Emmanuel Macron voulait une cohabitation avec le RN pour l’affaiblir en vue de 2027. C’était sans compter avec l’arrivée en tête du NFP qu’aucun politicien de droite, éditorialiste et sondagier n’avait anticipé. Après avoir réussi à se maintenir deuxième force politique en nombre de députés grâce au barrage anti-RN, les macronistes devaient donc organiser le barrage bourgeois, anti-gauche, en faisant une coalition avec le RN. Cela a pris près de deux mois et a abouti à la nomination de Michel Barnier ce jeudi 5 septembre. Qui est ce sinistre personnage et qu’est-ce que cette nomination nous dit de la période ?
Les élections ne servent plus à rien : c’est ce qu’on appelle une dictature
« Une dictature, c’est un régime ou une personne ou un clan décident des lois. Une dictature, c’est un régime où on ne change pas les dirigeants, jamais.” Cette phrase est de Macron lui-même. Nous y sommes. Macron est un Trump qui a réussi : malgré une défaite électorale cuisante et claire, ce dernier est parvenu à rejeter les trois messages de cette élection, c’est-à-dire le barrage anti-RN, l’arrivée en tête de la gauche et le désir d’une cohabitation. Il y est parvenu en faisant alliance avec le RN pour barrer la gauche et nommer un Premier ministre qui assure la continuité de sa politique et de son contrôle.
Lucie Castets, dont la formation politique, le NFP, a pourtant gagné les élections, le disait, face à l’annonce du refus de Macron de sa nomination : “De la colère. C’est ce que nous sommes des millions à ressentir ce matin. Emmanuel Macron nous dit que les élections ne valent rien.” Elle ne le pense pas vraiment, et pourtant, elle devrait.
Comme d’habitude les euphémismes vont bon train dans la presse inféodée et au sein de la gauche bourgeoise, atteints d’une dissonance cognitive avancée et imperturbable, Libé parlant de “mépris” ou de “président toxique”, Marine Tondelier de “dérive illibérale” (combien d’années faudra t-il avant d’envisager qu’il s’agisse là plus que d’une “dérive” ?)… tout cela alors même que le refus des résultats des élections crée un précédent qui n’augure rien de bon pour 2027.
Certaines et certains rétorquent que les magouilles et manœuvres de la clique Macron ont été faites en respectant le cadre de la Constitution. Notons déjà que l’esprit de la Constitution a été largement tordu : même en admettant l’idée que la censure d’un gouvernement NFP aurait été inévitable, la logique voudrait que ce soit à l’Assemblée de censurer et non pas préventivement au Président de la République.
Mais il s’agit là d’un argument légaliste et non d’un argument démocratique. Contrairement à une image extrêmement caricaturale des dictatures, imaginant un pays à l’arbitraire absolu et au pouvoir entièrement personnel, il y a bien des règles, des procédures, des lois, des procès en dictature. Il y a bien souvent une façade afin de légitimer le régime. Dans notre cas, si Macron peut être un dictateur, c’est-à-dire réprimer l’opposition et l’empêcher d’accéder au pouvoir même quand elle gagne les élections, c’est précisément parce que nous avons une des constitutions les plus dictatoriales d’Europe, une constitution qui permet au Président de s’asseoir sur le suffrage universel. Dans 23 pays d’Europe, le Premier ministre est nommé parmi la coalition arrivée en tête aux élections législatives.
C’est d’ailleurs quelque chose à opposer à celles et ceux qui sont conscients que la Ve République a toujours été autoritaire et que le capitalisme l’est par nature. Cela est vrai mais il y a d’une part des degrés, d’autre part des moments de bascule qui, comme celui-ci, sont des clarificateurs.
