Faisant sienne à son tour la devise chiraquienne plus-c’est-gros-mieux-çà-passe, et spéculant sur la crédulité des gogos, le saltimbanque BHL nous en raconte une bien bonne (le Monde, 22 juillet) : Siné aurait, à l’en croire, commis un article antisémite...
D’ores et déjà on peut se demander qui sont les plus à plaindre, de ceux qui tiennent de pareils propos, de ceux qui les lisent, ou du journal qui ouvre ainsi ses colonnes à la diffamation dès lors qu’elle vise tout ce qui est d’extrême-gauche (tandis que le dernier des fachos y a droit à d’interminables rectificatifs, et ce au nom d’une conception parfois très extensive du droit de réponse).
Pour le reste, quiconque a eu sous les yeux l’entrefilet incriminé est en mesure de confirmer que c’est avec une modération qui dénote presque avec son style habituel, que Siné a ironisé sur le célèbre clone Jean Sarkozy.
Il n’y a aurait pas plus à en dire si ce BHL, espérant donner quelque poids à ses flatulences, ne s’était ici paré des plumes de... l’historien. Et c’est ainsi que l’intéressé écrit, en toute infâmie révisionniste : Il y a une excuse au moins qui, depuis l’affaire Dreyfus, semble marcher à tous les coups et instaurer une sorte de clause de la haine la mieux autorisée.
C’est celle qui consiste à dire : non à l’antisémitisme, sauf s’il s’agit d’un grand bourgeois, officier supérieur de l’armée française. Ou : non à l’antisémitisme sauf si l’enjeu est un symbole du Grand Capital, un banquier juif, un ploutocrate, un Rothschild. Et... prout ma chère ?
Je ne vois pas l’intérêt de traiter par la plume, ce qui relève du bon coup de pied au derrière. Ce sont là des propos qui poursuivent des buts politiques : c’est dans une revue politique (encore que je voie mal laquelle) que j’y répondrais, si j’estimais qu’ils en valent la peine. Et la partie qui concerne Siné, relève de la diffamation : c’est à lui d’apprécier ce qu’il y a lieu de faire, sur ce point. Mais, puisque les circonstances ont voulu que j’effectue des recherches sur l’affaire Dreyfus (je crois même que j’étais le seul conférencier venu de France, lors du Colloque international qui s’est tenu aux Etats-Unis en 2003, et je suis encore réintervenu sur ce thème à Manchester cette année) alors je crois être bien placé pour dire que, comme souvent c’est le cas avec les tenants de l’idéologie française aujourd’hui dominante : c’est ici le contraire, qui est vrai. Et s’il est un mérite qu’il faut reconnaître à l’extrême-gauche, même si elle en fut peu récompensée (car les Briand et les Clémenceau arrivés au pouvoir grâce à l’affaire Dreyfus ne se montrèrent pas toujours tendres, avec le peuple...), c’est bien d’avoir surmonté tous les préjugés qui auraient pu faire qu’elle se tienne à distance.
Luc Nemeth, Docteur en Histoire contemporaine