Demain Le Grand Soir
NI DIEU, NI MAITRE !

Le Site de Demain le Grand Soir est issu de l’émission hebdomadaire sur "Radio Béton", qui fut par le passé d’informations et de débats libertaires. L’émission s’étant désormais autonomisée (inféodé à un attelage populiste UCL37 (tendance beaufs-misogynes-virilistes-alcooliques)/gilets jaunes/sociaux-démocrates ) et, malgré la demande des ancien-ne-s adhérent-es de l’association, a conservé et usurpé le nom DLGS durant de trop nombreux mois. Heureusement, le site continue son chemin libertaire... Finalement, au début 2023, l’équipe de l’émission a enfin pris la décision de changer de nom.

Le site a été attaqué et détruit par des pirates les 29 et 30 septembre 2014 au lendemain de la publication de l’avis de dissolution du groupe fasciste "Vox Populi".

Il renaît ce mardi 27 octobre 2014 de ses cendres.

" En devenant anarchistes, nous déclarons la guerre à tout ce flot de tromperie, de ruse, d’exploitation, de dépravation, de vice, d’inégalité en un mot - qu’elles ont déversé dans les cœurs de nous tous. Nous déclarons la guerre à leur manière d’agir, à leur manière de penser. Le gouverné, le trompé, l’exploité, et ainsi de suite, blessent avant tout nos sentiments d’égalité.
(....)Une fois que tu auras vu une iniquité et que tu l’auras comprise - une iniquité dans la vie, un mensonge dans la science, ou une souffrance imposée par un autre -, révolte-toi contre l’iniquité, contre le mensonge et l’injustice. Lutte ! La lutte c’est la vie d’autant plus intense que la lutte sera plus vive. Et alors tu auras vécu, et pour quelques heures de cette vie tu ne donneras pas des années de végétation dans la pourriture du marais. "

Piotr Kropotkine -

« L’affaire Scala a remplacé une analyse critique de la crise de la CNT »
Article mis en ligne le 11 mai 2024
dernière modification le 29 mars 2024

par siksatnam

A noter la traduction de l’espagnol en français plus ou moins correcte via google ...

Héctor González (Xixón, 1989) se définit généralement comme historien et anarchiste. Le premier est clair, et cela est attesté par son diplôme et son doctorat, son travail de professeur d’histoire dans l’enseignement public, ainsi que trois livres derrière lui : « La CNT asturienne pendant la transition espagnole (KRK, 2017) », « Et depuis, il n’y a plus de dimanches : Vicente Gutiérrez Solís, communiste et démocrate » (Trabe, 2021) » et « L’affaire Scala et autres légendes de l’anarcho-syndicalisme pendant la transition » (La Catarata, 2023). Syndicaliste du Réseau Classe Ouvrière, il est membre du collectif Asturies Insumisa et l’un des condamnés pour la campagne de boycott syndical contre la pâtisserie La Suisse de Gijón.

Quelle était l’affaire Scala ?

Le cas Scala est deux choses différentes. D’une part, c’était l’un des multiples montages orchestrés par l’État dans sa sale guerre contre la gauche radicale pendant la transition. Un montage, dont on ne peut connaître la responsabilité, qui a coûté la vie à 4 ouvriers et qui a envoyé en prison plusieurs jeunes anarcho-syndicalistes. Mais la Scala est aussi un mythe, une élaboration routinière générée depuis le milieu des années qui soutient que cet événement a été la cause du déclin de l’anarcho-syndicalisme pendant la transition, ce qui est faux. Dans son livre il affirme avec des chiffres que c’est un mythe qui va ruiner la CNT. Mais pourquoi cette idée a-t-elle persisté jusqu’à aujourd’hui ? Tout d’abord, il faut tenir compte du fait que ce mythe a un moment fondateur spécifique qui peut être facilement retracé. Durant les premières années, jusqu’en 1985, la Scala a un rôle absolument marginal dans l’histoire et la mémoire de l’anarcho-syndicalisme de la transition. Les journaux, la documentation et la bibliographie en témoignent. Mais au milieu des années 80, l’anarcho-syndicalisme était divisé et plongé dans une lutte pour son acronyme et son héritage. rien de mal. Coupures d’époque. Pour comprendre la nécessité de ce discours, il faut tenir compte du fait que le secteur CNT-AIT est très affaibli, qu’il a subi deux scissions en cinq ans qui ont été réunifiées, qu’ils contestent ses sigles et son héritage historique et, depuis des années, il semble qu’ils vont gagner cette bataille. Se fait alors sentir le besoin d’un récit qui explique la situation dramatique qu’ils traversent, qui rassemble leurs compagnons, qui leur propose des reproches et qui les réarme idéologiquement. Une assemblée d’État remplit parfaitement cette fonction. Cependant, cette affaire a donné lieu à une campagne de diffamation contre l’anarchisme.

