Des collectifs antifascistes et des syndicats dénoncent l’accueil par la ville des Alpes-de-Haute-Provence, le week-end des 12 et 13 octobre, de la deuxième édition de l’événement où pullulent des figures sulfureuses, à la croisée de médecines alternatives dangereuses, de pratiques « sectaires », de la haine des Juifs et d’hallucinantes théories du complot.

Le week-end s’annonce animé à Sisteron, dans les Alpes-de-Haute-Provence. La ville touristique accueille en effet du samedi 12 au dimanche 13 octobre la seconde édition du festival les Foisonnantes qui, sous des atours bon enfant d’évènement consacré au bien-être et à la santé, cache un rassemblement de personnalités complotistes et d’extrême droite, ainsi que de promoteurs de médecines alternatives douteuses voire dangereuses. Une intersyndicale a appelé le maire, Daniel Spagnou (Agir, membre de la coalition présidentielle à l’Assemblée nationale), à annuler l’événement. Cette demande étant restée lettre morte, une contre-manifestation est annoncée pour samedi.

L’alerte a été donnée fin septembre par les collectifs Action antifouchiste et l’Extracteur, qui luttent contre la désinformation médicale, le conspirationnisme et l’extrême droite. Ils rappellent que la première édition des Foisonnantes s’était tenue l’an dernier dans le village de Mées, dans le même département, et que son maire PCF, Frédéric Puech, s’était dit « trompé » sur le contenu de l’événement. Une fois alerté, il avait dénoncé des intervenants « en complète contradiction avec les valeurs de la commune, de ses habitants et de ses élus, qui sont porteurs d’un projet de progrès social, démocratique et scientifique ».

« Influence spirituelle occulte luciférienne »

Cette année, les organisateurs des Foisonnantes ont donc jeté leur dévolu sur la ville de Sisteron, dont le maire ne semble pas s’émouvoir de la présence d’intervenants issus ou en lien avec l’extrême droite la plus radicale. C’est par exemple le cas de Valérie Bugault, une juriste qui intervient régulièrement dans des événements du groupuscule Civitas, dissous en octobre 2023 pour son caractère antisémite et ses velléités d’insurrection, mais qui a déjà recréé une structure pour poursuivre son combat. Elle-même n’hésite pas à étaler sa haine des Juifs, comme l’a noté l’Action antifouchiste, qui a exhumé un message posté sur son compte Telegram en 2022. Elle s’en prend aux « prédateurs au pouvoir » qui « servent les intérêts de l’oligarchie sioniste nazie, de la monarchie wahhabite et du parti communiste chinois liés à l’empire financier khazar Rothschild sous influence spirituelle occulte luciférienne talmudo-kabbalistique ». Délirant.

Valérie Bugault n’est pas la seule à fricoter avec Civitas et à en reprendre les fantasmes d’un grand complot « satanique » aux relents antisémites. C’est notamment le cas de la belge Senta Depuydt, qui a notamment manifesté l’an passé contre l’éducation à la vie affective et sexuelle (au programme en Belgique) car celle-ci servirait selon elle « les objectifs pédocriminels satanistes de l’élite globaliste »… Au programme des conférences payantes (à raison de 10 euros par séance), également, Fabien Moine, un proche de l’ancien médecin réanimateur Louis Fouché, star des covidocomplotistes, qui n’hésite pas à donner des conférences avec le mouvement Egalité & Réconciliation (E & R) du multicondamné et compulsif de la haine des Juifs Alain Soral.

Enfin, est aussi annoncé un certain Jacques Antonin, climatocomplotiste radié de l’ordre des médecins, qui est par ailleurs contributeur du magazine de Thierry Casasnovas, le « gourou du cru » visé par une enquête pour « exercice illégal de la médecine » et « abus de faiblesse » et qui affichait encore récemment sa proximité avec E & R. Antonin se présente par ailleurs sur son site comme un « être souverain », du nom de cette mouvance qui prétend que la République française serait une entité fictive contrôlée par la CIA… L’homme promeut par ailleurs la pratique du « respirianisme », soit le fait de s’alimenter de moins de moins et de tirer sa subsistance de l’air et des rayons du soleil. Une pratique « sectaire » selon un rapport de la Miviludes, publié en 2022.

« Une tribune aux désinformateurs »

Car, outre ces discours mêlant antisémitisme, idéologie d’extrême droite et complotisme hard-core tendance QAnon, le festival des Foisonnantes est aussi décriée car il promeut des pratiques pseudo-médicales dangereuses. « En accueillant [cet événement], la ville de Sisteron s’octroie le temps d’un week-end le titre peu glorieux de vitrine de la complosphère, de la désinformation et de l’extrême droite », dénonce une intersyndicale FSU, SUD Education, SGEN-CFDT et Unsa Education dans un courrier adressé au maire le 24 septembre. Soulignant le travail de prévention, d’alerte et de transmission du savoir joué par les enseignants et les personnels de l’Education nationale du département, ils regrettent que cet événement offre « une tribune aux désinformateurs ».

« La ville de Sisteron, poursuivent les syndicats, nourrit le lien de défiance qui s’installe parfois entre les familles et la communauté éducative » à cause de cette mouvance. Ils demandent donc au maire de « renoncer à l’organisation de cet événement », dont il apparaît qu’il doit se tenir en partie dans des locaux appartenant à la municipalité. Ce à quoi, donc, Daniel Spagnou, l’édile, a opposé une fin de non-recevoir, en avançant comme justification que l’« on vit dans une République avec des lois et des règlements qu’on doit respecter ». Le maire a également précisé avoir reçu les organisatrices des Foisonnantes et que celles-ci lui ont assuré qu’il n’y aurait « pas de débordement ».

La décision de l’élu serait-êlle plutôt dictée par ses convictions ? L’Action antifouchiste a également analysé le compte X de Daniel Spagnou, dont, outre ses partages de contenus problématiques, il ressort qu’il est « abonné » à relativement peu de comptes (331) parmi lesquels se trouvent toutefois des figures de la complosphère, voire de la mouvance à la croisée de l’extrême droite et du conspirationnisme. A l’instar des différents profils de « Zoé Sagan » (un pseudo utilisé par Aurélien Poirson-Atlan), acteur majeur de la diffusion de la fake news transphobe sur Brigitte Macron et proche de la lettre antisémite Faits & documents. Mais aussi « Vérité diffusée », un canal de « réinformation » (51 000 abonnés sur X) pro-Russe et pro-Trump, ou encore Bertrand Scholler, important relais de la propagande russe en France sur le conflit ukrainien. Après la révélation de ces éléments, que nous avons pu confirmer, le maire a restreint l’accès à son compte X. Il n’a pas répondu à nos sollicitations.

par Maxime Macé et Pierre Plottu