Nous sortons tout juste d’une nouvelle mobilisation exceptionnelle pour défendre le partage de l’eau. Un peu plus d’un an après Sainte-Soline, le mouvement a montré à nouveau sa détermination à stopper les méga-bassines. Avec une pression policière inédite sur le village de l’eau et des milliers de contrôles, la menace planait pourtant d’empêcher littéralement tout rassemblement. Les manifestations massives, dans le Poitou le vendredi, à la Rochelle le samedi, ont fait face à d’énormes dispositifs policiers qui sont allés jusqu’à mettre le feu à des champs moissonnés et à gazer une foule nassée pour protéger les intérêts de l’agro-industrie.
Alternant la convergence de milliers de personnes ici ou de centaines d’autres là, le mouvement avait décidé de multiplier les formes entre marches dans les champs, formation collective au déplacement, convois de vélo agiles, mêlée urbaine, désarmement magique de bassines par cerf-volant, équipée navale en direction du port par une brigade de kayaks et licornes, transe aquatique collective ou blocage mené par des tracteurs surgissant dans la nuit au pied des silos au beau milieu du port interdit.
Voici un certain nombre de textes et liens vidéos pour se faire une meilleure idée de ce qui s’est passé et une invitation à se retrouver à la fin de l’été pour une "Traversée des Luttes de l’eau - De la Venise verte à la lagune de Venise".
Nous remercions infiniment toutes celles et ceux qui ont permis, de près ou de loin, la tenue du village de l’eau et des deux journées de mobilisation.
A bientôt. No bassaran ! No pasaran !
CHAMP EN FEU ET LENTILLES D’EAU - LE RÉCIT DE LA JOURNÉE D’ACTION DU VENDREDI 19 JUILLET
Ce 19 juillet, malgré un dispositif policier une nouvelle fois très agressif et l’interdiction de la manifestation, 600 cyclistes ont réussi à aller au pied des méga-bassines du géant de l’élevage industriel Pampr’oeuf pour les désarmer magiquement avec des lentilles d’eau. Pendant ce temps, 10 000 personnes ont marché en direction de Cérience, une filiale de la méga-coopérative Terrena, un des principaux promoteurs des méga-bassines dans le Poitou avant que la gendarmerie incendie volontairement des champs de blé.
Depuis le début de la journee, les forces de l’ordre de la gendarmerie étaient très clair : empecher toute manifestation ou tout faire pour provoquer des debordements. Dès l’aube, par des blocages, des gazages et des contrôles systématiques, les forces de l’ordre ont cherché à empêcher les cortèges de partir du village, puis de converger. Mais la grande marche a bien eu lieu. Cet après-midi les gendarmes ont préféré tirer massivement des grandes lacrymogènes en plein champs blé secs... déclenchant ainsi un inévitable et dangereux incendie. Littéralement, c’est la politique de la terre brûlée qu’a choisie Gerald Darmanin ! Plutôt que de laisser passer des défenseur·euses de l’eau, manifestant dans la plaine agro-industrielle désertique.
Résolument déterminé·es à ne pas laisser les gendarmes les blesser comme l’an dernier à Sainte-Soline, les manifestant·es ont usé de nombreux stratagèmes pour éviter l’escalade de l’affrontement, et tout de même atteindre leurs cibles. 10 000 personnes ont fini par se rassembler vers 14h au Pré sec sur la commune de Migné-Auxances, la où len août dernier le convoi de l’eau avait fait une etape. Après un pique-nique en fanfare et des prises de parole, la foule s’est élancée vers l’usine Cerience, la filiale semence de Terrena. Ce groupe agro industriel est en effet l’un des principaux promoteurs des méga-bassines du Poitou. C’est l’interlocuteur privilégé de la préfecture de la Vienne, au titre de représentant de l’usage agricole de l’eau.