Quel a été l’effet réel en termes d’adhésion et d’impact sur le syndicat ?

La campagne de dénigrement a été très limitée dans le temps. L’Espagne de 1978 se lève jour après jour avec les attaques de l’ETA-m, de l’ETA-pm, du Grapo, du BVE, des Commandements Autonomes Anticapitalistes, d’autres groupes incontrôlés, des vols, des grèves, etc. Deux semaines après Scala, elle a cédé la place à d’autres cas d’attentats et de meurtres. La campagne de diffamation n’était d’ailleurs pas différente de celle d’autres organisations de gauche radicale, notamment celle nationaliste.

L’impact réel sur le nombre d’adhérents fut nul ; en fait, la CNT atteignit son apogée à l’été 1978, six mois après l’événement. La contraction des effectifs a commencé à l’automne de la même année, non pas pour la CNT mais pour l’ensemble du mouvement ouvrier, dont la CNT n’a pas été la plus grande victime. Par exemple, CCOO et UGT ont perdu un plus grand pourcentage d’adhérents que la CNT l’année suivante. Le livre parle d’un autre épisode moins connu, l’affaire Michelin Vitoria. Qu’est-ce que c’était ? Il s’agissait d’une affaire mêlant attaques de l’ETA contre des directeurs d’usine, passages à tabac de jaunes et braquages ​​de banques, par les Commandements Autonomes, dont étaient tenus pour responsables les principaux dirigeants de la CNT-R (aujourd’hui CGT) de l’usine Michelin de Vitoria. Une affaire dans laquelle on a tenté de criminaliser le CNT de Vitoria, mais qui n’a finalement abouti à rien.

« L’impact réel sur le nombre d’adhérents a été nul » FAI, FIGA, ERAT, Groupes d’Action…. Quel poids réel avaient ces acronymes et quelles stratégies étaient derrière eux ?