Une dictature s’accompagne d’un langage et d’une propagande. Pierre Ouzoulias, sénateur communiste, soulignait qu’en France celle-ci commence à ressembler à 1984 de Georges Orwell avec des dénis de réalité absolument délirants, François Bayrou répondant par exemple à la journaliste Apolline de Malherbe lui disant “il y a quand même un premier (le NFP)” que “non, il n’y a pas eu de premier !”. Pour la classe dominante, si la gauche gagne, alors le réel n’existe plus. Les sondages ont également joué ce rôle. Eux qui se sont trompés systématiquement sur la gauche, en la sous-estimant depuis plus de dix ans, ont passé leur temps à refaire les élections en sondages puisque les résultats des élections réelles ne leur avaient pas convenu, avec les conclusions habituelles : tout le monde déteste LFI et Mélenchon (qui progresse à chaque élection depuis 2012), tout le monde est soulagé que le NFP ne soit pas nommé, tout le monde adore les macronistes. Pourtant d’autres sondages, beaucoup moins diffusés, donnent d’autres résultats : 76 % des Français insatisfaits des actions d’Emmanuel Macron, 84 % portent un regard négatif sur l’action sur le pouvoir d’achat, 77 % sur la réforme des retraites, 57 % d’avis négatifs sur la lutte contre le terrorisme et 59 % sur les relations avec l’UE.
Cette démonstration aussi violente qu’implacable – que le vote ne fonctionne pas ou plus – peut avoir deux conséquences. Ou une résignation triste et dépolitisante, ou bien l’exact inverse, une compréhension plus fine, une prise de conscience d’où se situe réellement le pouvoir et de la nécessité d’envisager des méthodes de luttes plus dures, plus radicales, plus collectives. À nous toutes et tous de faire en sorte que ce soit la deuxième option.
Le Nouveau Front Populaire (NFP) a survécu
Contre toute attente, le NFP a survécu. Pendant toute la période, Macron a tenté de jouer l’aile droite du PS – les macronistes pur jus – contre son “aile gauche”, très faiblement majoritaire et incarnée par Olivier Faure, qui pense, elle, que la survie du PS ne peut advenir que par des alliances avec le reste de la gauche (France Insoumise, écologistes, communistes). Cette aile droite a tenté de magouiller avec Macron pour choper des ministères, elle a ainsi fait émerger les noms de Bernard Cazeneuve (quand bien même celui s’était opposé à la fois au front républicain et au NFP) et de Karim Bouamrane, mais s’est finalement trouvée (faiblement) minoritaire. Le PS a donc affirmé qu’il censurerait “toute prolongation du macronisme”. Sans la coalition de Macron avec le RN, cela aurait pu aboutir à une crise institutionnelle, préférable aux nouvelles régressions sociales qui s’annoncent.
La gauche de droite disait qu’il fallait refaire le macronisme une énième fois : une alliance de la droite, des macronistes et du PS, et que cela aurait permis des “compromis”. Mais cette alliance, c’était déjà l’essence du macronisme, et quel compromis avons-nous obtenu ? Pire : quelles avancées sociales avons-nous eues quand le PS gouvernait seul avec les écologistes en 2012 ? Les références à l’après-guerre, souvent mobilisées, n’ont aucun sens : s’il y a eu un compromis en 1945, et que des avancées sociales ont pu être obtenues, c’est parce qu’il y avait l’URSS ; des dizaines de milliers de communistes formés à la clandestinité et au maniement des armes. La bourgeoisie avait peur et lâchait du leste. Nous ne sommes plus dans cette situation.
Bien sûr, le PS n’est pas soudainement devenu un parti de gauche et honorable après un siècle de services rendus à la bourgeoisie. Il est opportunément dans l’opposition car c’est sa seule manière de ne pas disparaître, et il faut rester clairvoyant sur ce qu’il est. Philippe Marlière explicitait d’ailleurs clairement cette stratégie qu’il appelle de ses voeux : “Les minoritaires du PS ne semblent pas connaître leur histoire. Briser l’union de la gauche et gouverner avec la droite, c’est renforcer Mélenchon à gauche et liquider le PS. Pour affaiblir Mélenchon, il faut d’abord faire l’union à gauche et en reprendre le leadership.” Olivier Faure n’est pas plus à gauche, il est juste plus fin stratège.