Nous souhaitions déposé un avis de dissolution de l’entreprise, en réponse au panneau de permis d’aménager posé récemment pour la Bassine de Saint-Sauvant. Le message est clair, dans la Vienne, en Deux-Sèvres et ailleurs, nous ne comptons laisser passer aucun chantier de méga-bassines sans encombre. Nous continuerons à cibler les grosses entreprises qui s’accaparent l’eau, spéculent sur les fruits de l’agriculture et sur le dos des paysan·nes. Face aux murs de feu déclenchés par les forces de l’ordre, il a alors été décidé de rebrousser chemin pour ne pas se mettre en danger et préserver les énergies résistantes. Une grande manifestation nous attend samedi 20 juillet, au terminal agroindustriel portuaire de La Pallice. Aujourd’hui, nous avons réussi à faire respecter notre liberté fondamentale de manifester, dans un contexte de répression massive.
En parallèle, un cortège vélo fort de 600 cyclistes est arrivé jusqu’au pied de deux méga-bassines dédiées au fermes-usines de volaille du groupe Pampr’oeuf. Ils ont planté 3 épouvantails pour repousser les menaces de nouvelles bassines. Pour désarmer la seconde bassine du groupe, les manifestant·e·s accompagné·e·s des Naturalistes des Terres ont utilisé des cerfs-volantts chargé d’un colis surprise. Ceux-ci ont volé au-dessus du cratère au nez et à la barbe des gendarmes gardant l’édifice pour y larguer des lentilles d’eau, une arme naturelle anti-bassine dans un moment de liesse. Ces lentilles se développent ensuite dans l’eau stagnante de la bassine et en bouchent les pompes et tuyaux, mettant ainsi l’ouvrage hors d’état d’accaparement ! En ayant atteint une bassine, les lentilles incarnent la possibilité d’une revanche des habitant·es des marais contre l’accaparement de l’eau.
Pampr’oeuf produit 850 millions d’œufs de batterie par an, c’est le plus gros industriel de France avec 15% du marché. Ce mastodonte a plusieurs fois défrayé la chronique ces dernières années à l’occasion d’une infiltration par drone de l’association L214 dans l’une de ses exploitations à Pamproux en décembre 2021, relevant d’actes de cruauté et de violence. Une plainte pour "mauvais traitements" et "actes de cruauté"a été déposée. Plus récemment, l’abattage de 285.000 poules pondeuses enfermées en bâtiment signait le macabre record français à la suite d’un cas de grippe aviaire de 2023.
Les 2 méga-bassines que nous avons visé aujourd’hui appartiennent à la famille NERAULT, propriétaire de six entreprises de la fillière volaille et cumulant plus de 15 millions d’euros de chiffres d’affaires. La famille est actuellement en train de vendre Pampr’oeuf à la méga-coopérative Terrena. Cibler ce groupe, c’est donc s’attaquer à la grande bourgeoisie agricole qui s’accapare depuis trop longtemps l’eau dans ces méga-bassines privées. C’est aussi dévoiler que ces méga-bassines, en service depuis 16 ans, encouragent les pires modes de productions industriels, intensifs et nocifs, loin des promesses d’un soit disant changement de modèle agricole.
Photos téléchargeables et libres de droit de la manifestation : https://we.tl/t-fQFZnMEQYn
Depuis la terre et la mer, 10000 personnes, tracteurs et bateaux manifestent et bloquent massivement le port industriel de la Pallice
La journée a démarré avec le blocage surprise du port et de l’entreprise de négoce en céréale Soufflet, par un convoi de tracteurs surgissant depuis le pont de l’île de Ré au nez et à la barbe du dispositif policier. Ils ont été rapidement rejoints par un cortège caché dans le port avec une banderole "Paysan·nes, travailleurs, autonomes, unissez vous !". Loin des oppositions binaires mises en scène par le gouvernement entre écologistes et agriculteurs, ce blocage marque une fois de plus l’engagement paysan dans la lutte anti-bassines. (Le communiqué des paysan.nes anti-bassines sur les raisons du blocage - https://lessoulevementsdelaterre.org/en-eu/blog/blocage-surprise-du-port-de-la-rochelle-par-un-convoi
Aujourd’hui, les paysann•e•s comme le reste des manifestant•e•s avaient pour but de cibler des ennemis communs majeurs : les méga-coopératives et entreprises de négoce du port de la Pallice. Celles-ci appuient en effet la construction des méga-bassines pour rentabiliser leurs investissements dans l’agrandissement du port. Elles s’accaparent le revenu des paysan•ne•s pour maximiser leurs profits et les poussent à une course folle au rendement au détriment des terres, de l’eau et des populations.
