Hommage à la Catalogne raconte l’engagement de l’écrivain George Orwell dans la révolution et la guerre d’Espagne. C’est un livre hanté par des images, que l’on retrouve dans les actualités cinématographiques et en particulier dans les reportages tournés par les opérateurs anarchistes de la CNT à Barcelone et sur le front d’Aragon. En explorant ces images, le film se propose de faire partager l’expérience d’Orwell en Espagne à travers une expérience nouvelle, une expérience de cinéma.
Du livre...
Hommage à la Catalogne est à la fois un témoignage personnel et un regard politique sur la révolution et la guerre d’Espagne. Engagé à la fin du mois de décembre 1936 dans la milice du POUM, un parti marxiste anti stalinien vers lequel l’ont mené ses contacts en Angleterre, Orwell combat sur le front d’Aragon jusqu’à la fin du mois d’avril 1937. Après la découverte enthousiaste de la révolution à Barcelone, il fait l’expérience du dénuement, mais aussi de la fraternité qui règne dans les milices ouvrières, qui étaient selon lui « une sorte de microcosme d’une société sans classes ». En permission, il retourne à Barcelone où, début mai, les staliniens alliés aux partis de la bourgeoisie républicaine tentent de désarmer les anarchistes, qui contrôlent encore de nombreux secteurs stratégiques, provoquant une semaine d’affrontements. Quelques jours après son retour sur le front, une balle fasciste lui traverse la gorge et il est évacué à l’hôpital militaire de Tarragone. A Barcelone, la chasse aux « Hitléro-trotskistes » fait rage. Le POUM est mis hors la loi, ses militants sont emprisonnés ou assassinés. La ville enchantée des premières pages du livre est devenue un enfer où les agents de Staline font régner terreur et folie. Recherché par la police et encore aphone depuis sa blessure, Orwell doit se cacher la nuit comme un criminel dans les églises en ruines et n’a d’autre solution que de fuir l’Espagne avec sa femme Eileen, qui travaillait pour le POUM à Barcelone, déguisés en riches touristes anglais.
Le temps du rêve, le temps de la guerre, le temps de la trahison, Hommage à la Catalogne raconte une tragédie en trois actes, qui est celle de l’Espagne antifasciste mais aussi celle du mouvement ouvrier international et celle de l’Europe, tant la guerre d’Espagne apparait comme une répétition générale du deuxième conflit mondial.
« J’ai vu des choses prodigieuses et enfin je crois vraiment au socialisme, ce qui ne m’était jamais arrivé auparavant », écrira Orwell à son retour d’Espagne. Si son expérience lui laisse une foi « pas seulement non diminuée mais accrue, dans la dignité des êtres humains », elle lui inspire à l’inverse une horreur définitive pour le modèle totalitaire et les appareils de propagande, qui s’exprimera sur le mode de l’allégorie pour dénoncer la révolution trahie dans La Ferme des animaux et dans l’anticipation dystopique de 1984, mais même alors, comme son héros Winston, il dira « s’il y a un espoir, il est chez les prolétaires ».
Parce qu’il dénonçait la politique de Staline en Espagne, Homage to Catalonia, à sa parution en avril 1938, se heurta au silence ou à l’hostilité d’une bonne partie de la critique de gauche. Si le livre est devenu aujourd’hui un classique, salué pour sa profondeur et sa lucidité, c’est parce que les conditions politiques de sa réception ont changé (« orwellien » est devenu un adjectif du langage courant et le modèle soviétique un souvenir), mais aussi parce que la force de son écriture lui permet de résister au temps.
…au film
Orwell a écrit Hommage à la Catalogne à partir des matériaux fournis par sa mémoire, ses carnets ayant été saisis par la police lors d’une rafle dans sa chambre d’hôtel à Barcelone. C’est un livre hanté par des images, que l’on retrouve dans les actualités cinématographiques et en particulier dans les reportages tournés à Barcelone et sur le front d’Aragon par les opérateurs de la CNT, le puissant syndicat anarchiste qui contrôlait l’industrie cinématographique en Catalogne. La CNT a produit pendant la guerre civile près de 200 reportages et courts métrages documentaires, qui étaient montés et sonorisés à Barcelone puis diffusés en première partie de programme dans les salles de cinéma, léguant à la postérité un fonds exceptionnel sur la seule révolution prolétarienne occidentale du 20e siècle.
Parce que les protagonistes sont saisis dans l’instant de l’évènement et qu’ils ne connaissent pas la suite, ces images restent invariablement au présent, un présent qui est lui-même tendu vers un avenir (la croyance des révolutionnaires espagnols en « un autre futur »). Prises dans le récit du narrateur, elles nous sont adressées cependant comme des souvenirs, des instants qui font retour ; la mémoire d’un temps que nous n’avons pas vécu, mais dont nous sommes les héritiers, la mémoire des vaincus. Une mémoire qui interroge aussi en creux notre présent, ce vingt et unième siècle dystopique où Orwell semble plus présent que jamais.
Le scénario du film Hommage à la Catalogne est lauréat de la bourse de la Scam, Brouillon d’un rêve, et a obtenu le Grand Prix du projet de documentaire historique des Rendez-vous de l’histoire à Blois en 2023.
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