Alors même que Macron refusait le résultat des élections, Pierre Jouvet, secrétaire général du Parti socialiste, annonçait être en désaccord avec la marche du 7 septembre en faveur de la destitution de Macron.
Michel Barnier : l’aboutissement du macro-lepénisme
Si Macron vient de réussir son coup d’Etat, c’est grâce à son alliance avec le RN qui lui a promis de ne pas censurer son gouvernement, en contrepartie de l’application de son programme. La majorité de Macron est donc, de manière plus claire et explicite que jamais, une majorité d’extrême droite.
Nous le disons depuis longtemps, le macronisme est une des formes de l’extrême droite contemporaine, qui n’a de différence d’avec l’extrême droite traditionnelle que son esthétique (et encore) et son ethos (et encore). Cela est désormais d’une clarté absolue : la bourgeoisie macroniste préfère tordre les institutions, refuser le résultat des élections, s’allier explicitement avec l’extrême droite pour appliquer son programme ultra autoritaire et raciste, que d’avoir la possibilité de voir s’appliquer un programme mollement social-démocrate avec quelques hausses d’impôts pour les entreprises et les riches, une minuscule hausse du SMIC et l’abrogation de la réforme des retraites. Les députés RN eux-mêmes ont décrit la manière dont les macronistes sont venus “mendier leur soutien”, leur expliquant tous les points communs qu’ils avaient avec eux.
Inversement, et cela est peut être moins dit, le RN est un macronisme. Le RN ne prétend plus en rien être “anti-système”, son obsession est même l’intégration au sein de ce système. Le RN a ainsi montré à quel point il était conciliant avec le macronisme. Il a répété à foison qu’il censurerait n’importe quel gouvernement de gauche, et que l’absence de la France Insoumise n’y changeait rien. Il y avait un implicite : le RN ne censurerait pas un nouveau gouvernement macroniste, ce qui s’est produit.
C’est donc une grande clarification : les macronistes sont infiniment plus proches de l’extrême droite du RN que de la gauche. Le RN se considère comme appartenant au bloc de droite qui va de l’aile droite du PS jusqu’à Zemmour.
Stefano Palombarini, co-théoricien du “bloc bourgeois”, va dans le même sens : “Il ne fait aucun doute que la nomination de Barnier marque une accélération brutale dans le rapprochement entre le bloc bourgeois et celui d’extrême-droite.”
L’impasse du barrage conçu comme une stratégie
La naïveté des électeurs barragistes a donc une fois de plus été abusée. Macron avait dissous pour que Bardella soit Premier ministre, ce qui était déjà un fort indice du fait qu’il ne peut pas être considéré comme une opposition crédible à l’extrême droite. Il a malgré tout, surtout sous l’impulsion de Gabriel Attal, fait élire ses députés grâce au barrage anti-RN.
Dire que le barrage est une impasse stratégique ne signifie pas qu’il ne fallait pas faire barrage, chacun fait en sa conscience, mais simplement que le barrage est devenu absolument structurant dans la politique française comme outil d’annihilation de la gauche. Cela est d’autant plus préoccupant que le barrage n’empêche pas l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir car l’extrême droite n’arrive au pouvoir en Europe que par des alliances et des coalitions (Suède, Italie, Hongrie…). C’est précisément ce qu’il vient de se passer avec la coalition RN-Macron.
Il faut donc arrêter de penser la politique comme divisée entre “républicains” et “extrême droite”. “Républicains” ne nous réunit en rien, c’est un mot devenu creux par son usage récent. Nous ne faisons pas face à des monarchistes, nous faisons face à un bloc raciste, autoritaire et néolibéral. La classe dominante a fait entrer le RN dans le camp “républicain” et en a exclu la France Insoumise. Elle en exclura bientôt toute la gauche, même la plus bourgeoise et mollassonne. Ces signifiants ne nous aident donc plus en rien, ils créent une confusion qui nous empêche de repérer nos ennemis et de les comprendre. Il n’y a de différences entre le RN, LR et les macronistes que de degré, en aucun cas de nature. C’est bien ce qui leur permet de s’allier aujourd’hui. Le RN n’est pas républicain simplement par astuce rhétorique mais parce que la République peut très bien être raciste, coloniale, dictatoriale, anti-sociale. Le RN se sent bien dans le “climat républicain” actuel qui ne signifie plus rien d’autre que de haïr la gauche, les mobilisations sociales, les minorités, les Musulmans.
