175 années de prison, une peine conçue pour contraindre à la négociation, pratique courante outre-Atlantique. Des rumeurs quant à l’élaboration d’un tel accord avaient circulé, notamment en mars dernier, mais elles n’avaient pas été confirmées par les parties concernées.
La Haute Cour britannique a accordé à Julian Assange une libération sous caution et il a été conduit à l’aéroport de Stansted, situé à une cinquantaine de kilomètres de Londres. Il a ensuite pris un avion à 17h pour les îles Mariannes du Nord (avec une escale à Bangkok), territoire états-unien du Pacifique. Le choix de ce lieu proviendrait d’une exigence de Julian Assange de ne pas avoir à mettre les pieds sur le continent états-unien.
Il comparaîtra demain mercredi à 9h, heure locale – soit 1h du matin en France –, devant un tribunal fédéral dans l’île de Saipan. Selon l’accord conclu, Julian Assange devrait reconnaître une culpabilité partielle portant sur un seul des dix-huit chefs d’accusation qui le menaçaient – « complot pour obtenir et divulguer des informations relevant de la défense nationale » – et recevoir une peine de soixante-deux mois de prison, soit une durée de détention déjà couverte par les cinq années, deux mois et deux semaines d’enfermement à Belmarsh. Il devrait ensuite être formellement libéré et rejoindre l’Australie.
Les implications de la procédure de plaider-coupable restent à éclaircir, mais après presque quatorze ans de privation de liberté sous une forme ou sous une autre au Royaume-Uni (résidence surveillée, ambassade d’Équateur, Belmarsh), c’est une grande joie et un immense soulagement de savoir que Julian Assange va pouvoir regagner sa terre natale et retrouver ses proches. Il sera bientôt réuni avec sa femme Stella, magnifique de courage et de combativité, et leurs deux petits garçons, qui n’ont connu leur papa que dans un parloir de prison. Et puis bien sûr sa mère Christine, son père John, son frère Gabriel, et tous ceux qui lui sont chers.
WikiLeaks a déclaré que cette victoire était un accomplissement collectif. Le mouvement de solidarité mondial peut en effet être fier. La mobilisation des uns et des autres a permis d’instaurer un rapport de force qui a favorisé cette issue. Il est probable que l’administration Biden a estimé que le coût de la persécution d’Assange devenait trop élevé pour la réputation de Washington, a fortiori dans une année électorale. Peut-être aussi craignait-elle que les audiences d’extradition qui devaient avoir lieu les 9 et 10 juillet à Londres ne tournent pas à son avantage, même si les États-Unis auraient pu faire appel et ainsi prolonger le supplice.
Quoi qu’il en soit, la campagne d’information et de mobilisation a permis d’augmenter la pression, d’apporter de la visibilité à l’affaire, et ainsi de renforcer la position des négociateurs dans leur long bras de fer avec le département de la Justice des États-Unis.
Collectifs militants, associations, syndicats, médias, élus, artistes, etc., l’accumulation d’une multitude d’actions et d’engagements, dans le monde entier, ont épaulé l’équipe de défense juridique et contribué à faire advenir ce dénouement heureux. La lutte paie. Cette victoire montre qu’il ne faut jamais se résigner, qu’il faut combattre inlassablement, malgré l’adversité et les revers.
Julian Assange n’aurait pas dû passer un seul jour en prison, les États-Unis, aidés par certains alliés, lui ont volé quatorze ans de sa vie, cherchant à détruire sa réputation et sa voix. Un châtiment pour l’exemple, afin de dissuader les journalistes et lanceurs d’alerte qui seraient tentés de s’inspirer du travail de WikiLeaks. Mais Washington n’a pas réussi à réduire le journaliste le plus primé du xxie siècle à néant, malgré sa puissance et ses nombreux relais, notamment médiatiques (le bilan des manquements de la profession reste à faire).
Le Comité de soutien Assange et les soixante-cinq organisations et médias signataires de « l’Appel de Paris pour Julian Assange » ont œuvré en France pour convaincre de l’importance de cette cause. Il ne s’agissait pas seulement de sauver Julian Assange, victime d’une persécution implacable, mais de lutter pour le droit d’informer. Et donc d’être informé.
Plus fondamentalement encore, osons les grands mots, il s’agissait de combattre pour la vérité, la justice, la liberté, la connaissance.
Si nous avons réussi à libérer Assange, de quoi sommes-nous encore capables ?...
Comité de soutien Assange
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