Parmi tous ceux que vous mentionnez, il vaut la peine de se concentrer sur la FAI en raison de toute la mystique qui l’entoure et selon laquelle elle a dirigé la CNT depuis l’ombre. Pourtant, la réalité est bien moins érotique. La FAI n’a ni dirigé ni influencé la CNT, principalement parce que, compte tenu de son petit nombre, elle ne le pouvait pas. De plus, on ne peut même pas parler de FAI si l’on peut trouver au moins trois tendances internes d’action disparate qui ne s’entendaient pas vraiment bien. La crainte que certains groupes qu’elle a détectés (et dont l’existence est discutable) s’organisent pour dénaturer la Confédération. C’était là le véritable poids de la FAI et la conséquence a été que d’autres cercles militants se sont organisés par crainte que la FAI tente de contrôler la CNT. Et cela résume le problème : des groupes qui ont agi les uns contre les autres par peur de ce que l’adversaire pourrait vouloir faire. Quant aux groupes d’action, parmi lesquels se distingue la FIGA, leur rôle était de soutenir les conflits ouvriers, les expropriations, etc. J’en profite pour souligner que la FIGA et ses actions méritent un film. La CNT inquiétait-elle autant l’État et le gouvernement UCD que le mouvement libertaire le prétendait ? La réponse courte serait non. L’État est préoccupé par le PCE/CCOO, le nationalisme basque, notamment les ETA, et le GRAPO. Désormais, toute préoccupation concernant les autres organisations est très secondaire. Cependant, il faut faire un bilan : il y a eu un moment, qui a donné lieu à l’assemblée de Scala, où la CNT est devenue une certaine nuisance à Catañula. Parce que la CNT entame une campagne contre le pacte social et les Pactes de la Moncloa qui font soupçonner qu’elle pourrait canaliser l’énorme mécontentement qui existe dans les bases CCOO. La campagne de la CNT est très sérieuse. En septembre 1977, juste au moment où les Pactes de la Moncloa étaient signés avec un plafond salarial de 17 %, la CNT appelait à une grève sauvage dans les stations-service de Barcelone et brisait ce plafond, entraînant une augmentation de 22 % de la part des employeurs. C’est-à-dire que cette peur est fondée et réelle, mais elle est certainement secondaire.

Dans ses mémoires, Toni Negri parle de l’intérêt que la reconstruction de la CNT a suscité dans la gauche extraparlementaire italienne. Quels étaient les homologues de la CNT dans le reste de l’Europe ?

Parle-t-on d’une singularité espagnole ? Il est complexe de répondre à cette question. Techniquement, il existe des organisations anarcho-syndicalistes dans toute l’Europe occidentale (USI en Italie, CNT en France ou FAU en Allemagne), mais elles restaient au mieux symboliques. La seule organisation homologue pourrait être le SAC suédois, mais en ce qui concerne les relations avec lui, il existait une forte division au sein de la CNT en raison d’une prétendue dérive réformiste de la part des Suédois. Quant à la gauche extraparlementaire européenne, aux secteurs autonomistes, etc. Ils regardent la CNT avec intérêt en raison du caractère inattendu de sa résurgence et de sa trajectoire historique, mais cette sympathie n’a pas d’autres implications. Les mouvements d’assemblée et autonomes étaient en net déclin à la fin des années 70 dans toute l’Europe, leurs organisations étaient minuscules et leurs positions étaient également éloignées des anarcho-syndicalistes, qui prônaient l’organisation syndicale et un ouvriérisme très classique. La CNT représente une singularité totale non seulement en Europe mais dans le monde, comme elle l’a été tout au long de son histoire, un aspect qui la rend d’ailleurs encore plus intéressante, même si parfois nous l’oublions. Cet orphelinat a été décisif dans son développement, car il lui manquait le soutien économique, logistique et technique dont bénéficiaient d’autres organisations, même si elles étaient minoritaires.

« La CNT représente une singularité totale non seulement en Europe mais dans le monde » Qui étaient ces milliers de personnes qui ont rejoint la CNT dans la Transition ?

Le profil est logiquement varié, mais il a un lien commun que (beaucoup) oublient parfois : les travailleurs intéressés à faire partie du mouvement syndical espagnol de la transition. Des travailleurs qui comprennent la nécessité d’organiser un syndicat ouvertement anticapitaliste, de mobilisation et de confrontation qui défend l’autonomie ouvrière, l’assembléisme, l’horizontalité et l’indépendance des partis politiques.

Étaient-ils tous anarchistes ?

