Nous avons pris connaissance du récent sketch de l’humoriste Blanche Gardin, et son collègue Aymeric Lompret. Tous les deux y jouent des « antisémites anonymes » repentis.
« Ici on est tous antisémites ! » s’exclame Lompret, suscitant les rires et les applaudissements dans la salle. Tout cela nous donne une furieuse impression de déjà vu. Dieudonné l’a quasi théorisé avec son spectacle Mes excuses, dans lequel se trouvait un sketch intitulé « association des racistes anonymes ». Nous y voyons un retour de l’époque du théâtre de la Main d’Or, où une partie de la gauche ne voyait aucun problème avec celui qui est devenu un antisémite de profession ancré à l’extrême droite.
Le contexte de ce sketch pour Lompret, c’est sa récente démission de France inter après le renvoi de Guillaume Meurice. À ce sujet, nous recommandons la vidéo pédagogique de Jonas Pardo sur Akadem
(https://www.youtube.com/watch?v=XDmzAu-bVcM)
, permettant de comprendre le caractère antisémite de la blague de Meurice, régulièrement reprise depuis, sans aucune remise en question. Dernier exemple en date devant la foule réunie contre l’extrême droite place de la République à Paris ce 3 juillet au soir, Aymeric Lompret toujours fier de lui, plaisante de nouveau compulsivement sur les prépuces, cette fois-ci avec la chanteuse Izia.
Certains disent que les deux comiques dénoncent courageusement l’utilisation politique de la lutte contre l’antisémitisme par la droite. Nous sommes consterné·es de la faiblesse de leur antiracisme et de devoir répéter notre rejet du déni de l’antisémitisme qui a lieu dans une partie de la gauche. Surtout dans un contexte de flambée des actes antisémites dans notre pays, deux semaines après le viol d’une petite fille juive de 12 ans aux cris de « sale juive » et dans un entre-deux-tours des législatives avec les héritiers des nazis en tête. Ce déni d’une partie de la gauche, que nous avons appelé « instrumentalisation de l’instrumentalisation »
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(cf https://juivesetjuifsrevolutionnaires.wordpress.com/2024/04/25/linstrumentalisation-de-linstrumentalisation-ou-le-piege-de-linjonction-a-ne-pas-denoncer-lantisemitisme/)
,consiste à nier, minimiser ou banaliser toute dénonciation d’antisémitisme sous le prétexte que celui-ci est instrumentalisé par la droite, et, dans une totale confusion, estimer que toute dénonciation de l’antisémitisme en France est dirigée contre les Palestinien·nes. La conséquence est une négligence totale de l’antisémitisme en lui-même, bien réel, et l’absence voire la revendication d’une non-remise en question qui devient un acte transgressif. C’est aussi le message que nous transmet ce sketch, réalisé lors d’une soirée caritative en solidarité avec les gazaouis, où rire de l’antisémitisme et de sa dénonciation devient une preuve intangible de son soutien au peuple palestinien. Le soutien aux Palestinien·nes est considérablement affaibli par de telles postures.
Non, être antisémite n’est pas la marque des « anti-systèmes », ou de ceux qui se rapprochent de la prise de pouvoir. Pas plus que l’antisémitisme n’est un « rayon paralysant ». C’est une oppression réelle qui va jusqu’à tuer, blesser et violer. Le poncif « ils voient des antisémites partout » est éculé. Les éditorialistes de CNews disent la même chose que Blanche Gardin et Aymeric Lompret quand ils prétendent que les personnes racisé⸱es « voient du racisme partout ». Ils disent la même chose quand ils prétendent que « aujourd’hui, on ne peut plus rien dire ». Changez de disque, ou assumez que vous avez complètement lâché une partie de la population qui ne supporte plus vos ricanements face à ses souffrances réelles.
Faire passer les Juif⸱ves qui dénoncent l’antisémitisme pour des hystériques, des exagérateurs, des sujets de blague, est d’une violence inouïe. Qui peut décemment rire de tout ça ? Celles et ceux qui croient que l’antisémitisme que nous subissons n’existe pas, qu’il est seulement une instrumentalisation, qu’il n’y a pas un humain derrière le Juif. Derrière la petite fille de Courbevoie, derrière cette femme de 88 ans rouée de coups aux cris de « sale juive », derrière Mireille Knoll, Ilan Halimi, Myriam Monsonégo et tous les autres. Derrière tous ceux et celles là, il y a des humain⸱es, il y a une minorité victime de racisme dont beaucoup de membres pensent à fuir, et qui ne rient pas
Juives et juifs révolutionnaires