Relevant une nouvelle fois le défi des interdictions systématiques de manifester et malgré les nombreux blocages policiers, plus de 8000 personnes ont réussi à se réunir dans le parc Charruyer. Elles ont été ralliées tout au long de l’après-midi jusqu’à atteindre 10 000 manifestantes. Durant les prises de parole initiales, une délégation internationale, composée de 200 personnes venu•es du monde entier a souligné à quel point ce port est un outil majeur de l’extractivisme néocolonial. En effet, la moitié des flux du port alimentent le complexe agro-industriel, l’autre moitié l’industrie du pétrole et du BTP. Le port est le catalyseur d’un capitalisme fossile qui nous fait foncer tout droit dans le bouleversement climatique. On y retrouve pêle-mêle : Total, CMA-CGM, Lafarge, et bien sûr Bolloré. Celui-ci ne se contente pas d’intoxiquer nos esprits avec sa propagande néo-fasciste, il intoxique le monde avec ses industries responsables, entre autre, de déforestations massives pour l’huile de palme ! Il a été l’un des principaux investisseurs de l’agrandissement du Port de La Rochelle où il est toujours bien présent via son pôle énergie. Jadis, c’est le port négrier qui a fait la fortune des négociants rochelais. Aujourd’hui, la fortune de ces multinationales est toujours directement issue du pillage de l’Afrique et des guerres que celui-ci engendre.
Après les prises de parole, les manifestant•e•s se sont divisé•es en deux cortèges pour ruisseler vers le port avec pour objectif d’établir différents points de blocages festifs aux alentours et tenter une approche par la mer. Le premier cortège a longé la côte en faisant jonction avec les 10 tracteurs paysans copieusement gazés par la police en fin de matinée avant d’être obligés de quitter leur piquet.
Comme promis le cortège côtier a réussi à entrer sur la plage la plus proche du port de la Pallice et à partir le bloquer par voie marine avec de nombreuses embarcations et des nageurs•euses longeant la côté. Ils ont été rejoints par une flottille de catamarans et kayaks déjà en route malgré les interdictions de naviguer.
Le second cortège qui a emprunté les boulevards en direction du port a quant à lui été rapidement nassé, gazé et lourdement chargé dans la ville, mais à fini par s’extraire du piège policier. Les deux cortèges ont fini par se rejoindre en milieu d’après-midi en faisant une haie d’honneur aux tracteurs dans une ambiance de fête, en chantant malicieusement "Et tout le monde déteste La Pallice" ou encore "siamo tutti antibassini", marquant ainsi la jonction des luttes écologistes et antifascistes.
Les forces de l’ordre ont de nouveau attaqué la manifestation avec des gaz et canons à eau. Plusieurs interpellations ont eu lieu dont plusieurs avec des violences des forces de l’ordre. Ils ont fait face à des manifestant•es de tout âge et de toutes conditions physiques, mais extrêmement solidaires, déterminé•e•s à se protéger ensemble des coups et à ne pas se lâcher.
(À l’heure où nous écrivons ce communiqué une partie de la manifestation se dirigeait vers la plage de la concurrence pour clôre la journée. Nous ferons une mise à jour en fin d’après-midi lors du retour des manifestant•e•s pour la grande fête de clôture au village de l’eau)
Nous avons déployé aujourd’hui différentes manières de bloquer le port de La Pallice. Nous y reviendrons tant que ses multinationales détruisent nos vies, nos fermes, nos bassins versants et ceux des populations de l’autre côté de l’océan.
Un an et demi après Sainte-Soline, ces deux journées de manifestation démontrent l’inventivité et les capacités de rebond du mouvement anti-bassines, et ce malgré une pression politique et policière sidérante. Chaque chantier de bassines et les entreprises responsables vont continuer à être combattus pieds à pied localement et nationalement. Il est temps de faire bassine arrière, de statuer sur un moratoire et d’ouvrir la voie à une bascule agro-écologique.