On peut les définir, en termes généraux, comme libertaires ou philolibertaires. Cependant, et c’est là un élément central, le positionnement politique, bien qu’important, n’est pas le principal. Le sentiment de classe, comme je vous l’ai déjà dit, est aussi, sinon plus, décisif que le sens politique. L’idéologie anarchiste est présente dans les analyses, positions et stratégies de la CNT durant cette période, mais elle est liée à (et derrière) une action de classe qui, la plupart du temps, prévaut sur toute autre condition. Où sont-ils aujourd’hui ? Des retraités (rires). Les parcours suivis par les membres de la CNT sont variés. Une grande partie d’entre eux sont rentrés chez eux en raison de la perte de la perspective révolutionnaire et de l’horizon de transformation qui accompagnaient la consolidation démocratique. Ce reflux, comme je l’ai déjà mentionné, n’était pas exclusif à l’anarcho-syndicalisme mais affectait l’ensemble de la gauche et de l’ensemble du mouvement ouvrier. Parmi ceux qui sont restés au sein du militantisme, une partie très importante a dérivé, par scissions successives, vers ce qui est aujourd’hui la CGT et une autre, dans le sillage des succès socialistes du début des années 80, a migré vers le PSOE et l’UGT. Une autre partie est restée dans ce qui est aujourd’hui la CNT et un dernier groupe a dérivé le monde des athénées libertaires, des radios libres, des squatters et du militantisme d’un type plus social.

Y avait-il de la place pour la consolidation d’un syndicat comme la CNT ?

Oui et non. Le simple fait que la CNT et la CGT continuent d’exister aujourd’hui est la preuve que cette marge existait et a été exploitée, malgré toute la trajectoire tortueuse de l’anarcho-syndicalisme dans les années 70 et 80. Le reste des organisations de gauche radicale Les nationalistes de la transition ne peuvent pas en dire autant. Il n’en reste plus.

Se demander s’il y avait de la place pour un syndicat comme la CNT l’est, en gardant les distances logiques, un peu comme se demander s’il y avait de la place pour le PCE : comment était l’anarcho-syndicalisme à la fin des années 80 et comment était le PCE ?

Comment allez-vous aujourd’hui ?

Il existait une marge pour la consolidation d’une alternative radicale basée sur l’assemblée, comme le démontrent de multiples phénomènes locaux et régionaux et même certaines bases CCOO.

Une autre question est de savoir s’il y avait de la place pour un syndicalisme anticapitaliste et révolutionnaire. En ce sens, on peut dire non. Aucune organisation syndicale des années 80 ne l’était. La reconversion industrielle et la crise des communautés et de l’identité ouvrière qui en découle ont provoqué une dérive du mouvement ouvrier dans laquelle, dans le meilleur des cas, la défense radicale du travail était proposée, mais sans remettre en question l’ordre capitaliste (ce qu’il a fallu des décennies pour récupérer et cela est aujourd’hui perçu de manière très diffuse ou embryonnaire). La vérité est que l’anarcho-syndicalisme des années 70 ne ressemble que très peu à celui des années 80 et à celui de la CNT et de la CGT aujourd’hui, entre autres parce que la classe ouvrière et le mouvement ouvrier sont également différents.

Pourquoi l’anarchisme n’a-t-il pas pu rester uni ?

L’anarcho-syndicalisme était divisé tout comme le reste des options politiques et idéologiques de la transition (et de tous les temps). Lorsqu’une organisation ou un courant idéologique voit ses attentes frustrées, une crise surgit toujours dans laquelle les coupables sont recherchés et l’ennemi extérieur est pointé... mais aussi l’intérieur et avec beaucoup plus de méchanceté. C’est un processus collectif aux connotations universelles auquel nous sommes très habitués car je dirais qu’il est inévitable. La CNT a subi une triple défaite entre 1977 et 1980. La première est que la révolution sur laquelle tous (et pas seulement les anarcho-syndicalistes) comptaient n’aurait pas lieu. Au contraire, la démocratie s’établit et elle le fait dans des termes à peine avancés. Deuxièmement, les postulats politiques, organisationnels et stratégiques défendus par la CNT au sein du mouvement ouvrier sont mis en échec par l’institutionnalisation du syndicalisme et même si des autocritiques sont faites, des coupables sont également recherchés. Finalement, le mouvement ouvrier lui-même est vaincu et perd progressivement son rôle central dans la vie politique et la CNT n’est plus capable