C’est ce que nous avions voulu expliquer dans un article de mai 2023 intitulé “Arrêter de craindre le danger fasciste, craindre le danger Macron” : “pour maintenir des majorités introuvables, LR et macronisme devront de plus en plus composer avec le RN. Autrement dit : faire barrage au RN en votant pour le macronisme ou LR c’est voter pour deux forces politiques qui ont, in fine, vocation à s’allier à la première. À ce stade la « politique du barrage » consiste donc en un jeu de dupes : en pensant faire barrage à un parti en votant pour un autre, on vote pour un mouvement politique, qui, au bout du compte, fera alliance avec celui que nous voulions contrer et appliquera la même politique. Les compromis se feront bien sur les questions économiques et non pas sur les politiques contre les minorités et sur l’autoritarisme, positions où tout ce beau monde se retrouve.”
Pour le dire autrement : voter Macron avec l’objectif d’arrêter le RN ce n’est pas empêcher le RN d’arriver au pouvoir, c’est seulement exprimer une préférence pour le pôle de gravité de la prochaine coalition d’extrême droite (RN,LR ou macronistes).
Espérons a minima que ce moment serve de clarification.
“Une impression de cohabitation” : Barnier est un macroniste d’extrême droite
Nous voilà donc dans la situation délirante dans laquelle c’est le parti Les Républicains, dont le groupe est arrivé dernier aux deux tours des élections, qui n’a que 47 députés (contre les 182 du NFP), qui gouverne désormais.
Macron réalise son but, tel que l’avait explicité Le Monde le 30 juillet dernier : “Le chef de l’Etat souhaiterait trouver une personnalité consensuelle (….), mais dont la désignation au poste de Premier ministre donnerait une impression de cohabitation”.
Avec Barnier, il prend un Premier ministre d’un parti qui n’est pas le sien, pour donner l’impression d’un changement, d’une cohabitation, mais pour poursuivre en réalité sa politique tout en la radicalisant et en l’accélérant.
Bref : si les macronistes gagnent les élections, on a un premier ministre macroniste, si les macronistes perdent les élections… eh ben on a un premier ministre macroniste.
Car macroniste, ou “macron-compatible”, Michel Barnier l’est. Le Monde rappelait qu’il “a été approché pour Matignon quand Edouard Philippe est parti”, ce qui fait que même ses détracteurs au sein de LR le considèrent comme un “macroniste déçu” : pour le dire autrement, Michel Barnier était envisagé pour être le Premier ministre de la majorité macroniste avant que les macronistes ne perdent leur majorité en 2024. Le Figaro nous raconte lui que l’Elysée le voulait également pour la présidence de la Commission Européenne.
On le comprend : Michel Barnier est une synthèse entre Macron et Le Pen. Mais qui est-ce exactement ?
Michel Barnier c’est qui exactement ? Il a fait quoi ? Il pense quoi ?
Dresser le portrait de Michel Barnier n’est pas aisé. C’est en effet une personnalité aussi antipathique que parfaitement ennuyeuse, inintéressante et fade, un vieux politicard qui pue la naphtaline.
Fils de patron, passé par une grande école de commerce, marié à une membre de la famille Altmayer (une famille classique de la bourgeoisie française qu’on retrouve dans l’armée, en politique et dans la production cinéma), Michel Barnier grenouille dans la politique presque depuis que la politique existe. Il est passé absolument partout : conseiller général, chargé de mission, conseiller technique, député, sénateur, ministre, commissaire européen, député européen…
En faits d’armes on peut noter son vote contre la dépénalisation de l’homosexualité en 1981 où il était déjà député (plus précisément il s’agissait de l’alignement de la majorité sexuelle des homosexuels sur celle des hétérosexuels).
