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Les 25 et 26 janvier dernier, l’UJFP et leurs acolytes de Tsedek ont organisé un colloque à Paris intitulé « 80 ans après la libération d’Auschwitz, penser le fait génocidaire – Histoire, Mémoire, Actualité », consacré à la commémoration de la découverte par les soviétiques des camps d’Auschwitz.
Ce colloque s’inscrit dans la lignée d’une série d’événements (notamment les projections-débats du film « La zone d’intérêt » de Jonathan Glazer, relatif à la vie de famille du commandant du camp d’Auschwitz) dont la visée est de faire un rapprochement entre le génocide commis par les nazis et les crimes perpétrés par l’armée israélienne à Gaza. Lors de ce colloque, Rony Brauman, ancien président de Médecins Sans Frontières, a avancé que Gaza allait « supplanter » Auschwitz comme « métaphore de la cruauté absolue ». Il a également estimé que du fait de son utilisation (bien réelle) par la propagande israélienne, « la mémoire d’Auschwitz » serait devenue « un crachat à la figure des Palestiniens », bien qu’il ne s’en « réjouisse pas ».
Ces déclarations relèvent d’une volonté de mise en concurrence victimaire avec des comparaisons historiquement douteuses dont les organisations du colloque sont coutumières. Il y a quelques années, l’UJFP se demandait si les enfants étrangers dans les CRA pesaient moins que les enfants juifs déportés, oubliant que la finalité de la déportation était leur assassinat systématique. Nous en avions écrit une critique ici : https://juivesetjuifsrevolutionnaires.fr/2021/05/04/critique-du-texte-de-lujfp-sur-lusage-du-terme-shoah/. Il n’y a pas besoin de telles comparaisons, qui ne débouchent que sur la confusion voire la banalisation de la Shoah, pour dénoncer des injustices bien réelles.
Ce qui a été dit au colloque constitue également une instrumentalisation flagrante de la mémoire du génocide des Juifs et des Tziganes (puisque celle-ci n’est vue que comme un outil au service de la solidarité avec la Palestine).
Instrumentalisation, minimisation et banalisation de la Shoah doivent être combattues avec force, d’où qu’elles viennent. Rappelons que l’on peut dénoncer et combattre politiquement toutes les injustices actuelles sans constamment tout rapporter à la Shoah.
La mise en compétition entre différents crimes contre l’humanité et génocide, la diffusion de l’idée selon laquelle le souvenir de l’un pourrait effacer celui d’un autre, ne peut mener qu’au repli identitaire et à la hiérarchisation des racismes. Elle est également fausse : depuis plusieurs décennies, les associations et institutions investies dans la diffusion de la mémoire du génocide des Juif·ves, au premier rang desquelles le mémorial de la Shoah en France, jouent un rôle clé dans la lutte pour la reconnaissance et la diffusion des savoirs sur des génocides dont ont été victimes les Rroms, les Hereros et le Namas, les Tutsis, les Arménien·nes, etc. Il est primordial que cela continue, que la compréhension des spécificités de chaque crime soit étudiée en soi, non pas au service d’une compétition morbide mais pour mieux comprendre chacun dans sa singularité. Nos mémoires ne s’opposent pas : elles se nourrissent.
La « mémoire d’Auschwitz » n’est pas une insulte pour les Palestinien·nes, elle est une insulte pour les nazis et les négationnistes. À l’heure où les héritier·es de ces derniers sont aux portes du pouvoir et où leurs idées infusent tous les bords politiques, le combat pour la paix ne peut pas se mener en insultant ou en voulant faire oublier la mémoire de celles et ceux qu’ils ont assassiné.
Juives et juifs révolutionnaires