Le parquet de Paris vient d’ouvrir une information judiciaire pour escroquerie, visant des malversations au sein du Comité central d’entreprise (CCE) de la SNCF
Ce n’est certes pas l’affaire du siècle. Le CCE a été victime de fournisseurs indélicats - une bande de gitans de la banlieue parisienne - à hauteur de 250 000 euros. Cette soudaine initiative, révélée par Mediapart, est-elle liée à la grève des cheminots ? Selon Libération, une autre affaire, plus embarrassante pour les syndicats de la SNCF, mijote en parallèle, indépendamment du calendrier social.
Onze syndicalistes de la SNCF sont actuellement témoins assistés dans le cadre d’une procédure pénale ouverte à Lyon pour faux et abus de confiance, après une plainte de dissidents. Ces témoins sont de toutes obédiences (SUD, Unsa, CFDT, CFTC, FO, Fgaac), avec la CGT en chef de file, gestionnaire du Comité d’entreprise régional de Rhône-Alpes, le CER Lyon. L’affaire illustre les petites tambouilles financières destinées à améliorer l’ordinaire syndical.
« Deux tiers ». Les faits sont résumés dans un arrêt de la chambre de l’instruction, en octobre 2009. D’abord, il y a ce Yalta syndical : « Le CER rembourse les frais de fonctionnement des organisations représentatives à partir d’un budget alloué par son bureau. » L’objet social d’un CE n’est pourtant pas d’assurer les faux frais des centrales nationales ou locales, même si des arrangements ont toujours existé.
A Lyon, le CER semble avoir industrialisé la chaîne : « Son budget paraît avoir été détourné pour le financement pur et simple des syndicats, la CGT principalement. » Et pas qu’un peu : « Il existe, depuis 1996, un accord passé entre les huit organisations représentatives, y compris celles qui n’ont pas d’élus au CE, portant répartition des deux tiers du budget de fonctionnement, soit 339 500 euros sur 504 742. » Un tableau « confidentiel » détaille ce qui revient annuellement à chacune selon son mérite électoral : 140 300 euros pour la CGT en tête, 1 200 euros pour la CGC en queue.
« Vaisselle ». Grand classique, les « fausses factures de formation ». Chaque syndicat étant censé former ses troupes via le budget du CE. Un élu cégétiste admet une pédagogie à la bonne franquette : « Les formations facturées consistaient en des réunions à thème assurées par des élus de la CGT. » Chez SUD, on concède que les factures de formation « ne correspondent pas forcément à des frais engagés ».
Les syndicats de cheminots ne se donnent même pas la peine d’harmoniser leurs tarifs de « formation » pour afficher un brin de vraisemblance : la Fgaac encaisse 500 euros par jour et par tête, quand SUD ne perçoit que 400, l’Unsa 350, la CFDT 300 et FO 175. Tous (sauf FO et la Fgaac) facturent aussi leurs tracts au CER, la CGT se distinguant par l’ajout de factures portant sur de la « vaisselle jetable et des boissons alcoolisées ». A la santé des cheminots.