Mais si on doit retenir vraiment quelque chose de son insipide carrière c’est qu’il est un des artisans de l’Europe néolibérale. Ministre délégué aux affaires étrangères de 1995 à 1997, il fut le chef de la délégation française pour la négociation du Traité d’Amsterdam, un des traités qui a consacré l’Europe de marché antidémocratique, qui donne la priorité à la compétitivité et à la déréglementation et qui a fait perdre encore davantage de souveraineté aux Etats membres.
Dans cette même lignée, il fût un fervent défenseur du Traité pour la Constitution européenne de 2005, qui fut rejeté par les Français par référendum. Barnier fut alors un de ceux en faveur de contourner le vote des Français (ce qui fut fait).
Ministre des affaires étrangères en 2004, il fut soupçonné par une juge d’instruction en 2016 d’avoir permis à l’époque la fuite de mercenaires biélorusses eux-même soupçonnés d’avoir bombardé le camp de Bouaké, en Côte d’Ivoire, en 2004, où 9 soldats français avaient péri, afin qu’il soit impossible de les interroger. Il fut toutefois innocenté par la Cour de justice de la République.
Ministre de l’agriculture entre 2007 et 2009 sous le gouvernement François Fillon, il contribua à libéraliser et à déréguler l’agriculture et donc à appauvrir les paysans. C’est dans cette perspective qu’il signa notamment l’accord sur la Bilan de santé de la PAC qui dérégula la production laitière et qui aboutît à la grève du lait de septembre 2009.
Au niveau de sa personnalité on sait qu’il est quelqu’un de brutal et de méprisant. Gilles Perret, célèbre documentariste qui a co-réalisé plusieurs films avec François Ruffin en témoigne par exemple, disant que Barnier fût sa “première déconvenue professionnelle. Tout jeune caméraman, je faisais une interview posée de lui en 1995. À la fin, avec mépris et arrogance, il m’a insulté devant son entourage et mon journaliste car je n’avais pas vu qu’il avait un simple pli sur sa veste…”.
Sur le plan idéologique, il cumule le pire du macronisme en termes de néolibéralisme, et le pire du lepénisme en termes de xénophobie.
Sur l’immigration, il revendique l’idée de sortir des contraintes des droits de l’Homme, c’est-à-dire à “ne plus être soumis aux arrêts de la Cour de justice de l’Union Européenne ou de la Cour européenne des droits de l’homme” (un des rares bienfaits de l’Union Européenne…). Il est par ailleurs complètement obsédé par cette question qui est maintenant le cœur de son combat politique. C’est précisément sur ce thème que se fait l’alliance avec le RN.
En 2022, candidat malheureux à la primaire de la droite, il appelait à “stopper immédiatement les régularisations, limiter rigoureusement le regroupement familial, réduire l’accueil des étudiants étrangers”. Il était également favorable à une loi ultra islamophobe, comme on en a pas vu depuis le maréchal Pétain, l’interdiction du voile dans l’espace public, ce qui revient ni plus ni moins à créer un statut d’exception pour les Musulmanes.
Sur le plan autoritaire, Barnier veut nous faire avancer plus loin dans le délire dictatorial avec une police municipale systématiquement armée et l’utilisation massive de drones.
Sur le plan écologique, rien à attendre de lui bien sûr, il est la parfaite incarnation de “l’écologie de droite”. Il disait vouloir mettre fin “au développement anarchique de l’éolien qui est en train de massacrer les paysages”, trouvant visiblement plus esthétique les centrales nucléaires ou des paysages détruits par le changement climatique.
Sur le social et l’économique, il est favorable à la retraite à 65 ans – c’est là que l’on voit que le RN n’a aucune cohérence sur ce sujet en refusant de le censurer. Il est également pour forcer les bénéficiaires d’aides sociales à travailler, alors même qu’on bénéficie souvent d’aides sociales quand on n’est pas en capacité de travailler.
