Dans cette tribune, un journaliste s’étonne du consensus de la presse d’information générale dans sa couverture de la crise sanitaire. Il souligne certains mensonges du pouvoir politique, notamment sur les traitements et vaccins contre la covid, et rappelle que le rôle de la presse n’est pas de contribuer à la propagande du pouvoir, mais de le questionner sans relâche.
Des abrutis brandissent des pancartes à étoile jaune, et l’intelligentsia s’émeut. Elle donne de l’écho à ces imbécillités dans des éditoriaux outrés. Et fournit au pouvoir un adversaire providentiel, scandaleux, presque antisémite. Il n’est plus alors nécessaire d’entendre les millions de Français à qui une telle comparaison ne viendrait jamais à l’esprit, mais qui demeurent meurtris par le discours présidentiel du 12 juillet dernier.
Nous avions compris que la vaccination s’opérerait sur une base volontaire, et voilà que la liberté se transforme en contrainte, pour échapper à la punition. Car la décision présidentielle n’entend pas limiter l’accès aux lieux à fort potentiel de contagion aux détenteurs d’un passe sanitaire. Ni les terrasses de restaurant, ni les cinémas, ni les musées, ni les théâtres ni même les trains, où tout le monde est masqué, ne sont des lieux de contamination majeurs. Le pouvoir a sélectionné les moments de culture, de partage, de voyage, de détente, pour en priver les non-vaccinés et les contraindre à changer d’avis. Reste à expliquer en quoi cela est proportionné, et donc légal.
Nous avions aussi retenu des scandales sanitaires passés et de la pensée écologique construite ces vingt dernières années que les décisions seraient désormais prises à l’aune du principe de précaution. Et voici que la vaccination des adolescents avec une technologie radicalement nouvelle s’impose comme un horizon de court terme.
A l’appui de ces volte-face, le pouvoir invoque l’urgence, relayée en boucle par des médias qu’on n’avait plus connus si dociles depuis le gaullisme triomphant ni si donneurs de leçon depuis le référendum de 2005. « Course contre la montre », dit-on, pour atteindre enfin cette immunité collective tant vantée, et se protéger contre un variant tellement plus contagieux, tellement plus dangereux.
Or, ces postulats recèlent une multitude de contre-vérités, jamais contredites. Mais il est permis de douter de presque tout. De cette fameuse « immunité collective », dont le seuil est sans cesse repoussé. 60 %, puis 80 % et désormais 90 %... Même en Angleterre et en Israël, sur-vaccinés, le variant circule à toute vitesse. « La faute aux non-vaccinés », entend-on déjà répondre. C’est surtout que contrairement à la communication officielle appuyée sur des études complaisantes, le vaccin ne stoppe pas tant que ça la maladie, mais agit sur le développement de formes graves. C’est une grande avancée pour toutes les personnes qu’il protège, mais cela rend illusoire l’immunité collective. Contrairement à ce qui s’est produit dans d’autres pandémies par le passé, le vaccin contre le Covid-19 pourrait bien ne pas être une arme collective, mais une protection individuelle, prioritaire pour les plus fragiles.
Sur le variant Delta, la communication fonctionne elle aussi à merveille. Le chiffre de 60 % de contagiosité supplémentaire est ancré dans les esprits, et l’image d’un mutant bien plus agressif est dans toutes les têtes. On s’alarme chaque jour du nombre de nouveaux cas, en ne regardant pas le seul indicateur intéressant, celui des soins intensifs. Or, malgré la flambée de Delta ancienne de trois à quatre semaines en France, ces hospitalisations continuent leur lente décrue. Si les personnes fragiles sont protégées et que les autres n’arrivent pas aux urgences de manière massive, à quoi bon se focaliser à ce point sur les nouveaux cas quotidiens ? D’autant qu’il ressort de plusieurs analyses de scientifiques que ce variant pourrait, pour les populations les plus jeunes, être moins agressif que les précédents, marquant le début d’un phénomène d’affaiblissement du virus. Mais de cela non plus, il ne faut pas discuter. Dans une France en guerre, l’heure est à la propagande.
Car en temps de guerre, on ne critique pas les choix du chef suprême, entouré de son Conseil de défense, tel Clemenceau durant la Première Guerre mondiale. Puisque nous n’avons que la vaccination, que tout le monde s’y soumette ! Mais c’est bien là que se joue le nœud de la mauvaise pièce qui se déroule sous nos yeux depuis mi-juillet, et c’est probablement la raison qui explique la présence d’autant de soignants dans les manifestations. Eux savent qu’on a renvoyé les malades chez eux avec du paracétamol en priant pour ne pas les retrouver aux urgences. De grands médecins ont proposé des traitements, fondés sur des molécules connues depuis des décennies. L’hydroxychloroquine a été interdite de prescription, la complémentation au zinc et à la vitamine D prise de haut, l’ivermectine moquée, jusqu’à cette note de l’Institut Pasteur du… 12 juillet, expliquant que finalement, il serait bien possible que ça marche. Une mention spéciale doit être accordée au sort réservé au Clofoctol, cette molécule identifiée par l’Institut Pasteur de Lille. Après avoir dû glaner auprès d’un groupe privé l’argent que l’État n’a pas voulu lui donner, l’Institut s’est retrouvé confronté à d’absurdes tracasseries administratives qui ont atteint leur but, retarder les essais, comme l’a très bien montré un récent reportage d’Arte. On parle maintenant d’une mise sur le marché en décembre de ce médicament connu depuis 50 ans. Comment peut-on mettre autant de temps à repositionner des molécules existantes alors qu’il ne faut que six mois pour faire arriver des vaccins aux technologies révolutionnaires ? Et pourquoi la France, contrairement à beaucoup d’autres pays, a boudé ces solutions peu coûteuses, mais s’est embarquée dans l’achat de Remdesevir, une molécule hors de prix autant qu’inefficace ?
Ces questions traversent la société depuis plusieurs semaines, et nourrissent les cortèges des manifestants. Elles ne trouvent aucun relais dans les médias, ni dans les partis politiques démocratiques, tétanisés à l’idée de ne pas apparaître comme suffisamment responsables. La pression retombera dans la rue quand elle montera parmi ceux qui sont censés traquer sans relâche les dérives et les mensonges du pouvoir. Il est temps que la presse et les oppositions parlementaires se réveillent.
Par Pierre Pichère, diplômé de Sciences Po Paris, rédacteur en chef en presse professionnelle