Sur l’Outre-mer il est évidemment un colon de la pire espèce et il va falloir redoubler de solidarité avec les Kanaks qui se battent pour leur liberté. Alors que le soulèvement en Nouvelle-Calédonie/Kanaky a fait déjà 9 morts coté Kanaks, et que le nouveau président du FLNKS, Christian Tein, est toujours emprisonné, sans procès, dans les geôles de la métropole, c’est la vie même des Kanaks en lutte qui est en jeu. Car les déclarations précédentes de Michel Barnier sur ce sujet sont très inquiétantes : “La France doit réaffirmer son attachement à la Nouvelle-Calédonie, territoire français du Pacifique Sud” disait-il en 2021.
Être à la hauteur
Les syndicats, et notamment la CGT, sont dans une attitude ambivalente. Après avoir verbalement soutenu le NFP, la CGT a décidé de ne plus trop s’en mêler. Après avoir parlé de mouvements sociaux et de grèves pendant les JO, il n’en a rien été (en tout cas pas du fait de sa direction nationale). Il y avait pourtant, entre la vacance du pouvoir et les manœuvres de coup d’Etat en cours, de quoi se mobiliser et une fenêtre d’opportunités. Elle évoque désormais une mobilisation fin septembre/début octobre notamment en faveur de l’abrogation de la réforme des retraites. Cela est mieux que rien mais paraît déjà bien tardif…
L’abrogation de la réforme des retraites est toutefois bien l’axe en mesure de mobiliser car très majoritaire dans la population. Celle-ci est toujours un objectif atteignable. Le NFP peut déposer la proposition, et le RN avait annoncé la voter le cas échéant. On est pas à l’abri d’un retournement de veste, auquel cas cela servira de clarificateur sur les vagues promesses “sociales” du RN. Cette abrogation pourrait servir de points de départ pour élargir le mouvement social.
Dans tous les cas des mobilisations fortes sur des thématiques sociales doivent advenir si nous ne voulons pas courir le risque d’une extension toujours plus grande de la répression et d’une casse sociale de très grande ampleur.
Malgré le revers que constitue le vol des élections par les macro-lepénistes, il ne faut pas partir défaitiste : ce pouvoir est fragile, il y a donc une fenêtre d’opportunité. Bien sûr LR, macronistes et RN sont bien capables de se mettre d’accord sur les lois racistes et autoritaires. Le RN, en authentique parti de droite, obsédé d’ailleurs par la dette et l’équilibre des comptes publics, est tout autant libéral et antisocial que ses deux alliés. Toutefois, une mobilisation sociale de grande ampleur le mettrait dans l’embarras et au pied du mur. Face à une mesure antisociale très contestée (une loi travail, une nouvelle réforme des retraites…) il serait obligé de se positionner. Une motion de censure du gouvernement pourrait alors aboutir car le RN, pour envisager sereinement 2027, a besoin de se garder les bonnes grâces d’une partie du vote populaire et, donc, pour se faire, donner l’image d’une certaine distance vis-à-vis du macronisme et de son image ultra bourgeoise.
En somme, la nomination de Michel Barnier au poste de Premier ministre marque une nouvelle étape dans la décomposition de la bourgeoisie et de la politique française, où la frontière entre la droite traditionnelle, l’extrême droite et le macronisme s’efface au profit d’une coalition autoritaire, néolibérale et xénophobe. Le macronisme, loin de représenter un quelconque barrage, s’allie désormais explicitement à l’extrême droite pour maintenir son pouvoir, au mépris du suffrage universel et des principes démocratiques. Ce moment de bascule, qui clarifie les alliances entre les forces bourgeoises, appelle à une réflexion sur nos moyens de lutte et de résistance à envisager. Il est crucial pour la gauche, et notamment pour des mouvements comme le NFP, de tirer les leçons de cette séquence politique et de se préparer à des confrontations plus dures et plus radicales afin de défendre les acquis sociaux et démocratiques face à un régime qui ne recule devant aucune manœuvre pour rester au pouvoir.
Rob Grams